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La sagesse de vie au moment de la fin

La sagesse de vie au moment de la fin
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

32ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A)

Sg 6,12-16; Ps 62; 1Th 4,13-18; Mt 25,1-13

La sagesse de vie au moment de la fin

L’évangile de ce dimanche nous présente la belle parabole des dix vierges. Le texte appartient au matériel exclusif de Mt et c’est aussi la seule des cinq paraboles sur la sagesse dans les évangiles qui est explicitement liée au thème du Royaume, à travers l’introduction : « Alors, le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux » (Mt 25,1).

  1. Le cadre eschatologique-sapientiel de la parabole

La phrase d’introduction de la parabole détermine le cadre eschatologique du récit (« [alors…] sera comparable ») qui correspond au contexte général dans lequel il se trouve. Notre texte se situe au milieu des instructions sur la fin des temps : il y a d’abord le discours dit eschatologique de Mt 24 et ensuite les deux paraboles (des talents et du jugement dernier), qui attirent l’attention sur la perspective de la rétribution finale lors du retour du Christ (Mt 25,14-30.31-46). D’autre part, la caractérisation des protagonistes au début de la parabole en question démontre sa claire orientation sapientielle : les dix vierges sont divisées entre les folles/stupides et les sages. Il ne s’agit pas d’une classification secondaire, puisque ces mêmes caractéristiques seront précisées tout au long du récit et que les adjectifs “insouciantes/prévoyantes” deviendront les noms propres pour distinguer les demoiselles d’honneur les unes des autres. Ces éléments, ainsi que la répétition des termes “insouciantes” e “prévoyantes”, valident l’orientation fondamentale de la parabole : pour la sagesse de la vie.

En analysant la trame du récit parabolique et en suivant le comportement des vierges sages, il est possible de mieux comprendre l’enseignement de Jésus sur la sagesse. À première vue, comme le définit le début de la parabole, les vierges sages sont celles qui apportent de l’huile avec la lampe lorsqu’elles vont à la rencontre de l’époux, et les folles sont celles qui ne le font pas. Néanmoins, une lecture plus attentive souligne que l’action d’apporter l’huile de réserve n’est qu’une expression de la sagesse et n’en épuise pas le contenu. En d’autres termes, les vierges apportent l’huile parce qu’elles sont sages, et non l’inverse. Leur sagesse sera plus que l’acte de se souvenir de l’huile, tout comme la folie des cinq autres consiste en plus qu’un simple oubli.

L’essence de la sagesse est révélée au fur et à mesure que les détails de la parabole se dévoilent. En une ligne, sage est celui qui sait se présenter prêt pour la venue imprévisible de l’époux. Il est révélateur à cet égard que, parmi les noms adjectifs utilisés pour désigner les vierges sages, on trouve les expressions intentionnellement interchangeables : “les prévoyantes” et “Celles prêtes (au banquet de l’époux) “. Cette disponibilité ne signifie cependant pas ne pas dormir, car, comme l’indique la parabole, toutes les vierges se sont endormies pendant qu’elles attendaient l’époux. La sagesse des sages consiste plutôt à prévoir l’imprévisible, à être toujours prêtes au moment critique de la venue de l’époux, pour entrer avec lui dans le banquet. Et l’exhortation finale à la vigilance, parce qu’on ne connaît ni le jour ni l’heure (v. 13), ne concerne certainement pas une attente stressante, mais plutôt cette attitude fondamentale de savoir vivre dans le présent (apporter de l’huile) en vue d’un avenir certain (l’arrivée de l’époux), mais en même temps imprévisible dans ses détails. Le message de la parabole n’est donc pas très éloigné, en substance, des exhortations des sages bibliques : vivre la vie avec sagesse, se garder de l’exemple des fous/des temps/des pécheurs, pour un temps ultérieur (cf. Pr 23,17-18).

  1. Pas d’huile, pas de fête !

Dans la perspective sapientielle, il est nécessaire de mettre en évidence l’antithèse entre deux catégories de personnes : les folles et les sages. Une telle approche ne semble pas accidentelle dans l’enseignement de Jésus, car elle reflète le contenu de la parabole, également sapientielle, des deux maisons (cf. Mt 7,24-27 // Lc 6,47-49). Les deux récits, outre la vision dualiste commune des hommes dans une clé sapientielle, parlent des deux futurs différents comme des conséquences de comportements opposés. Ce lien entre les deux textes est également renforcé par un aspect linguistique : ce sont les seuls exemples du NT qui sont introduits par un « sera comparable » (cf. Mt 7:24, 26 et 25:1).

La comparaison de ces deux paraboles nous aidera à voir encore plus profondément les différentes nuances de sagesse/folie dans le texte en question. L’huile indique la mise en pratique des paroles de Jésus ; c’est aussi la perspective de Lc 13,25-27, qui reprend vraisemblablement une tradition commune avec la fin de notre parabole :

Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : “Seigneur, ouvre-nous”, il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes.” Alors vous vous mettrez à dire : “Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.” Il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.” (Lc 13,23-27)

L’importance de l’huile dans cette histoire est évidente. Pour accompagner l’époux au banquet, les demoiselles d’honneur doivent avoir des lampes allumées. Et pour avoir des lampes allumées, elles doivent avoir du combustible, c’est-à-dire de l’huile. Donc, pour les vierges, pas d’huile, pas de fête ! Or, l’enseignement sur la lampe allumée apparaît de manière récurrente dans les paroles de Jésus ; il s’agit vraisemblablement des œuvres du croyant. L’huile est donc intrinsèquement liée à l’image de la lampe allumée, qui est, quant à elle, un symbole fort de l’empressement des disciples dans la vie de foi.

À cet égard, sans tomber dans une interprétation moraliste et allégorique, on peut se demander si l’image de la lampe (allumée ou éteinte) ne renvoie pas à l’opinion commune des sages bibliques à ce sujet. Il est très souvent souligné que la lampe des méchants s’éteindra, tandis que la lumière des justes brille joyeusement (Pr 13,9 ; cf. Gb 18,5 ; Pr 24,20 ; aussi Pr 21,4 : « ainsi brillent les méchants, mais ce n’est que péché »). Il s’agit évidemment du symbole de la vie, comme en 2 S 21,17. Mais c’est précisément à ce niveau symbolique que se situent les détails de la parabole en question, et donc aussi l’image de la lampe ! Il est donc légitime de voir dans la lampe allumée des vierges sages non seulement l’empressement, mais aussi une sage préparation à la rencontre avec l’époux par de bonnes œuvres, ce qui s’inscrit bien dans le contexte général de la parabole.

  1. Suivre le Christ – notre voie de sagesse et de salut

À la lumière de ce qui a été analysé, au-delà d’autres allusions christologiques possibles (l’image de l’époux, le banquet), le Jésus de la parabole des dix vierges apparaît clairement comme celui qui indique le chemin de la sagesse vers la fin. Il est donc l’image d’un sage eschatologique, qui parle clairement d’une porte qui se ferme et de la possibilité d’être exclu. Il dénonce ainsi avec force, bien qu’implicitement, la sottise et la stupidité de certains qui ne savent pas vivre avec sagesse pour l’avenir certain qui les attend. Jésus, en effet, sera la Sagesse à rechercher et à suivre.

Enfin, il faut souligner que l’insistance du Maître de Nazareth sur la sagesse résume ici, en quelque sorte, la préoccupation centrale des autres paraboles évangéliques à cet égard, et qu’elle est aussi en pleine conformité avec l’enseignement de la tradition apocalyptique d’Israël, qui relève l’importance d’être sage à la fin des temps. Il faut avoir la sagesse de discerner le temps et d’accepter le salut offert par Dieu. Les insensés, en revanche, seront mis hors d’état de nuire, non pas certes par Dieu, mais par leur propre folie. Le texte emblématique à cet égard est Dn 12,3 où il est question de l’avenir splendide de la résurrection glorieuse pour les sages, tandis qu’un autre texte apocalyptique en Is 35,8 exclut carrément les insensés et les impurs de la possibilité d’emprunter la Voie sainte, préparée par le Seigneur pour la rédemption et le bonheur éternel de Jérusalem. En outre, dans le même passage sur la fin des temps (Dn 12), l’intelligence des sages est soulignée au milieu de l’épreuve finale, tandis que les méchants ne comprendront pas et poursuivront donc leurs mauvaises actions comme des insensés.

Dans cette optique, chaque disciple-missionnaire du Seigneur est appelé à devenir de plus en plus “sage” dans sa vie. C’est-à-dire que nous sommes invités à vivre toujours orientés vers le Seigneur qui doit venir, afin de pouvoir le rencontrer au bon moment. Ainsi, nous pourrons annoncer aux autres, en actes et en paroles, ce chemin de sagesse qu’est Jésus lui-même, et amener tout le monde à une rencontre avec lui, la Sagesse divine en personne qui « se laisse aisément contempler par ceux qui l’aiment, se laisse trouver par ceux qui la cherchent » (Sg 6,12 ; première lecture).

Pape François, Angélus, 12 novembre 2017

Qu’est-ce que Jésus veut nous enseigner par cette parabole? […]

La lampe est le symbole de la foi qui éclaire notre vie, alors que l’huile est le symbole de la charité qui nourrit, rend féconde et crédible la lumière de la foi. La condition pour être prêts à la rencontre avec le Seigneur n’est pas seulement la foi, mais une vie chrétienne riche en amour et en charité pour son prochain. Si nous nous laissons guider par ce qui semble le plus commode, par la recherche de nos intérêts, notre vie devient stérile, incapable de donner la vie aux autres, et nous ne faisons aucune provision d’huile pour la lampe de notre foi; et celle-ci — la foi — s’éteindra au moment de la venue du Seigneur, ou même avant. Si, en revanche, nous sommes vigilants et que nous cherchons à faire le bien, à travers des gestes d’amour, de partage, de service au prochain en difficulté, nous pouvons être tranquilles tandis que nous attendons la venue de l’époux: le Seigneur pourra venir à n’importe quel moment, et pas même le sommeil de la mort ne nous effraye, parce que nous avons une réserve d’huile, accumulée par les bonnes œuvres de chaque jour. La foi inspire la charité et la charité conserve la foi. […]

Pape François, Angélus, 8 novembre 2020

Le passage de l’évangile de ce dimanche (Mt 25, 1-13) nous invite à prolonger notre réflexion sur la vie éternelle, commencée à l’occasion de la fête de la Toussaint et de la commémoration des fidèles défunts. Jésus raconte la parabole des dix vierges invitées à une fête nuptiale, symbole du Royaume des cieux. […]

Il est clair que par cette parabole, Jésus veux nous dire que nous devons être prêts à la rencontre avec Lui. Pas seulement la rencontre finale, mais aussi aux petites et grandes rencontres de tous les jours en vue de cette rencontre, pour laquelle la lampe de la foi ne suffit pas, il faut aussi l’huile de la charité et des bonnes œuvres. La foi qui nous unit vraiment à Jésus est celle, comme le dit l’apôtre Paul, qui «agit par la charité» (Ga 5, 6). C’est ce qui est représenté par l’attitude des jeunes filles sages. Etre sages et prudents signifie ne pas attendre le dernier moment pour répondre à la grâce de Dieu, mais le faire activement tout de suite, commencer maintenant. […]

 

 

 

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