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De la profession de foi à la conversion missionnaire

De la profession de foi à la conversion missionnaire
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

24ÉME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE B)

Is 50,5-9a; Ps 114; Jc 2,14-18; Mc 8,27-35

De la profession de foi à la conversion missionnaire

L’évangile de ce dimanche représente le tournant de la mission de Jésus. C’est un épisode composé de deux événements interconnectés : la profession de foi de Pierre dans l’identité messianique de Jésus et la révélation de ce dernier sur sa véritable mission qu’il demande ensuite à Pierre et à ses compagnons d’y réfléchir attentivement. Parmi tous les détails édifiants de ce passage, il y en a trois qui sont importants pour le cheminement des disciples missionnaires du Christ en tout temps.

  1. « Tu es le Christ. » La profession de foi fondamentale pour le disciple

La profession de foi de Pierre semble à beaucoup trop laconique, trop petite par rapport à ce que nous avons l’habitude de professer, en récitant le Credo à chaque messe. Pourtant, c’est une profession fondamentale que Pierre a prononcée au nom des Douze et de tous les disciples de Jésus. En effet, « Et lui les interrogeait : “Et vous, que dites-vous ?”, et Pierre lui dit : « Tu es le Christ ». Apparaît ainsi clairement le caractère représentatif de la réponse de Pierre. Nous trouvons alors la proclamation de l’identité messianique de Jésus : Il est le Christ, c’est-à-dire le Messie, le Roi oint de Dieu qui vient sauver son peuple, comme predit par les prophètes et comme rêvé en Israël, de génération en génération.

Avec cette phrase concise « Tu es le Christ », Pierre avec les Douze professe l’identité divine unique et irremplaçable de Jésus, ce qui n’est pas ce que l’on disait autrefois. Et le sens de cette confession sera précisé par saint Luc l’Évangéliste qui met dans la bouche de Pierre une phrase plus longue (« Le Christ, le Messie de Dieu »). Elle est ensuite complétée par saint Matthieu l’Évangéliste avec la profession plus détaillée de Pierre : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! ».

À ce propos, il faut rappeler que Jésus a demandé et obtenu de ses disciples la profession de foi en son identité, alors qu’il était avec eux sur la route « vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe ». Ce contexte géographique ne semble pas être une coïncidence. On sait que Césarée de Philippe était la ville grecque, capitale de la région au nord d’Israël, dotée de divers sanctuaires dédiés aux dieux gréco-romains, notamment à Pan, le dieu de la nature. En amenant les disciples dans un lieu où était vécue une situation multi religieuse et multiculturelle, Jésus les a invités à croire et à professer son identité de Messie, le seul Oint du Dieu unique. Il n’y a pas d’autres dieux en dehors de l’unique Dieu d’Israël, créateur de tout, et il n’y a pas d’autres messies sauveurs en dehors de l’unique Messie, Jésus de Nazareth. Cela est la profession de foi fondamentale que Jésus demande à chacun de ses disciples à tout moment, particulièrement en cette époque de relativisme religieux, où l’un vaut l’autre.

  1. La véritable mission messianique de Jésus et l’invitation sévère à la conversion 

Est surprenante la réaction de Jésus après la profession de Pierre : « il leur défendit vivement de parler de lui à personne ». Sévèrement ! Pourquoi ? Pourquoi cette interdiction absolue aux disciples d’annoncer à tous la véritable identité de Jésus que Pierre vient à peine de professer ? L’explication réside dans ce qui s’est passé immédiatement après.

Après la profession de Pierre, Jésus a voulu clarifier, pour la première fois lors de ses activités publiques, sa véritable mission qu’il accomplira en tant que vrai et unique Messie de Dieu : « Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’Homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite ». La mission du Messie de Dieu sera de réaliser fidèlement tout le dessein de Dieu pour le salut de l’Humanité, en affrontant également le mystère du rejet, de la souffrance et de la mort pour ressusciter.

Comme le montre la réaction des disciples à la révélation de Jésus, ils n’ont pas compris ni accepté cette terrible vision de l’avenir du Messie. Ici aussi, Pierre agit au nom de tous les autres : « Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches ». C’est la raison pour laquelle Jésus, peu avant, « il leur défendit vivement de parler de lui à personne ».

Bien qu’ils aient professé la vérité concernant l’identité messianique de Jésus, Pierre et ses compagnons ont continué à avoir la vision traditionnelle et conventionnelle de ce que ferait le Messie de Dieu. Ils pensaient, comme le reste du peuple, à un Messie glorieux, celui qui vient de Dieu pour conduire le peuple de succès en succès jusqu’à la gloire finale, établissant la domination définitive de Dieu dans le monde. Il s’agit d’une vision trop superficielle qui reflète simplement l’idée limitée de l’homme sur ce que Dieu “devra” faire. Telle vision sur le Messie doit donc être purifiée, elle doit être corrigée à la lumière de la vie de Jésus lui-même, avant d’être annoncée à tous. Pour cette raison, à ce moment-là, il était « interdit » aux disciples de dire qu’il ​​est le Messie. Ce n’est que lorsqu’ils auront suivi tout son parcours et contemplé toute la vie du Messie qu’ils pourront annoncer la vérité divine sur la véritable identité messianique de Jésus. De cette manière, ce qui s’est passé restera à jamais une leçon fondamentale pour chaque disciple de chaque époque : pour annoncer “correctement” le Christ au monde, nous devons partir et nous baser sur la contemplation de tout le mystère de la vie messianique qu’il a vécue.

  1. « Passe derrière moi, Satan ! » Un appel fondamental du Christ à une conversion missionnaire

Face à l’incompréhension de Pierre et à sa tentative de “dissuader” Jésus de sa voie messianique tracée par le dessein divin, Jésus réagit de manière très “violente”, en réprimandant sévèrement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! ». Le fait que Jésus ait appelé Pierre “Satan” démontre toute sa sévérité et toute la gravité de la situation. Nous ne trouvons jamais dans les Évangiles une autre occasion où Jésus s’adresse à quelqu’un avec ce vilain nom, sauf lorsqu’il s’adresse à Satan lui-même sur la montagne de la tentation, en lui ordonnant : « Arrière, Satan ! » (Mt 4,10).

Pierre a été alors réprimandé par Jésus très en colère, parce que ce que Pierre a fait à ce moment-là était une grande tentation diabolique pour détourner Jésus de l’accomplissement fidèle de la véritable mission divine. Toutefois, deux précisions s’imposent.

Tout d’abord, Pierre ne s’est pas comporté ainsi envers son Maître par mauvaise foi ou pour le tester, au contraire, il a agi de bonne foi, la même qu’il avait professé et par immense amour pour son Maître et Messie. Le seul défaut de Pierre était de rester fermé dans sa vision humaine de la figure du Christ, sans s’ouvrir à la nouveauté du chemin messianique que Jésus venait de révéler.

Ainsi, paradoxalement, de bonne foi, Pierre, le disciple qui croit et aime Jésus, est devenu “Satan” pour Jésus au sens originel du terme, c’est-à-dire celui qui gêne et détourne le chemin de l’Homme avec Dieu. Tout cela arrive parce que Pierre continue de penser selon la mentalité mondaine commune, tout comme Jésus le Christ le dénonçait alors : « Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ». Cet avertissement sera toujours valable pour tous les disciples du Christ afin qu’ils soient constamment vigilants sur eux-mêmes dans leur cheminement avec Jésus.

Deuxièmement, un détail important dans les paroles de Jésus à Pierre doit être souligné. Alors que Jésus ordonnait à Satan « Arrière ! », à Pierre il dit « Passe derrière moi ! ». Jésus n’a pas renvoyé Pierre, comme il l’a fait avec Satan. Il invite Pierre à passer derrière lui, c’est-à-dire à prendre la position du disciple qui suit le Maître, comme il l’avait appelé au début au bord du lac de Galilée (cf. Mc 1,16ss).

Ainsi, le sévère reproche de Jésus est aussi une invitation pressante à Pierre de suivre à nouveau son Maître, et cela non pas avec l’ancienne mentalité humaine, mais avec la nouvelle selon Dieu. C’est en réalité l’appel à la conversion, c’est-à-dire au changement de la façon de penser pour suivre la mission de Jésus Messie et Maître toujours plus docilement, attentivement et fidèlement. À tel point que Jésus a ensuite lancé une invitation à celui qui veut le suivre à accueillir et vivre, à son exemple, le paradoxe du sacrifice missionnaire : « celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera ».

Enfin, un autre détail est à noter dans le récit évangélique. Lorsque Jésus réprimanda Pierre, il ne le regarda pas, mais il est écrit : « et, voyant ses disciples ». Pourquoi ? Probablement parce que Jésus voyait chez tous ses disciples la même pensée humaine que Pierre, même si c’était seulement Pierre qui l’exprimait. C’est pourquoi, dans l’intention de Jésus, la réprimande et en même temps l’invitation à la conversion missionnaire de Pierre s’adressent également à tous ses disciples.

Ainsi, nous aussi, ses disciples aujourd’hui, sommes invités à prendre au sérieux les paroles pressantes de Jésus pour notre conversion missionnaire en cours. Prions donc avec saint Paul, qui sait toujours se renouveler en esprit, pour que nous ne nous conformions jamais à la mentalité du monde et que nous puissions toujours discerner, dans notre chemin avec Jésus, ce qui est bon et agréable à Dieu (cf. Rm 12,1-2).

Pape François, Dimanche 16 septembre 2018

Dans le passage évangélique d’aujourd’hui (cf. Mc 8, 27-35), revient la question qui traverse tout l’évangile de Marc : qui est Jésus ? Mais cette fois, c’est Jésus lui-même qui la pose à ses disciples, les aidant à affronter progressivement l’interrogation sur son identité.

[…] Le Seigneur veut que ses disciples d’hier et d’aujourd’hui établissent une relation personnelle avec lui et l’accueillent ainsi au centre de leur vie. C’est pourquoi il les presse de se placer en toute vérité face à eux-mêmes et il demande : «Mais pour vous, qui suis-je?» (v. 29). Aujourd’hui, Jésus adresse cette demande si directe et si confidentielle à chacun de nous : «Toi, qui dis-tu que je suis? Vous, qui dites-vous que je suis ? Qui suis-je pour toi?». Chacun est appelé à répondre, dans son cœur, en se laissant éclairer par la lumière que le Père nous donne pour connaître son Fils Jésus. Et il peut nous arriver à nous aussi, comme à Pierre, d’affirmer avec enthousiasme : «Tu es le Christ». Cependant, quand Jésus nous dit clairement ce qu’il a dit à ses disciples, c’est-à-dire que sa mission ne s’accomplit pas sur la voie large du succès, mais sur le sentier ardu du Serviteur souffrant, humilié, rejeté et crucifié, il peut nous arriver à nous aussi, comme à Pierre, de protester et de nous rebeller parce que cela est en opposition avec nos attentes, les attentes mondaines. Dans ces moments-là, nous méritons nous aussi le reproche salutaire de Jésus : «Passe derrière moi, satan! Car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes !» (v. 33). […]

Jésus nous dit que pour le suivre, pour être ses disciples, il faut se renier soi-même (cf. verset 34), c’est-à-dire renier les prétentions de l’orgueil égoïste, et prendre sa croix. Ensuite, il donne à chacun une règle fondamentale. Et quelle est cette règle ? «Qui veut sauver sa vie la perdra» (v. 35). Souvent dans la vie, pour beaucoup de raisons, nous nous trompons de chemin, en cherchant le bonheur uniquement dans les choses ou dans les personnes que nous traitons comme des choses. Mais nous ne trouvons le bonheur que quand l’amour, le vrai, nous rencontre, nous surprend, nous transforme. L’amour transforme tout ! Et l’amour peut nous transformer nous aussi, chacun de nous

Pape François, Voyage apostolique à Budapest et en Slovaquie (12-15 septembre 2021), Homélie, place des Héros (Budapest), dimanche, 12 septembre 2021

[…] Aujourd’hui encore, en fixant le regard sur chacun de nous, le Seigneur nous interpelle personnellement : “Mais moi, qui suis-je vraiment pour toi ?” […]

De cette réponse naît le renouvellement de la condition de disciple qui se produit à travers trois passages qu’ont vécu les disciples et que nous pouvons, nous aussi, accomplir : l’annonce de Jésus le premier, le discernement avec Jésus le deuxième, le cheminement à la suite de Jésus le troisième.

  1. L’annonce de Jésus. À ce “Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ?”, Pierre a répondu en tant que représentant de tout le groupe : « Tu es le Christ ». Pierre dit tout en peu de mots, la réponse est juste, mais curieusement, après cette reconnaissance, Jésus ordonne « vivement de ne parler de lui à personne » (v. 30). Nous nous demandons pourquoi une interdiction aussi drastique ? Pour une raison précise : dire que Jésus est le Christ, le Messie, est exact mais incomplet. Il y a toujours le risque d’annoncer une fausse messianité, selon les hommes et non selon Dieu. C’est pourquoi Jésus commence, à partir de ce moment, à révéler son identité pascale, celle que nous trouvons dans l’Eucharistie. Il explique que sa mission culminera, bien sûr, dans la gloire de la résurrection, mais en passant par l’humiliation de la croix. Elle se déroulera selon la sagesse de Dieu, « qui – dit Saint Paul – n’est pas la sagesse de ce monde, ni la sagesse de ceux qui dirigent ce monde » (1 Cor2, 6). […]Nous pouvons ajouter beaucoup de cérémonies, mais le Seigneur est là, dans la simplicité d’un Pain qui se laisse rompre, distribuer et manger. Il est là : pour nous sauver, il se fait serviteur ; pour nous donner la vie, il meurt. Cela nous fait du bien de nous laisser bouleverser par l’annonce de Jésus. Et celui qui s’ouvre à cette annonce de Jésus, s’ouvre au deuxième passage.
  2. Le discernement avec Jésus. Face à l’annonce du Seigneur, la réaction de Pierre est typiquement humaine : lorsque la croix se profile, avec la perspective de la souffrance, l’homme se rebelle. Et après avoir confessé la messianité de Jésus, Pierre se scandalise des paroles du Maître en tentant de le dissuader d’avancer sur sa voie. La croix n’est jamais à la mode. Chers frères et sœurs, la croix n’est jamais à la mode : aujourd’hui comme dans le passé. […] D’un côté, il y a la logique de Dieu, qui est celle de l’amour humble. La voie de Dieu rejette toute imposition, toute ostentation de tout triomphalisme, elle est toujours tendue vers le bien d’autrui, jusqu’au sacrifice de soi. D’un autre côté, il y a le “penser selon les hommes” : c’est la logique du monde, de la mondanité attachée à l’honneur et aux privilèges, tournée vers le prestige et le succès. […]Laissons Jésus, Pain vivant, guérir nos fermetures et nous ouvrir au partage, nous guérir des rigidités et du repliement sur nous-mêmes ; qu’il nous libère de la servitude paralysante de la défense de notre image, qu’il nous inspire à le suivre là où il veut nous conduire. Non pas où moi je veux. Nous voici ainsi parvenus au troisième passage.
  3. Le cheminement à la suite de Jésus, même le cheminement avec Jésus « Passe derrière moi, Satan » (v. 33). Ainsi, par un ordre pressant et fort, Jésus ramène Pierre à lui. Mais le Seigneur, quand il commande une chose, en réalité, est là, prêt à la donner. Et Pierre accueille la grâce de faire “un pas en arrière”. Le cheminement chrétien n’est pas une poursuite du succès, mais il commence par un certain recul –rappelez-vous de cela : le cheminement chrétien commence avec un certain recul –, par un décentrement libérateur, par le fait de se retirer du centre de la vie. Alors Pierre reconnaît que le centre n’est pas son Jésus, mais le vrai Jésus. Il tombera encore, mais de pardon en pardon, il reconnaîtra toujours mieux le visage de Dieu. Et il passera de l’admiration stérile du Christ à l’imitation concrète du Christ. […]

 

 

(Photo: Pexels.com / )

 

 

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