La contribution des pauvres à la mission de Dieu

32ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE B)

1Re 17, 10-16; Ps 145; He 9, 24-28; Mc 12, 38-44

La contribution des pauvres à la mission de Dieu

L’Évangile d’aujourd’hui est court, très court même si on lit la version “abrégée” fournie par le Lectionnaire. Je serai donc bref, juste trois points pour nous aider à comprendre le message central de cet épisode succinct, mais très beau et significatif.

1. « Jésus, assis […] observait ». Une scène belle

Cette scène de Jésus au Temple m’étonne toujours. Comme le raconte l’évangéliste Marc, « Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent ». C’est vraiment curieux de voir Jésus qui avait le temps de s’asseoir et d’observer les gens qui passaient, presque sans but et comme s’il n’avait rien à faire dans la vie! Un voyageur sans le sou: pas de maison, pas de travail, pas d’argent !

En réalité, lui était dans le Temple et accomplissait donc la mission de sa vie, comme il l’avait déclaré à sa mère après sa découverte dans le Temple : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père? », qui peut également être traduit par: « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père? ». Rester dans le Temple de Dieu est le but de sa vie, la réalisation de la mission qui lui a été confiée par le Père, pour s’occuper exclusivement des choses de Dieu.

C’est pourquoi nous nous trouvons toujours avec lui dans le contexte de la mission et précisément dans cette perspective missionnaire nous devons “nous asseoir” pour “observer” les actions des autres devant Dieu. Ce serait en fait très intéressant de passer un moment dans certaines églises, notamment à Rome, et observer les gens qui vont et viennent, pour être inspirés et créer une méditation spirituelle sur la base de leur comportement pour grandir dans l’esprit missionnaire !

2. « Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie ».

Pour moi est surprenant le fait que Jésus, observant de loin, ait pu comprendre le montant précis de l’offrande faite par la pauvre veuve. Certes, on pouvait facilement remarquer la condition de pauvreté de la femme à travers ses vêtements. Il est cependant intéressant de comprendre comment il a pu identifier avec une telle précision, de loin, qu’« elle jeta deux petites pièces de monnaie, qui font un sou ». Soit sa vision était surhumaine, soit son audition était surnaturelle, lui permettant ainsi d’entendre le bruit de chaque centime frappant la base du Trésor ! Ce qui s’est passé démontre l’intérêt particulier de Jésus pour cette veuve, ainsi que le soin et l’attention particulière de Dieu pour tous les pèlerins, orphelins et veuves, comme est souligné dans le Psaume 145. Dans la mission du Christ, dans la mission de Dieu, chaque pas, chaque action des pauvres, des plus faibles, des sans défenses, est sous son regard miséricordieux. Chaque larme ne sera jamais oubliée. Chaque offrande sera notée et toujours rappelée avec beaucoup de gratitude.

3. « En vérité je vous le dis: cette veuve […] elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »

Le commentaire que Jésus fait aux disciples sur l’offrande de la veuve est très significatif et émouvant. Là aussi, il fallait une connaissance surnaturelle de la vie privée de la femme, comme seul pouvait l’avoir Jésus, pour pouvoir affirmer qu’« elle a mis tout ce qu’elle possédait », et ce de manière très solennelle comme si c’était un enseignement officiel: « En vérité, je vous le dis ». Et pour renforcer la pensée et accentuer le drame de la situation, Jésus poursuit par une précision: « [elle y a mis] tout ce qu’elle avait pour vivre ».

Ici, le grec original de « tout ce dont il avait besoin pour vivre » est encore plus concis et plus “dramatique”. On lit simplement ce qui peut se traduire littéralement par “toute la vie [sa] vie”. Oui, la veuve a offert à Dieu ‘toute sa vie’ dans le Temple, en jetant les deux pièces, tout ce qu’elle avait à ce moment-là. Et le Seigneur l’a vue et l’a montré à ses disciples, avec autorité et une accentuation sur l’écart entre la misère et la générosité de la femme pour Dieu, par rapport aux autres personnes dans le Temple, plus riches. Par son offrande concrète, petite mais immense, elle participe avec toute sa vie à la mission de Dieu pour le monde.

Je m’arrête ici sans proposer quelques conclusions sur l’enseignement de Jésus ou quelques questions agaçantes pour l’examen de conscience que tout croyant devra faire dans la vie avec Dieu. Je m’arrête seulement pour continuer à contempler cette veuve dont je ne connais ni nom, ni âge, peut-être parce qu’elle est toujours présente parmi nous, même aujourd’hui. Nous devrons grandir dans notre cheminement spirituel pour pouvoir avoir les yeux de Jésus et comprendre mieux maintenant la première béatitude de Jésus : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux » (Mt 5, 3).

Pape François, lettre encyclique sur l’amour humain et divin du cœur de Jésus-Christ, Dilexit nos

40. De nombreux textes de l’Évangile nous montrent comment Jésus est attentif aux personnes, à leurs préoccupations, à leurs souffrances. […]
41. C’est justement parce qu’Il est attentif à nous qu’Il est capable de reconnaître chaque bonne intention, chaque bonne petite action que nous faisons. L’Évangile raconte qu’« Il vit une veuve indigente qui mettait [dans le Trésor du Temple] deux piécettes » (Lc 21, 2) et qu’Il en fit part immédiatement à ses apôtres. Jésus est attentif de telle sorte qu’Il admire les choses bonnes qu’Il reconnaît en nous. […] Qu’il est beau de savoir que si les autres ignorent nos bonnes intentions ou les choses positives que nous faisons, Jésus ne les ignore pas, au contraire Il les admire.

Pape François, exhortation apostolique sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel, Gaudete et exsultate,

144. 144. Rappelons comment Jésus invitait ses disciples à prêter attention aux détails.

Le petit détail du vin qui était en train de manquer lors d’une fête.

Le petit détail d’une brebis qui manquait.

Le petit détail de la veuve qui offrait ses deux piécettes.

[…] 145. la communauté qui préserve les petits détails de l’amour, où les membres se protègent les uns les autres et créent un lieu ouvert et d’évangélisation, est le lieu de la présence du Ressuscité qui la sanctifie selon le projet du Père. […]

Pape François, Angélus, dimanche, 7 novembre 2021

[…] Jésus regarde, il regarde ce qui se passe dans ce lieu, le plus sacré de tous, et il voit comment les scribes aiment marcher pour être remarqués, salués, vénérés, et avoir des places d’honneur. […]

[…] En même temps, son regard entrevoit une autre scène: une pauvre veuve, précisément une de celles qui sont exploitées par les puissants, jette dans le trésor du Temple «tout ce qu’elle a pour vivre» (v. 44) […]

Jésus regarde les deux scènes. Et c’est précisément ce verbe — « regarder » — qui résume son enseignement: de ceux qui vivent la foi avec duplicité, comme ces scribes, « il faut se garder » pour ne pas devenir comme eux; tandis que la veuve il faut la «regarder» pour la prendre comme modèle. Arrêtons-nous là-dessus: se garder des hypocrites et regarder la veuve pauvre.

Avant tout, se garder des hypocrites, c’est-à-dire veiller à ne pas fonder sa vie sur le culte de l’apparence, de l’extériorité, sur le soin exagéré de son image. Et surtout, faire attention à ne pas plier la foi à nos intérêts. Ces scribes couvraient leur vaine gloire du nom de Dieu et, pire encore, utilisaient la religion pour gérer leurs affaires, abusant de leur autorité et en exploitant les pauvres. […]. C’est un avertissement pour tous les temps et pour tous, Eglise et société: ne jamais profiter de son rôle pour écraser les autres, ne jamais faire des bénéfices sur la peau des plus faibles! […]

Et pour guérir de cette maladie, Jésus nous invite à regarder la veuve pauvre. […] Jésus loue le fait que cette veuve jette tout ce qu’elle a dans le trésor. Il ne lui reste rien, mais elle trouve en Dieu son tout. Elle n’a pas peur de perdre le peu qu’elle a, parce qu’elle a confiance dans le « tant » de Dieu , et ce «tant» de Dieu multiplie la joie de celui qui donne. […] Voici donc que Jésus propose cette dame comme maîtresse de foi: elle ne fréquente pas le Temple pour se laver la conscience, elle ne prie pas pour être vue, elle n’affiche pas sa foi, mais donne avec son cœur, avec générosité et gratuité. Ses piécettes ont un son plus beau que les grandes offrandes des riches, car elles expriment une vie consacrée à Dieu avec sincérité, une foi qui ne vit pas d’apparences mais d’une confiance inconditionnelle. Apprenons d’elle: une foi sans atours extérieurs, mais sincère intérieurement; une foi faite d’amour humble pour Dieu et pour nos frères. […]

(Photo: Pexels.com / Safari Console)