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09 Mar 2024

Symposium : le Canada est témoin du Christ, au diapason de l’Esprit

Dans ce reportage *, M. Sierra revient sur quelques faits marquants du IIe Symposium international de missiologie d'octobre 2023, à la lumière du parcours dynamique des Congrès missionnaires de l'Amérique à l'ère du pontificat de François. (ndlr.)

Par José I. Sierra

En 2013, j’étais dans la ville vénézuélienne de Maracaibo où je participais au 4e Congrès missionnaire de l’Amérique (le CAM 4). C’était mon premier Congrès. Cette expérience m’a ouvert davantage à une Église latinoaméricaine pluriculturelle mise au défi, entre autres, par de fortes vagues de sécularisation. C’était le mois de novembre. Un grand nombre de participants au CAM parlait du nouveau pape argentin, élu il y a juste huit mois avant. On sentait quelque chose de nouveau dans l’air, mais aussi l’impression de vivre un tournant déstabilisant parce que l’on marchait sur du terrain inconnu. Je percevais chez les personnes que je fréquentais et interviewais, une sorte de fierté. Car tout au long de ce Congrès, les réalités qu’elles vivaient dans leurs propres pays semblaient être mises à l’avant-plan, leurs voix avaient l’air d’être entendues davantage. L’élection du fameux Jorge Bergoglio, devenu François, semblait donner raison à une Église qui avançait et faisait du progrès depuis plusieurs années dans la plupart des pays latinoaméricains. L’Esprit Saint, en quelque sorte, se faisait sentir.

Le Nord et le Sud se rencontrent

Il faut savoir que la finalité des Congrès missionnaires est toujours de faire éveiller chez les gens une nouvelle ferveur, un engagement renouvelé pour la Mission. Depuis longtemps, c’est une dynamique qui interpelle davantage les peuples des cultures du sud de notre continent. Ce n’est pas donc surprenant d’apprendre que les congrès missionnaires aient commencé en Amérique latine, le premier ayant eu lieu au Mexique en 1977. Ce n’est que 22 ans plus tard qu’un changement significatif se produit :

« Lors du Congrès de 1999, en Argentine, les délégués ont voulu que ces rencontres soient ouvertes à tout le continent américain, et c’est alors que le Canada et les États-Unis y participent pour la première fois », explique le père Orlando Camacho, c.s.Sp., directeur national des OPM à Porto-Rico.

Et voilà que 24 ans plus tard – l’effet du pape argentin s’ayant fait ressentir partout dans le monde –, les directions nationales des Œuvres pontificales missionnaires (OPM) à Porto-Rico et au Canada francophone organisent conjointement une rencontre internationale. Et l’Église missionnaire au Canada devient hôte du Symposium international de missiologie, une première au pays.

Il est important de savoir que chaque CAM n’est pas une fin en soi. Il s’inscrit dans une dynamique de parcours préparatoire qui se traduit concrètement dans des initiatives à caractère missionnaire, dont la plus importante est l’organisation de symposiums de missiologie. J’ai eu la chance de participer à trois de ces rassemblements internationaux, dont deux en vue du CAM 5 de Bolivie. Le Symposium d’octobre dernier permet à l’Église au Canada de s’inscrire dans cette dynamique, unifiant par le fait-même l’Église missionnaire du Nord avec celle du Sud :

« Aujourd’hui, alors que nous nous retrouvons au Canada pour le Symposium international de missiologie, nous pouvons rendre grâce à Dieu car tout ce qui a été semé en 1999 commence à se concrétiser », affirme le père Camacho avec émotion, visiblement content de vivre ce rassemblement au Canada.

Faire confiance et s’ouvrir à l’Esprit Saint

« En tout, quelque 70 participants de 14 pays se sont penchés sur la question de l’action de l’Esprit Saint dans la mission d’évangélisation de l’Église en Amérique », peut-on lire sur le communiqué officiel des OPM au Canada francophone. Pour le père Camacho, nous vivons un moment de grâce :

« Nous ne sommes pas au Canada simplement parce que nous avons reçu une invitation à participer à ce Symposium. Nous sommes ici parce que l’Esprit-Saint a été à l’œuvre en faisant bouger ce processus de renouveau missionnaire sur tout notre continent. »

Le père Camacho est le coordonnateur général du CAM 6 qui aura lieu à Porto-Rico. Il est venu avec une délégation importante qui compose l’équipe chargée d’organiser ce Congrès prévu pour novembre 2024. Comme la plupart des délégués, presque la totalité des membres ne comprennent pas le français, mais apprécient qu’il y ait une équipe d’interprètes afin de bien suivre les activités du Symposium. En effet, c’est la première fois dans l’histoire des préparations au CAM que les participants peuvent suivre le Symposium dans l’une des quatre langues offertes – le français, l’anglais, l’espagnol, et le portugais. De plus, les interventions et les célébrations liturgiques sont diffusées en directe sur les réseaux sociaux.

« L’Esprit est en train de nous guider, il nous précède, il nous interpelle », déclare Marie-Laure Joly, missionnaire laïque. Elle qui a participé au CAM 4 et à plusieurs symposiums, est visiblement impressionnée par ce qu’elle vit :

« Je vous avoue que c’est la première fois que je sens et que j’expérimente au sein de ce rassemblement des OPM l’aspect international, dit-elle a l’assemblée. On a donné la possibilité de nous exprimer en quatre langues, et cela signifie avoir laissé de la place pour chacun dans sa différence. On a aussi donné la possibilité de nous comprendre, de se dépasser, de s’interroger. Et, sans nous en rendre compte, de lâcher et laisser aller des préjugés ou peurs qui nous empêcheraient de nous rapprocher, de se connaître, de partager, de nous faire confiance les uns les autres. »

« Nous avons accepté les conséquences d’une pentecôte, ajoute le père Camacho. Ce qui implique de parfois laisser de côté notre propre langue et culture pour nous ouvrir à l’autre. »

Les yeux ouverts sur les réalités de l’Église au Canada

Un fait remarqué par les participants du Symposium, fut d’entendre les interventions des délégués canadiens. Le directeur national des OPM au Canada francophone, le père Yoland Ouellet, o.m.i., a dressé la table en donnant un court portrait du pays dans sa présentation intitulée : « Une société sécularisée et déchristianisée ». Suivi par le témoignage de trois jeunes universitaires du mouvement CCO (Catholic Christian Outreach) qui a beaucoup touché les personnes présentes.

Talitha Lemoine, missionnaire avec Mission campus, décrit CCO comme étant « un mouvement qui aide à vivre ma foi et à la partager ».

Quant à Joel Regnier, leader d’équipe de campus à l’Université Concordia, il explique que la méthode CCO se déroule en trois étapes : proclamer, outiller, envoyer. C’est-à-dire : proclamer Jésus et son Évangile aux jeunes, les outiller pour bien vivre et partager la foi, et les envoyer afin qu’ils la partagent à d’autres et les aident à rencontrer le Christ.

Un moment très fort survient lors de la présentation du père Ali Nnaemeka, o.mi., missionnaire oblat. Nigérian d’origine, il a vécu plusieurs années auprès du peuple innu. Le père Ali raconte l’expérience qu’il a vécue lors d’une célébration dans le cadre de l’enquête de femmes autochtones portées disparues. Lors d’une rencontre de prière dont il est invité à participer, surprise : il entend parler d’un de ses confrères oblats qui avait agressé sexuellement des personnes il y a presque 40 ans. Le père Ali ne s’y attendait pas à entendre cela.

Des victimes « sont venues me voir après, me disant : « Ce n’est pas à cause de toi [qu’on vient te voir et t’en parler], ce n’est pas parce qu’on n’aime pas les Oblats. Mais parce qu’on a envie de parler de ce que l’on vit. On comprend que c’est difficile, mais nous on a vécu avec [cette souffrance] durant des années » ».

À l’assemblée qui écoute attentivement, le père Ali raconte que « cette rencontre fut une expérience de laquelle je suis sortie blessé. » C’est « une expérience qui a fortement touchée mon orgueil de missionnaire qui a dû hériter de ce sombre épisode de l’histoire de ma communauté qui a malheureusement jeté une ombre sur tant de réussites en faveur de l’évangélisation. »

Selon le missionnaire nigérian, s’il en assume les aspects positifs des anciens de sa congrégation, il doit aussi en assumer les aspects négatifs « parce que je dois apprendre à ne pas répéter la même chose qu’ils ont fait dans le passé. »

L’Esprit Saint est vraiment le protagoniste de la Mission

Mgr Raúl Biord, évêque de la Guaira, au Venezuela, est de l’avis qu’il y a encore du chemin à faire dans l’Église dans sa façon de faire mission. On peut donner comme exemple le thème de la cléricalisation de la Mission qu’il a abordé au cours de sa présentation :

« Nous pensons encore que l’Église est une question de curés et de sœurs, pour le dire ainsi. Nous oublions que dans l’Histoire de l’Amérique, les premiers à apporter la foi chrétienne ce sont les laïcs – hommes et femmes.

« C’est vrai qu’il y a de plus en plus de laïcs qui partagent la spiritualité et le charisme missionnaires des congrégations et des mouvements de laïcs. Cependant, il y a une mentalité très forte qui persiste, selon laquelle la mission ad gentes est responsabilité du clergé et des personnes de vie consacrée. »

Néanmoins, Mgr Biord est confiant que c’est seulement sous l’élan de l’Esprit Saint que des changements favorables se produiront. « Nous ne pouvons pas enfermer l’Esprit dans une cage », rappelle-t-il.

Tout au long du Symposium, j’entends les participants crier haut et fort les paroles du slogan du prochain CAM : « Amérique, témoin du Christ par la force de l’Esprit! » L’Esprit Saint est vraiment le diapason auquel les participants du Symposium se laissent guider en cheminant vers le prochain Congrès missionnaire de l’Amérique.

Marie-Laure résume bien :

« Être à l’écoute et nous ouvrir à la différence : voilà ce que nous vivons ici, ensemble. Nous sommes en train d’élargir notre point de vue et notre horizon, faisant en sorte d’accueillir d’autres manières de voir les choses, d’autres expériences. Mais aussi de développer une conscience qui nous dit que nous sommes déjà en train de marcher ensemble, dans ce désir de nous laisser questionner en tant qu’Église. »

 

 

(Photo: OPM Canada / José I. Sierra)

 

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