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L’évangile de la famille comme moteur de la nouvelle évangélisation

Le Synode de la Famille, a suscité beaucoup d’intérêt dans les médias du monde entier. Et pour cause : plusieurs des sujets abordés demeurent très sensibles : crises et difficultés des familles – chrétiennes ou autres – dans le contexte moderne, les divorcés remariés (ou non), les mariages mixtes, civils et les conjoints de fait (cohabitation), la question de l’accès aux sacrements en cas de situations irrégulières et, enfin, la place des personnes homosexuelles dans l’Église. Mais, au final, que nous a appris la réflexion synodale sur l’Église dont rêve François et, plus particulièrement, sur la situation et le rôle de la famille chrétienne aujourd’hui en matière d’évangélisation ?

La 3e Assemblée extraordinaire du synode des évêques a accouché d’une Relatio synodi (le Rapport final) dont l’intitulé résume bien l’intention : Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation. Les différents aspects de la réflexion de François et des évêques du monde, d’une grande richesse d’autant plus qu’elle a été enrichie par les interventions de couples mariés, de laïcs et d’autres experts et observateurs invités, feront l’objet de discussions et d’approfondissements au cours des prochaines années.

Par notre commentaire, nous voulons nous inscrire bien humblement dans cette démarche.

Un pape plus pastoral que dogmatique

Par l’entremise du Synode sur la Famille, le pape François a vraiment libéré la parole au sein de l’Église (cf. no 62). Un large éventail de points de vue sur des sujets très variés touchant de plus ou moins près la famille comme institution humano-divine y ont été exprimés et entendus réciproquement, et ce, par toutes les factions de l’Église : libérales, traditionnelles, conservatrices, y compris les « ultra » à gauche comme à droite. À tort, certains commentateurs des médias y auront vu de durs affrontements entre castes idéologiques, jusqu’au schisme potentiel, alors qu’en vérité, il ne s’agissait que de francs débats d’idées dans un climat de grand respect fraternel. En outre, et ce n’est pas rien, cet exercice de réflexion « démocratique » (les propositions y étant soumises au vote) dans un climat de grande liberté d’expression a manifesté le désir réel de l’Église d’entamer un franc dialogue avec le monde moderne sur la problématique de la famille.

Ce climat de grande liberté d’expression dans l’exercice synodal semble avoir été à la source, pour plusieurs commentateurs internes et externes, de plusieurs mauvaises interprétations quant à son intention initiale et à sa finalité. Quoi qu’il en soit, pour les évêques et le Pape, il ne s’agissait pas de réécrire une version allégée du Catéchisme des commandements, des normes et des prescriptions sur la vie conjugale et familiale. En vérité, il s’agissait d’un synode aux visées pastorales. Les évêques et le Pape ont donc réfléchi aux stratégies et aux moyens d’appliquer de façon pratique la doctrine religieuse et morale de l’Église sur la famille sur le terrain. L’objectif ultime? Rejoindre les gens – surtout ceux qui sont éloignés de l’Église – après les avoir entendus, en tenant compte de leurs situations concrètes, de leurs joies et fatigues, de leurs espoirs (no 1). Établir un pont entre ce que dit l’Église et ce qu’ils vivent, créer ou rétablir un espace possible de rencontres et d’échanges.

L’assemblée synodale a aussi réfléchi au contexte difficile et aux défis de la famille chrétienne et non chrétienne dans la société actuelle (première partie du Rapport). Elle s’est penchée sur les raisons de ces difficultés et de ces blocages en vue de mieux les comprendre et d’y remédier, afin que toutes les familles humaines puissent entendre « l’Évangile de la famille » proposé par la Révélation chrétienne (deuxième partie du Rapport).

Dans ces deux premières parties comme dans la dernière (nous y arrivons), François et les pères synodaux insisteront sur un aspect : cette annonce de « l’Évangile de la famille » devra, tant dans la forme que le ton, s’arrimer à la Miséricorde, un des thèmes-clés du pontificat de François. En clair, cette miséricorde devra qualifier l’attitude missionnaire, car le Christ, par sa Révélation, n’est pas venu condamner la famille humaine, par nature fragile, mais la relever, la sauver (cf. no 29). Par exemple, un couple chrétien qui reçoit de jeunes conjoints qui cohabitent depuis quelques années et pensent au mariage chrétien ne commencera pas sa première – ni sa deuxième – rencontre par un examen canonique sur la foi et les mœurs. Il les accueillera plutôt avec tendresse et ouverture, les écoutant gentiment, recevant le témoignage de leur histoire d’amour unique et sacrée afin d’y trouver des « semences de Dieu » à partir desquelles ces jeunes pourront entreprendre leur cheminement chrétien personnalisé, réaliste et à « petits pas » – les trop grandes enjambées risquant de les décourager. En leur donnant le temps d’expérimenter et de goûter la sagesse chrétienne!

Les couples et les familles chrétiennes doivent devenir missionnaires

Dans la troisième partie du rapport, les Pères synodaux ont réfléchi aux perspectives pastorales de l’annonce de l’Évangile de la famille. Plutôt que de résumer dans le détail leur réflexion, nous en ferons ressortir quelques idées fortes.

La première: l’annonce de « l’Évangile de la famille » constitue une urgence pour la nouvelle évangélisation (no 29). Évangéliser est la responsabilité de chacun des membres du peuple de Dieu, selon ses talents et son charisme. Cela étant, les conjoints et les familles chrétiennes, en vertu de la grâce du sacrement qui les unit, sont les premiers responsables de l’annonce de l’Évangile de la famille, ils sont invités à devenir des missionnaires joyeux et actifs auprès des couples et des familles modernes (no 30). En effet, rien de plus normal à ce que ceux-là mêmes qui goûtent l’Évangile de la joie au sein de leur vie conjugale et familiale soient les meilleurs ambassadeurs de la grâce de Dieu… Et pourtant, quand on y pense, cette place centrale attendue des familles et des conjoints chrétiens représenterait une réelle nouveauté dans la vie pastorale de l’Église. En effet, Dieu seul sait combien la pastorale paroissiale s’en trouverait enrichie!

Voilà donc un authentique appel prophétique aux familles et aux couples chrétiens! Jusqu’à aujourd’hui encore, l’activité évangélisatrice de l’Église a été considérée comme la chasse gardée de missionnaires professionnels, souvent des hommes et femmes consacrées, étant proches de communautés religieuses constituées à cette fin ou en faisant partie. Or les temps ont changé, les vocations de ce type ont chuté et l’Église compte de moins en moins de missionnaires disponibles et consacrés à l’évangélisation de l’Occident (en particulier); pour cette raison, les derniers papes, surtout saint Jean-Paul II, ont rappelé l’importance de l’engagement des laïcs dans la vie de l’Église, y compris missionnaire (cfChristifideles laici, 1998). Le temps semble donc venu pour l’Église de passer de la parole aux actes, c’est-à-dire de donner aux familles et aux couples chrétiens la place qui leur revient dans l’agenda pastoral de la communauté chrétienne (cf. no 61).

Seconde idée forte, le rapport synodal rappelle dans le même souffle une évidence oubliée, qui expliquerait la crise de l’Église en Occident : la crise générale de la foi a entraîné, dans un premier temps, une crise du mariage et de la famille, laquelle a entraîné, dans un second temps, un arrêt – ou une perte, à tout le moins – sur le plan de la transmission de la foi des parents aux enfants (no 32). Or ce hiatus explique la dévitalisation chrétienne de la famille et de la société. La famille étant la première Église, ou l’Église domestique, si elle va mal, l’ensemble en souffrira d’autant. En d’autres termes, ainsi va la famille, ainsi va l’Église!

À l’évidence, comme le problème et la solution à la crise pastorale ont une même origine, celle de la famille, le rapport synodal insiste sur le rôle central que devraient être appelés à jouer les familles et les couples chrétiens dans la nouvelle évangélisation.

Quels chantiers-missions confier aux familles et aux couples chrétiens ?

Plusieurs pistes leur sont proposées par le Synode, toutes arrimées à la spécificité et à la grâce propres des familles et des couples chrétiens.

Un champ à animer serait celui de la préparation au mariage des jeunes couples. Cette préparation, rappelle le Synode, est d’une importance capitale en raison de la fragilité des bases chrétiennes de tant de jeunes et moins jeunes. Ces parcours de préparation au mariage, dans le cadre paroissial, représentent de formidables occasions de catéchisation, d’évangélisation et de maturation chrétienne.

Une fois le mariage célébré, il faudrait aussi offrir aux jeunes mariés des activités d’accompagnement afin de leur permettre de bien relever les défis inhérents aux premières années de toute vie conjugale et parentale. Un parcours de maturation humaine (affective) et chrétienne, en quelque sorte. Cet accompagnement permettrait à plusieurs couples en difficulté de traverser les tempêtes avec l’espérance chevillée au cœur, d’éviter bien des écueils, voire un naufrage.

Une des facettes essentielles de cette mission d’accompagnement consisterait aussi à sensibiliser les nouveaux couples à l’importance d’une sexualité pleinement humaine, ouverte à Dieu et à la vie, et à se défaire de tant de préjugés et d’idées galvaudées.

Enfin, certains couples d’expérience pourraient soutenir les familles blessées, les familles monoparentales, les personnes séparées, celles qui sont divorcées non remariées, qui ont tant besoin d’un cœur qui écoute sans juger, voire de mains pour les assister au besoin.

On le voit, les champs d’action ne manquent pas. Pour l’instant, ce sont plutôt les missionnaires qui manquent à l’appel…

Une mission nouvelle et historique pour les familles et les couples chrétiens

Sans aucun doute, par ce Synode sur la Famille, François, les évêques et les familles participantes ont donné à l’Église du Christ des idées et une impulsion missionnaire radicalement nouvelle dans sa forme. Pour la première fois de l’Histoire, l’Église se tourne vers les familles et les couples chrétiens afin de leur demander de devenir des acteurs de premier plan de l’Évangélisation. Les communautés chrétiennes de par le monde devront prendre acte de ce virage pédagogique missionnaire et les soutenir de façon plus forte et efficace, ce qui représentera un défi, voire une conversion, pour plusieurs (cf. no 61).

En outre, ces communautés chrétiennes devront soutenir les parents chrétiens dans leur tâche éducative, accompagnant les enfants, de la naissance à la période adulte, en passant par la préadolescence et l’adolescence, par des chemins personnalisés ajustés, capables de transmettre le sens plénier de la vie et de susciter des choix responsables à la lumière de l’Évangile.

Oui, désormais, l’Église tout entière se met à l’heure missionnaire de l’Évangile de la famille!

Luc Phaneuf est théologien, animateur de pastorale et professeur en éducation de la foi, Il a animé des émissions, entre autres à Radio Ville-Marie, il collabore à la rédaction de la revue Univers. Revue d’information et d’animation missionnaire au service de l’Église canadienne, publiée par l’oeuvre Pontificale de la Propagation de la foi. 
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