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34ème dimanche du temps ordinaire (Année C)

La mission du roi crucifié
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

34ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE C)

Solennité du Christ Roi de l’Univers

2 S 5,1-3; Ps121; Col 1,12-20; Lc 23,35-43

Dans la joie, nous irons à la maison du Seigneur

La mission du roi crucifié

À la fin de l’année liturgique, nous célébrons la solennité de Jésus-Christ, Roi de l’univers. Celle-ci a été introduite dans la liturgie de l’Église par Pie XI en l’Année Sainte 1925 (avec l’encyclique Quas Primas), puis confirmée par Paul VI dans le nouveau Missel romain (Constitution Missale romanum du 3 avril 1969). Comme le pape Pie XI l’a souligné, « pour que la société chrétienne bénéficie de tous ces précieux avantages et qu’elle les conserve, il faut faire connaître le plus possible la doctrine de la dignité royale de notre Sauveur ». Et la préface de la messe d’aujourd’hui veut accentuer le caractère avant tout divino-spirituel du royaume du Christ pour l’Humanité : « royaume éternel et universel, royaume de vérité et de vie, royaume de sainteté et de grâce, royaume de justice, d’amour et de de paix ». Le pape François a voulu déplacer la célébration de la Journée mondiale de la jeunesse dans tous les diocèses du monde du dimanche des Rameaux à ce jour du Christ-Roi.

Dans une atmosphère aussi festive, l’Évangile nous invite à méditer sur quelques traits particuliers importants du Christ-Roi et de sa mission. Ces aspects seront essentiels pour nous, ses disciples, appelés à poursuivre la mission d’apporter le royaume de Dieu à tous.

  1. Le roi crucifié qui ne voulait pas se sauver lui-même

La liturgie veut rappeler le dernier moment de Jésus sur la croix. Ainsi, il nous renvoie au « Vendredi saint », à la fin de sa vie terrestre et en même temps à l’aboutissement de sa mission.

La dérision blasphématoire des dirigeants juifs, des soldats romains, et même d’un des criminels, met encore en lumière l’humiliation et la tragédie du moment. On a l’impression d’entendre le refrain de toutes parts au rythme terriblement martelant : “Sauve! Sauve! Sauve-toi toi-même!

Pourtant, de la non-réaction de Jésus face aux provocations, se dégage toute la patience, la douceur, la détermination « royale » de celui qui n’a qu’une idée en tête, comme Il l’a déclaré dès l’âge de douze ans, l’âge d’un adulte du peuple de Dieu selon la tradition juive : « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Lc 2,49). C’est lui aussi qui a ardemment et résolument voulu faire le voyage jusqu’à Jérusalem, pour atteindre « tout ce qui a été écrit par les prophètes sur le Fils de l’homme » (Lc 18,31). Ainsi pouvait-on « entendre » du silence du Christ sur la croix, en réponse à ce refrain blasphématoire des moqueurs, le chant de louange incessante, signe de foi et de fidélité totale à Dieu : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur, Dieu de l’univers ! »

La mission de Jésus est toujours d’accomplir le plan du Père pour le salut de tous, y compris ceux qui ne le comprennent pas, se moquent de lui, le crucifient, et même au prix de la consommation de leur propre vie. C’est là que réside la grandeur du roi divin, le Christ de Dieu, l’élu. Ce sera aussi le chemin de chacun de ses disciples-missionnaires, appelés à avoir, comme le Christ-Roi, la même patience, douceur et détermination « royale ».

  1. Le roi miséricordieux qui donne le ciel

De la scène de la crucifixion, saint Luc nous livre le gros plan exclusif (unique parmi les évangiles) sur la conversation entre Jésus et le « bon larron ». Ici émerge, comme dans bien des épisodes de l’Évangile de Luc, un Jésus plein de miséricorde. Il est le visage miséricordieux de Dieu envers les derniers, les exclus, les repentis, les nécessiteux. La mission du Christ-Roi est celle de la miséricorde. Ce n’est pas un hasard si avant même l’épisode du bon larron, Jésus a prié pour le pardon de tous ses bourreaux : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34), et cela vaut aussi pour ceux qui pensaient ou se vantaient de savoir ce qu’ils faisaient !

Son royaume a toujours et à jamais été celui de la « vie […] d’amour et de paix », pour reprendre la préface de la messe d’aujourd’hui, et il sera toujours plus grand que toute petitesse humaine. Et la requête émouvante du larron repentant après avoir sincèrement reconnu la conséquence de son péché, puis défendant publiquement l’innocence de Jésus, devient le modèle de prière pour tous les disciples, voire pour toutes les personnes ayant besoin de salut au moment de l’épreuve et de la mort : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume ». Il fait référence à l’invocation de la miséricorde divine par les membres du peuple de Dieu : « Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours » (Ps 24,6).

  1. L’éternel « aujourd’hui » du salut offert par le Christ-Roi

Face au plaidoyer touchant du voleur dans lequel se fait entendre la voix de chaque homme et femme en quête de salut, la réponse de Jésus est immédiate, et elle est aussi belle et en même temps pleine de significations théologico-spirituelles : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ». Comme le montre la formulation initiale (« Amen, je te le dis »), c’est une déclaration délibérément solennelle, comme s’il voulait annoncer à tous ce qu’il a dit à un seul. Jésus promet, assure au voleur le salut, c’est-à-dire d’être au paradis avec lui, et cela arrivera « aujourd’hui », ce même jour du « Vendredi Saint » ! (Il n’a pas dit : Attends, cher voleur, trois jours, accroche-toi à la croix, et quand je ressusciterai le troisième jour, alors tu seras avec moi !).

Cet « aujourd’hui » ne se réfère donc pas au temps matériel, mais concerne l’éternel aujourd’hui du salut offert par le Christ Roi crucifié. C’était déjà pour Zachée, lorsqu’il accueillit Jésus dans sa maison, qui déclara : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison […]. Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,9-10). De plus, cet « aujourd’hui » avait déjà été proclamé par Dieu à travers ses anges au moment de la naissance de Jésus : « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur » (Lc 2,11). On le retrouve ensuite sur les lèvres de Jésus lui-même dans la synagogue de Nazareth au début de ses activités publiques : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » (Lc 4,21). Il s’agit aujourd’hui de la mission de Jésus qui apporte le divin évangile à tous les nécessiteux pour rassembler tous les enfants de Dieu dispersés dans le royaume de paix et de salut.

Cet « aujourd’hui » de Dieu et de Jésus continue encore aujourd’hui, et tous les disciples du Christ sont appelés à proclamer à tous ce « jour » du Seigneur qui ne sera pas un jour néfaste de condamnation et de feu, mais de pardon et de salut. Peu importe à quel point le passé que chacun porte sur ses épaules peut être laid, mauvais, pécheur, il suffira de se tourner vers Jésus, le Roi crucifié, en invoquant sincèrement son nom, comme le bon larron. Il attend toujours chaque homme et chaque femme avec patience, compréhension et miséricorde. En donnant le ciel au « bon larron », le Christ-Roi en croix continue mystiquement d’attendre le retour de l’autre larron, le “méchant”, pour pouvoir lui donner à lui aussi « l’aujourd’hui » de son salut dans son royaume.

Apportons à tous ce grand mystère, ce mystère de l’amour de Dieu dans le Christ pour chaque personne dans le monde. Ainsi le doux royaume du Christ-Roi crucifié s’étend par attraction, qui a aussi promis, prophétisant : « et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes  » (Jn 12,32). Que les paroles sacrées soient donc toujours dans nos cœurs et sur nos lèvres pour partager avec tous la vérité de l’éternel « aujourd’hui » de notre salut en Christ: « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3,16-17).

Catéchisme de l’Église catholique

786 Le Peuple de Dieu participe enfin à la fonction royale du Christ. Le Christ exerce sa royauté en attirant à soi tous les hommes par sa mort et sa Résurrection (cf. Jn 12, 32). Le Christ, Roi et Seigneur de l’univers, s’est fait le serviteur de tous, n’étant “ pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour la multitude ” (Mt 20, 28). Pour le chrétien, “ régner, c’est le servir ” (LG 36), particulièrement “ dans les pauvres et les souffrants, dans lesquels l’Église reconnaît l’image de son Fondateur pauvre et souffrant ” (LG 8). Le Peuple de Dieu réalise sa “ dignité royale ” en vivant conformément à cette vocation de servir avec le Christ.

De tous les régénérés dans le Christ le signe de la Croix fait des rois, l’onction du Saint-Esprit les consacre comme prêtres, afin que, mis à part le service particulier de notre ministère, tous les chrétiens spirituels et usant de leur raison se reconnaissent membres de cette race royale et participants de la fonction sacerdotale. Qu’y a-t-il, en effet, d’aussi royal pour une âme que de gouverner son corps dans la soumission à Dieu ? Et qu’y a-t-il d’aussi sacerdotal que de vouer au Seigneur une conscience pure et d’offrir sur l’autel de son cœur les victimes sans taches de la piété ? (S. Léon le Grand, serm. 4, 1 : PL 54, 149).

Benoit XVI, Solennité de Jésus-Christ, Roi de l’univers, Angélus, place Saint-Pierre, dimanche, 22 novembre 2009

Mais en quoi consiste le “pouvoir” de Jésus Christ Roi ? Ce n’est pas celui des rois et des grands de ce monde; c’est le pouvoir divin de donner la vie éternelle, de libérer du mal, de vaincre le pouvoir de la mort. C’est le pouvoir de l’Amour, qui sait tirer le bien du mal, attendrir un cœur endurci, apporter la paix dans le conflit le plus âpre, allumer l’espérance dans les ténèbres les plus épaisses. Ce règne de la Grâce ne s’impose jamais, et respecte toujours notre liberté. Le Christ est venu “rendre témoignage à la vérité” (Jn 18, 37) – comme il l’a dit devant Pilate – : qui accueille son témoignage se place sous son “étendard”, selon l’image chère à saint Ignace de Loyola. Un choix – ce “oui” – est donc nécessaire pour chaque conscience : qui est-ce que je veux suivre ? Dieu ou le malin ? La vérité ou le mensonge ? Choisir le Christ ne garantit pas le succès selon les critères du monde, mais assure cette paix et cette joie que lui seul peut donner. C’est ce que manifeste à chaque époque l’expérience de tant d’hommes et de femmes qui, au nom du Christ, au nom de la vérité et de la justice, ont su s’opposer aux flatteries des pouvoirs terrestres et de leurs différents masques, jusqu’à sceller cette fidélité par le martyre.

Pape François, Audience générale, place Saint-Pierre, mercredi, 28 septembre 2016

Les mots que Jésus prononce au cours de sa passion atteignent leur sommet dans le pardon. Jésus pardonne : «  Père, pardonne-leur : ils ne savent ce qu’ils font » (Lc 23, 34). Ce ne sont pas seulement des mots, car ils deviennent un acte concret dans le pardon offert au « bon larron », qui était à côté de Lui. Saint Luc raconte l’histoire de deux malfaiteurs crucifiés avec Jésus, qui s’adressent à Lui avec des attitudes opposées.

Le premier l’insulte, […]

L’autre est celui qu’on appelle le « bon larron ». Ses paroles sont un modèle merveilleux de repentir, une catéchèse concentrée pour apprendre à demander pardon à Jésus. Il s’adresse tout d’abord à son compagnon : « Tu n’as même pas crainte de Dieu, alors que tu subis la même peine! » (Lc 23, 40). Il souligne ainsi le point de départ du repentir : la crainte de Dieu. […]

Ensuite, le bon larron déclare l’innocence de Jésus et confesse ouvertement sa propre faute : « Pour nous, c’est justice, nous payons nos actes; mais lui n’a rien fait de mal » (Lc 23, 41). Jésus est donc là sur la croix, pour être avec les coupables : à travers cette proximité, Il leur offre le salut. Ce qui est un scandale pour les chefs et pour le premier voleur, pour ceux qui étaient là et qui se moquaient de Jésus, est en revanche le fondement de sa foi. Et ainsi, le bon larron devient le témoin de la grâce : l’impensable s’est produit. Dieu m’a aimé à un tel point qu’il est mort sur la croix pour moi. La foi même de cet homme est le fruit de la grâce du Christ : ses yeux contemplent chez le Crucifié l’amour de Dieu pour lui, pauvre pécheur. C’est vrai, le larron était un voleur, un voleur, il avait volé toute sa vie. Mais à la fin, repenti de ce qu’il avait fait, en regardant Jésus si bon et si miséricordieux, il a réussi à voler le ciel : quel voleur habile!

Le bon larron s’adresse enfin directement à Jésus, en invoquant son aide : « Jésus, souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton royaume » (Lc 23, 42). Il l’appelle par son nom, « Jésus », avec confiance, et ainsi il confesse ce que ce nom indique : « le Seigneur sauve ». C’est ce que signifie le nom « Jésus ». Cet homme demande à Jésus de se rappeler de lui. Que de tendresse dans cette expression, que d’humanité! C’est le besoin de l’être humain de ne pas être abandonné, que Dieu soit toujours proche de lui. […]

Alors que le bon larron parle au futur : « Quand tu viendras avec ton royaume », la réponse de Jésus ne se fait pas attendre; il parle au présent : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (v. 43). A l’heure de la croix, le salut du Christ atteint son sommet; et sa promesse au bon larron révèle l’accomplissement de sa mission : c’est-à-dire, sauver les pécheurs. Au début de son ministère, dans la synagogue de Nazareth, Jésus avait proclamé « la libération aux prisonniers » (Lc 4, 18); à Jéricho, dans la maison du pécheur public Zachée, il avait déclaré que « le Fils de l’homme — c’est-à-dire Lui — est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19, 9). Sur la croix, le dernier acte confirme la réalisation de ce dessein salvifique. Du début à la fin, il s’est révélé Miséricorde, il s’est révélé incarnation définitive et unique de l’amour du Père. Jésus est vraiment le visage de la miséricorde du Père. Et le bon larron l’a appelé par son nom : « Jésus ». C’est une brève invocation, et nous pouvons tous la prononcer de nombreuses fois au cours de la journée : « Jésus ». « Jésus », tout simplement. Faites ainsi pendant toute la journée.

 

 

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