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La mission de l’Envoyé de Dieu

La mission de l’Envoyé de Dieu
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

25ÉME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE B)

Sg 2,12.17-20; Ps 53; Jc 3,16-4,3; Mc 9,30-37

 

La mission de l’Envoyé de Dieu

 

L’épisode évangélique nous parle de la deuxième prédiction de Jésus concernant la phase culminante de sa mission. La première, faite sur le chemin de Césarée de Philippe, nous l’avons entendue dimanche dernier. Étrangement, cette fois aussi, les disciples se sont comportés comme lorsqu’ils l’entendirent pour la première fois. Autrement dit, ils ont des pensées humaines. Cette situation a conduit Jésus à transmettre des derniers enseignements sur les attitudes que chaque disciple devrait avoir dans l’accomplissement de la mission. Ainsi, aujourd’hui encore, les paroles de Jésus sont pour nous, un rappel pressant à examiner nos consciences, sous trois aspects, pour un renouveau spirituel missionnaire.

 

  1. Une révélation confidentielle aux disciples

 

Il faut approfondir les circonstances particulières dans lesquelles s’est produite cette seconde prédiction de Jésus concernant sa mort. Il a confié cette vérité à ses disciples lorsqu’ils «traversaient la Galilée» et délibérément incognito, comme le souligne l’évangéliste Marc : «il ne voulait pas qu’on le sache». Il s’agit donc d’une révélation très confidentielle réservée aux disciples intimes, et cela s’est produit de manière significative au cours de leur voyage à travers la Galilée, qui est le territoire d’Israël mais en même temps est appelée la Galilée des Gentils. On entrevoit l’horizon universel de l’annonce de Jésus sur l’accomplissement de sa mission en tant que Fils de l’homme et Messie de Dieu. Par ailleurs, cet enseignement de Jésus, “réservé” et “dans la rue”, semble aussi être une invitation implicite aux disciples d’accepter un « destin » tragique pour leur Maître-Messie et aussi pour leur vie et leur mission à Le suivre, c’est-à-dire à marcher derrière Lui !

 

En réalité, la vie de Jésus Messie, avec une fin si drastique devant les hommes, mais avec la récompense divine après la mort, reflète le sort du juste persécuté, déjà décrit dans le livre de la Sagesse (première lecture). Le Fils juste de Dieu doit faire face aux épreuves dans la vie, faites par les méchants « avec outrages et tourments », aux rejets et à la condamnation à mort. Et Jésus lui-même, en communion constante avec le Père et aussi à la lumière de la Parole divine et des justes de Dieu dans l’histoire de son peuple, a déjà pu voir constamment sa propre fin avant même que tout ne soit accompli. Ainsi, Il a révélé à ses disciples…

 

  1. « De quoi discutiez-vous en chemin ? » La dure vérité sur la “guerre” des apôtres !

 

Alors que Jésus parlait de son humiliation dans la passion et dans le sacrifice suprême de la vie, ses disciples ne montraient aucun intérêt à demander ou à discuter avec le Maître, mais ils se permettaient également de penser à leurs affaires humaines, pour ne pas dire autre. En fait, « ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand ». Nous pouvons certainement sourire de ce fait que l’évangéliste a souligné peut-être avec une certaine ironie. Ce qui s’est passé semble cependant refléter une situation typique qui se répète, d’une manière ou d’une autre, parmi les disciples de Jésus, de génération en génération !

 

Concernant cette aspiration à devenir plus grand parmi les chrétiens, la Lettre de Jacques, écrite au premier siècle du christianisme, nous donne déjà un aperçu de certaines situations de “guerre” dans sa communauté. Ainsi, il se devait d’avertir puis de dénoncer : « Car la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes. D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes ? Cette guerre continue entre les disciples de Jésus pour la grandeur a été, est et restera toujours le plus grand obstacle à l’œuvre d’évangélisation du monde qu’ils tentent de réaliser sur mandat de leur Maître et Seigneur. Personne ne cède à personne, parfois même au nom de la vérité divine ! Ici, il faut répéter le cri du pape François dans Evangelii Gaudium « Non à la guerre entre nous » (cf. nn. 98-101), avec son analyse de la situation actuelle :

 

À l’intérieur du Peuple de Dieu et dans les diverses communautés, que de guerres! Dans le quartier, sur le lieu de travail, que de guerres par envies et jalousies, et aussi entre chrétiens ! La mondanité spirituelle porte certains chrétiens à être en guerre contre d’autres chrétiens qui font obstacle à leur recherche de pouvoir, de prestige, de plaisir ou de sécurité économique. De plus, certains cessent de vivre une appartenance cordiale à l’Église, pour nourrir un esprit de controverse. Plutôt que d’appartenir à l’Église entière, avec sa riche variété, ils appartiennent à tel ou tel groupe qui se sent différent ou spécial. (n. 98)

 

  1. Les principes fondamentaux de la mission

 

Par conséquent, l’enseignement de Jésus à cet égard, donné aux Douze désormais « dans la maison », reste actuel et pertinent pour tous dans l’Église ou dans la maison de Dieu : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » L’importance particulière de cette leçon de Jésus est soulignée par la manière solennelle avec laquelle il l’a transmise : « S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit». Cette solennité dans la description de la circonstance est comparable au moment où Jésus appela et établit pour la première fois les Douze sur la montagne (Mc 3,13-14). Ainsi, l’enseignement dispensé par Jésus maintenant depuis la position “assise”, en tant que Maître, invite chacun des disciples à prendre au sérieux sa véritable vocation d’être le dernier, “serviteur de tous”, dans le chemin de la mission, comme lui qui « ayant la condition de Dieu, s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix» (Ph 2,6-8).

 

Voici le premier principe fondamental pour réaliser la mission de Dieu et du Christ : vivre l’attitude d’un humble serviteur de tous et en tout, à l’exemple de Jésus, jusqu’à offrir sa vie. C’est un point si important que Jésus le propose à un autre moment : « Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10, 44-45). Il est clair que le service, dans la mission de Jésus et de ses disciples, ne doit pas seulement s’exprimer par des actes individuels, mais et surtout par l’offrande de toute sa vie, qui devient comme le pain rompu pour tous.

 

Le devenir dernier implique d’être de plus en plus petit. Cette perspective semble animer l’enseignement de Jésus aux disciples à cette occasion, avec l’illustration vivante d’un enfant : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé ». Cette phrase trouve son parallèle dans une autre déclaration aux disciples envoyés en mission : « Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé » (Mt 10, 40)

 

Ici se reflète le principe juif dit Shaliah, “Envoi”, au temps de Jésus, selon lequel le messager envoyé représente pleinement celui qui l’envoie. Sur cette base, Jésus révèle la chaîne missionnaire divine : Dieu – Jésus – les apôtres. Mettre ensemble les deux affirmations susmentionnées nous permet d’entrevoir deux vérités fondamentales : d’une part, l’enfant, petit et sans défense, devient paradoxalement l’image idéale du messager de Jésus ; d’autre part, chaque disciple missionnaire de Jésus est appelé à devenir de plus en plus petit, comme un enfant, devant tous, pour représenter Jésus dans sa mission. Ainsi, à la suite du Christ, le disciple missionnaire annule toutes ses ambitions de réussite et de grandeur, en se confiant totalement à Dieu et au Christ qui l’a envoyé, même sur le chemin de la douleur et de la croix.

 

Nous concluons en rappelant un passage du message du pape François pour la Journée missionnaire mondiale 2022 : «Les missionnaires du Christ ne sont pas envoyés pour se communiquer eux-mêmes, pour montrer leurs qualités et leurs capacités de persuasion ou leurs compétences en matière de gestion. Ils ont, au contraire, le grand honneur d’offrir le Christ, en paroles et en actes, en annonçant à tous la Bonne Nouvelle du salut avec joie et franchise, comme les premiers apôtres». Que le Christ nous accompagne toujours dans ce chemin missionnaire avec sa force et sa sagesse d’en haut !

 

 

Pape François, Angélus, Dimanche 19 septembre 2021

 

L’Evangile de la liturgie d’aujourd’hui (Mc 9, 30-37) rapporte que,  le long du chemin vers Jérusalem, les disciples de Jésus discutaient pour savoir qui «était le plus grand» (v. 34). Alors, Jésus leur adressa une phrase forte, qui vaut aussi pour nous aujourd’hui: «Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous» (v. 35). Si tu veux être le premier, tu dois aller à la queue, être le dernier, et servir tous. […]

Aujourd’hui, le mot «service» apparaît un peu pâle, abîmé par l’usure. Mais dans l’Evangile, il a une signification précise et concrète. Servir n’est pas une expression de courtoisie: c’est faire comme Jésus  qui, en résumant sa vie en quelques mots, a dit être venu «pour être servi, mais pour servir» (Mc 10, 45). C’est ce qu’a dit le Seigneur. Donc, si nous voulons suivre Jésus, nous devons parcourir la voie  que Lui-même a tracée, la voie du service. Notre fidélité au Seigneur dépend de notre disponibilité à servir. Et cela, nous le savons, coûte, parce que «cela a le goût de la croix». Mais, au fur et à mesure qu’augmentent le soin et la disponibilité à l’égard des autres, nous devenons plus libres à l’intérieur, plus semblables à Jésus. Plus nous servons, plus nous ressentons la présence de Dieu. Surtout quand nous servons qui n’a rien à nous rendre en retour, les pauvres, en embrassant leurs difficultés et leurs besoins par la tendre compassion : et là, nous découvrons que nous sommes à notre tour aimés et embrassés par Dieu. […]

 

Pape François, Voyage apostolique en Lituanie, Lettonie et Estonie, 22-25 septembre 2018, 23 sept. 2018

 

Saint Marc consacre toute une partie de son Evangile à l’enseignement adressé aux disciples. C’est comme si Jésus, à mi-chemin vers Jérusalem, avait voulu que les siens renouvellent leur choix, sachant que se mettre à sa suite comporterait des moments d’épreuve et de souffrance. L’évangéliste raconte cette période de la vie de Jésus en rappelant qu’en trois occasions, il a annoncé sa passion ; eux par trois fois ont exprimé leur désarroi et leur résistance, et le Seigneur à chacune des trois occasions a voulu leur laisser un enseignement. Nous venons d’écouter la seconde de ces trois séquences (cf. Mc 9, 30-37). […]

 

Jésus, sachant ce qu’ils pensaient, leur propose un antidote à cette lutte de pouvoir et au refus du sacrifice ; et, pour solenniser ce qu’il va dire, il s’assied comme un Maître, les appelle, et accomplit un geste : il met un enfant au centre ; un jeune adolescent qui d’habitude gagnait un peu d’argent en faisant les commissions que personne ne voulait faire. Qui mettra-t-on au milieu aujourd’hui, ici, en ce dimanche matin ? Qui seront les plus petits, les plus pauvres parmi nous que nous devons accueillir à cent années de notre indépendance ? Qui n’a rien à nous donner en échange, pour rendre gratifiants nos efforts et nos renoncements ? Ce sont peut-être les minorités ethniques de notre ville, ou ces chômeurs qui sont contraints d’émigrer. Ce sont peut-être des personnes âgées seules, ou des jeunes qui ne trouvent pas un sens à leur vie parce qu’ils ont perdu leurs racines. “Au milieu” signifie à égale distance, de manière que personne ne puisse feindre de ne pas voir, que personne ne puisse soutenir que “c’est la responsabilité des autres”, parce que “je n’ai pas vu” ou que “je suis trop loin”. Sans protagonismes, sans vouloir être applaudi ou les premiers. […]

 

 

 

 

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