< Retour aux ressources

26ème dimanche du temps ordinaire (Année C)

La Sagesse-astuce pour l’avenir
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., Secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

26ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE C)

Am 6,1a.4-7; Sal 145; 1Tm 6,11-16; Lc 16,19-31

Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur !

 

COMMENTAIRE BIBILIQUE ET MISSIONNAIRE

Heureux les pauvres

L’Évangile de ce dimanche est celui qui, par excellence, annonce la bonne nouvelle aux pauvres. Avec cette parabole, Jésus transmet un message clair sur le renversement du sort des pauvres et des riches dans l’au-delà et, par-là, un avertissement fort à ceux qui s’enferment égoïstement dans leurs richesses sans apercevoir les nécessiteux autour d’eux. C’est une sorte d’illustration narrative de l’antithèse heureux-malheureux que Jésus avait proclamée au début de ses activités: « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. (…) Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! » (Lc 6,20.24). Le message évangélique est donc clair, mais il est intéressant de regarder de plus près quelques détails intéressants de cette parabole, unique dans les Évangiles, pour une compréhension plus appropriée et encore plus profonde de ce que Jésus veut nous enseigner sur notre chemin de foi et de mission aujourd’hui.

  1. Le pauvre homme et ses souffrances en silence

La situation du pauvre de la parabole est plus que tragique, comme en témoignent les coups de pinceau peu nombreux mais efficaces qui mettent en lumière sa misère : « était couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères ». Cette description, ou plutôt la dramatisation, des aspects physiques suggère également une certaine souffrance dans l’esprit de ce pauvre homme, abandonné par les hommes à cause de ses plaies et qui est « approché » uniquement par les chiens, animaux considérés comme impurs dans la tradition juive. Ce qui surprend, au milieu de cette immense tragédie personnelle, est le silence des pauvres tout au long de l’histoire. En fait, il n’a jamais parlé de son vivant et reste sans un mot même après la mort, quand « les anges l’emportèrent auprès d’Abraham », c’est-à-dire au bonheur céleste avec les patriarches d’Israël. Cela contraste fortement avec le comportement de l’homme riche qui, comme nous le verrons plus loin, a toujours fait du « bruit » avant et après la mort !

Le silence des pauvres dans la parabole nous fait réfléchir. Chaque disciple de Jésus devra s’interroger et s’inquiéter. Autour de nous, il y a encore tant de pauvres, de nécessiteux, de souffrants, qui n’élèvent pas leur voix. La plupart du temps, ils restent silencieux pour une cause ou une autre. Faut-il être encore plus attentif à ces « voix silencieuses » proches de nous, qui viennent de situations limites. Et cela est particulièrement vrai pour les disciples missionnaires de Jésus, rappelant ce que le Pape François affirme dans le Message pour la Journée Mondiale des Missions de cette année : « L’Église du Christ a été, est et sera toujours « en sortie » vers de nouveaux horizons géographiques, sociaux et existentiels, vers des lieux et des situations humaines « limites », afin de témoigner du Christ et de son amour à tous les hommes et toutes les femmes de tout peuple, de toute culture et de tout statut social ». Suivant le Christ sa tête, l’Église du Christ n’oublie jamais les pauvres.

  1. L’homme riche et son « bruit »

L’homme riche de la parabole est très « bruyant ». Au cours de sa vie, il « faisait chaque jour des festins somptueux », comme décrit dans l’histoire. Et nous pouvons imaginer à quel point ses funérailles ont été bruyantes, même si le texte de l’évangile est sobre à ce sujet et dit simplement « et on l’enterra » (peut-être pour souligner la brièveté de tout dans la vie !). Mais le bruit de cet homme riche se fait surtout entendre dans l’au-delà, lorsqu’il a dû séjourner « aux enfers au milieu des tourments ». Le riche « cria » à Abraham, et c’est ainsi, comme on peut bien le supposer, que s’établit tout le dialogue entre le riche et le patriarche.

La description des souffrances de l’homme riche aux enfers reprend la vision de la tradition juive du lieu des tourments après la mort pour les méchants (cf. par exemple, Is 66,24 ; Si 21,9-10). Le point central est la grande souffrance que subit le méchant en raison de la séparation éternelle d’avec Dieu et de son Royaume béni, conséquence de son propre choix existentiel (vivre égoïstement avec lui-même et selon sa propre volonté, et non avec Dieu et selon enseignement). Le cri désespéré du riche depuis son lieu de souffrance éternelle sonne comme un avertissement à tous les riches du monde et de tous les temps, qui ne pensent qu’à eux-mêmes et à leurs « somptueux banquets », vivant dans une totale indifférence envers les plus nécessiteux, les plus malheureux. Et cela s’applique également à ceux qui se vantent d’être des « fils d’Abraham », comme l’homme riche de la parabole. C’est donc un appel fort à la conversion et au changement de vie, un avertissement déjà donné par Jean-Baptiste au début de l’Évangile de Luc : « Produisez donc des fruits qui expriment votre conversion. Ne commencez pas à vous dire : “Nous avons Abraham pour père”, car je vous dis que, de ces pierres, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham ». (Lc 3,8; cf. Jn 8,39).

 

  1. Où est Dieu ?

Enfin, un lecteur/auditeur attentif pourra naturellement se poser une question légitime : dans toute cette parabole qui parle de la vie et de la mort, où est Dieu ? En effet, quelqu’un d’autre peut se sentir perplexe ou intrigué par le fait que Dieu semble absent de l’histoire. Il n’apparaît pas non plus dans les affaires terrestres ni même au ciel, laissant la place au patriarche Abraham qui parle, enseigne, rend le jugement, noyau de l’enseignement parabolique, avec toute l’autorité divine : « Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance ».

La dernière observation suggère déjà une réponse à la question de l’absence apparente de Dieu : en réalité, Dieu est présent dans cette histoire, mais de manière subtile. Il agit dans les coulisses. Ceci est d’abord évoqué de manière délicate au nom du pauvre : Lazare. C’est la forme abrégée d’Eléazar qui en hébreu signifie « Dieu aide », « Dieu vient au secours ». Ici, nous avons la seule personne « nommée » dans les paraboles de Jésus dans les Évangiles. Cela souligne à nouveau la force symbolique du nom et de la personne. Ce sont les pauvres qui n’ont que Dieu comme aide, soulagement et consolation dans la vie. Et ce sera le même Dieu qui l’accueillera dans le sein d’Abraham, dans le Royaume des bienheureux. Lui, le bon Dieu, est toujours présent dans chaque pauvre, misérable, abandonné, marginalisé, comme le Christ lui-même dans les affamés, les prisonniers, les déshabillés, les malades, les frères les plus petits.

Il faut noter une présence particulière de Dieu qui est soulignée dans la dernière partie de la parabole. Lorsque le riche souffrant demande à Abraham d’envoyer Lazare admonester « sévèrement » ses cinq frères, le patriarche répond : « Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! ». Et l’importance d’écouter « Moïse et les Prophètes » se confirme une fois de plus : « S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus ». Voici le Dieu qui continue à parler à travers « Moïse et les Prophètes », c’est-à-dire à travers sa Parole dans l’Écriture Sainte. Il continue à indiquer les voies du salut. En effet, déjà dans la Sainte Écriture, il est averti à cet égard : « Qui fait la sourde oreille à la clameur des faibles criera lui-même sans obtenir de réponse » (Pr 21,13); et ceux qui prennent soin des pauvres sont exaltés : « Heureux qui pense au pauvre et au faible : le Seigneur le sauve au jour du malheur ! » (Ps 40,2). Et Jésus confirme avec autorité l’enseignement divin. Au contraire, il exhorte et réprimande fortement ceux qui « dorment » dans leurs richesses, sans penser avec sagesse à l’avenir.

Prions donc avec les paroles pleines de sens de la prière de collecte du Missel : Ô Dieu, qui connais les besoins des pauvres et n’abandonne pas les faibles dans la solitude, libère de l’esclavage de l’égoïsme ceux qui sont sourds à la voix de ceux qui réclament aide, et nous donne à tous une foi ferme dans le Christ ressuscité.

 

Jean-Paul II, Lettre encyclique sur la valeur permanente du précepte missionnaire, Redemptoris Missio

 

Caractéristiques et exigences du Royaume

  1. Jésus révèle progressivement les caractéristiques et les exigences du Royaume par ses paroles, ses œuvres et sa personne. Le Royaume de Dieu est destiné à tous les hommes, car tous sont appelés à en être les membres. Pour souligner cet aspect, Jésus s’est fait proche surtout de ceux qui étaient en marge de la société, leur accordant sa préférence, lorsqu’il annonçait la Bonne Nouvelle. Au début de son ministère, il proclame qu’il a été envoyé pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres (cf. Lc 4, 18). A tous les rejetés et à tous les méprisés, il déclare: « Heureux, vous les pauvres » (Lc 6, 20); de plus, il amène ces marginaux à vivre déjà une expérience de libération: il demeure avec eux, il va manger avec eux (cf. Lc 5, 30; 15, 2), il les traite comme des égaux et des amis (cf. Lc 7, 34), il leur fait sentir qu’ils sont aimés de Dieu et révèle ainsi l’immense tendresse de Dieu envers les plus démunis et les pécheurs (cf. Lc 15, 1-32).

 

La première forme d’évangélisation est le témoignage

 

  1. L’homme contemporain croit plus les témoins que les maitres, l’expérience que la doctrine, la vie et les faits que les théories. Première forme de la mission, le témoignage de la vie chrétienne est aussi irremplaçable. Le Christ, dont nous continuons la mission, est le « témoin» par excellence (cf. Ap 1, 5; 3, 14) et le modèle du témoignage chrétien. L’Esprit Saint accompagne l’Eglise dans son cheminement et l’associe au témoignage qu’Il rend au Christ (cf. Jn 15, 26-27).

La première forme de témoignage est la vie même du missionnaire, de la famille chrétienne et de la communauté ecclésiale, qui rend visible un nouveau mode de comportement. Le missionnaire qui, malgré toutes ses limites et ses imperfections humaines, vit avec simplicité à l’exemple du Christ est un signe de Dieu et des réalités transcendantes. Mais tous dans l’Eglise, en s’efforçant d’imiter le divin Maitre, peuvent et doivent donner ce témoignage ; dans bien des cas, c’est la seule façon possible d’être missionnaire.

Le témoignage évangélique auquel le monde est le plus sensible est celui de l’attention aux personnes et de la charité envers les pauvres, les petits et ceux qui souffrent. La gratuité de cette attitude et de ces actions, qui contrastent profondément avec l’égoïsme présent en l’homme, suscite des interrogations précises qui orientent vers Dieu et vers l’Evangile. De même, l’engagement pour la paix, la justice, les droits de l’homme, la promotion de la personne humaine est un témoignage évangélique dans la mesure où il est une marque d’attention aux personnes et où il tend vers le développement intégral de l’homme.

  1. «L’Eglise dans le monde entier—ai-je déclaré durant ma visite au Brésil—veut être l’Eglise des pauvres […]. Elle veut mettre en lumière toute la vérité contenue dans les Béatitudes du Christ, et surtout dans la première: « Bienheureux les pauvres de cœur« . Elle veut enseigner cette vérité et la mettre en pratique, comme Jésus est venu le faire et l’enseigner».

Les jeunes Eglises, qui vivent la plupart du temps parmi des populations souffrant d’une grande pauvreté, expriment souvent cette préoccupation comme une partie intégrante de leur mission. La Conférence générale de l’épiscopat latino-américain à Puebla, après avoir rappelé l’exemple de Jésus, écrit que « les pauvres méritent une attention préférentielle, quelle que soit la situation morale ou personnelle dans laquelle ils se trouvent. Ils sont faits à l’image et à la ressemblance de Dieu […] pour être ses enfants, mais cette image est ternie et même outragée. Aussi, Dieu prend leur défense et les aime […]. Il s’ensuit que les premiers destinataires de la mission sont les pauvres […], et que leur évangélisation est par excellence un signe et une preuve de la mission de Jésus».

Fidèle à l’esprit des Béatitudes, l’Eglise est appelée à partager avec les pauvres et avec les opprimés de toute sorte. C’est pourquoi j’exhorte tous les disciples du Christ et toutes les communautés chrétiennes, des familles aux diocèses, des paroisses aux Instituts religieux, à faire une révision de vie sincère, dans le sens de la solidarité avec les pauvres. En même temps, je remercie les missionnaires qui, par leur présence aimante et leur humble service, œuvrent en vue du développement intégral de la personne et de la société, grâce aux écoles, aux centres sanitaires, aux léproseries, aux maisons d’accueil pour les personnes handicapées et les vieillards, aux initiatives pour la promotion de la femme, et d’autres encore. Je remercie les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïcs pour leur dévouement et j’adresse mes encouragements aux volontaires des Organisations non gouvernementales qui se consacrent à ces œuvres de charité et de promotion humaine.

Ce sont en effet ces œuvres qui témoignent de l’âme de toute l’activité missionnaire, c’est-à-dire de l’amour qui est et reste le moteur de la mission et qui est également « l’unique critère selon lequel tout doit être fait ou ne pas être fait, changé ou ne pas être changé. C’est le principe qui doit diriger toute action, et la fin à laquelle elle doit tendre. Quand on agit selon la charité ou quand on est mû par la charité, rien n’est désavantageux et tout est bon ».

 

Partager sur les médias sociaux:

Trouvez une ressources

Effectuez une recherche par mot(s) clé(s)

Partager sur les médias sociaux:

Infolettre

Abonnez-vous à notre infolettre pour recevoir les toutes dernières nouvelles de nos oeuvres! Billets de blogue, nouvelles, vidéos et contenus exclusifs vous attendent à chaque mois!

Le Pape compte sur votre engagement

Contribuez au développement de l'Église en terre de mission, et apportez l'espoir du Christ.

Faire un don