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Un miracle particulier de Jésus

Un miracle particulier de Jésus
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

23-ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE B)

Is 35,4-7a; Ps 145; Jc 2,1-5; Mc 7,31-37

Un miracle particulier de Jésus

En poursuivant le chemin avec Jésus, nous assistons à un épisode particulier, raconté par l’évangéliste Marc. Il s’agit de la guérison miraculeuse que Jésus a opérée sur un sourd-muet « au milieu de la Décapole » après avoir quitté Tyr et Sidon. La mention de ces trois lieux non israélites souligne un contexte géographique particulier du miracle : en pleine terre païenne. De même, l’évangéliste a décrit ce qui s’est passé avec une attention inhabituelle aux détails concernant les actions de Jésus et la réaction des gens. Cela fait du miracle accompli un événement chargé de messages théologiques et spirituels importants pour nous aujourd’hui. Nous nous concentrons sur les trois points les plus pertinents.

  1. « Il a bien fait toutes choses ». La perspective d’une création universelle

Pour comprendre le message du récit, il faut partir de l’acclamation finale du peuple que l’évangéliste a soulignée après le miracle de Jésus. « Extrêmement frappés, ils disaient : “Il a bien fait toutes choses; il fait entendre les sourds et parler les muets” ». L’expression “faire bien toutes choses” se réfère directement au commentaire de l’auteur sacré dans le récit de la création du monde, dans lequel le refrain « Dieu vit que c’était bon » est répété après ses œuvres individuelles (cf. Gn 1,10.12 . 18.21.25) avec le résumé culminant, après la création de l’homme : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et voici, c’était très bon » (Gn 1,31). De ce point de vue, la louange du peuple à Jésus après la guérison du sourd-muet fait écho à celle du Dieu créateur pour ses œuvres et laisse ainsi entrevoir le miracle de Jésus comme œuvre de la nouvelle création tant rêvée par le peuple de Dieu et prédit par les prophètes.

En effet, comme il est écrit dans Is 35, 4-7 (première lecture), le grand prophète Isaïe a laissé dans son livre la vision de l’ère nouvelle dans laquelle Dieu vient sauver son peuple perdu, accomplissant ses merveilles de redonner la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds et langue aux muets (voir Ps 145 : psaume responsorial). Ce sont les signes concrets d’une restauration universelle du monde, dans laquelle « les eaux couleront dans le désert ». Cette vision d’un monde renouvelé s’est maintenant réalisée dans la guérison du sourd-muet effectuée par Jésus. À tel point que, bien qu’il n’ait atteint qu’un seul, l’acclamation du peuple était au pluriel, de manière générale : « il fait entendre les sourds et parler les muets ! ». De plus, le fait que Jésus ait accompli le miracle en terre païenne, hors d’Israël, indique la dimension universelle de son action à travers le monde et pour toute l’humanité.

  1. Déchiffrer les actions étranges de Jésus

En partant de la perspective de la nouvelle création que suggère l’évangéliste dans le récit, nous pouvons mieux comprendre les actions étranges de Jésus dans cette situation. Il faut souligner que pour guérir le sourd-muet, Jésus dans sa puissance divine pouvait simplement lui imposer les mains, comme demandé, ou simplement dire “Va, ta foi t’a sauvé”, comme il l’avait déjà fait dans plusieurs autres occasions. Ainsi, si Jésus accomplit ici une série d’actes concrets et aussi bizarres comme toucher la langue avec de la salive, chacun de ses actes semble avoir un sens précis à déchiffrer.

Tout d’abord, le fait que « [Jésus] l’emmena à l’écart, loin de la foule » semble indiquer l’intention d’opérer à l’écart de l’attention du public pour ne pas offrir un “spectacle” à tous. En outre, il souligne qu’ici, comme dans toute guérison, Jésus le Messie accomplit des miracles exclusivement pour le bien du nécessiteux, et jamais pour démontrer sa puissance aux gens ou par spectacle.

Par la suite, les deux actions suivantes de Jésus sont très significatives, précisément dans la perspective de la Création : « il mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue ». Ils semblent reproduire le processus de formation de l’Homme primordial par Dieu le Créateur qui, comme on peut l’imaginer d’après la description du livre de la Genèse, a travaillé comme l’artisan et le sculpteur qui a façonné le corps humain à partir de la poussière du sol, en creusant les cavités des oreilles et de la bouche et formant la langue (cf. Gen 2, 7). L’action de creuser l’oreille par Dieu est également mentionnée dans le Ps 40, où le psalmiste prie : « Tu ne désires ni sacrifice ni offrande, Tu m’as ouvert [littéralement creusées] les oreilles ; Tu ne demandes ni holocauste ni victime expiatoire. Alors je dis : “Voici, je viens” (Ps 40,7-8). Ainsi, chaque jour, Dieu continue d’ouvrir, ou plutôt de creuser les oreilles de ses enfants pour qu’ils écoutent avant tout sa parole et accomplissent sa volonté salvatrice. Jésus ouvre désormais les oreilles du sourd-muet et lui délie la langue avec sa salive divine pour le ramener à l’état originel d’enfant de Dieu créé et renouvelé chaque jour pour écouter et louer le Dieu créateur.

  1. « Effata, ouvre-toi ! ». Le cri mystique éternel de Jésus

Après les actions inhabituelles mentionnées ci-dessus, l’acte final de guérison de Jésus est encore plus mystérieux et en même temps profond sur le plan théologico- spirituel. Lui, «les yeux levés  ensuite au ciel, il soupira et lui dit :“Effata !”, c’est à dire : “Ouvre-toi !” ». Allors que nous pouvons comprendre l’action de lever le regard vers le ciel (pour se tourner vers Dieu), ainsi que le commandement clair en araméen adressé à l’homme (“Effata”: “Ouvre-toi !“) d’ouvrir les oreilles et la langue, la raison  d’”émettre un soupir” ou littéralement “gémissement” reste obscure.

Pour comprendre la plainte de Jésus, il faut rappeler ce que saint Paul observait sur la situation de toute la Création en attente de rédemption : « Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps (Rom 8 : 22-23). À la lumière de ces paroles, le gémissement de Jésus auprès du sourd-muet semble indiquer toute sa solidarité avec l’état actuel de l’homme en quête de rédemption. Il gémit avec toute l’Humanité vers le ciel. En effet, Jésus transfère désormais sur lui toutes les infirmités, souffrances, imperfections de toute la création pour régénérer tout et chacun en Dieu et en faire de véritables enfants de Dieu capables d’écouter sa parole et de parler “correctement” à Dieu et de Dieu.

En conclusion, il faut rappeler que, le geste de Jésus, raconté par l’évangile, s’actualise dans un geste accompli dans l’Église pour l’initiation des catéchumènes. Dans le rite du Baptême actuellement en vigueur, le geste de l’effatà était complété, parmi les signes de conclusion et de bons vœux. En touchant les oreilles et la bouche du baptisé, le célébrant dit : « Le Seigneur Jésus, qui a fait entendre les sourds et parler les muets, te donne d’écouter promptement sa parole et de professer ta foi à la louange et à la gloire de Dieu le Père ». Il y a ici une intention pastorale claire : faire comprendre aux parents et aux parrains et marraines que l’enfant qu’ils auront baptisé devra être « instruit » dans la foi en écoutant la parole de Dieu, et être éduqué à exprimer cette foi dans la prière et dans la vie. (extrait du Missel de l’assemblée chrétienne – Fête, édité par le Centre catéchétique salésien Leumann [Turin] Elle Di Ci Editeurs – Esperienze – Edizioni O.R. – Queriniana)

Ainsi, pour nous tous baptisés, le Seigneur a ouvert nos oreilles et nos lèvres lors du baptême. Il continue de nous faire ce don de nouvelles oreilles et de nouvelles lèvres, aujourd’hui comme chaque jour, pour nous envoyer être ses témoins parmi les peuples. En effet, comme saint Marc a rapporté le dernier commandement du Seigneur ressuscité aux disciples : « Allez dans le monde entier et annoncez l’Évangile à toute créature », nous sommes également appelés à devenir les annonciateurs de son Évangile salvifique à tout homme/femme et même à chaque créature. La mission d’évangélisation que Jésus nous a confiée, à nous ses disciples, sera notre participation à son œuvre divine de régénération de tout et de tous en Dieu à travers son sacrifice suprême sur la Croix qui s’actualise dans chaque Eucharistie que nous célébrons.

Prions donc pour que Dieu nous inspire et nous aide à répondre positivement à cette invitation éternelle “Effatà, ouvre-toi” de Jésus à devenir chaque jour une nouvelle créature en Dieu, afin que nous puissions nous aussi transmettre avec joie cette invitation divine à tous ceux que nous rencontrons sur les routes du monde.

 

 

(Photo: Pexels.com / Ajmal Gharwal)

 

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