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2e Dimanche de pâques (Année C)

Ressusciter pour la mission : la mission de l’envoyé et des envoyés
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv.,
Secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

2e DIMANCHE DE PÂQUES  « DE LA DIVINE MISÉRICORDE”
Ac 5, 12-16; Ap 1,9-11.12-13.17.19; Jn 20,19-31

 


Ressusciter pour la mission : la mission de l’envoyé et des envoyés

 

« La paix soit avec vous ! » Ce sont les premières paroles de Jésus « le soir venu, en ce premier jour de la semaine ». Il est apparu pour la première fois à ses disciples le même jour que la résurrection, comme nous le dit l’Évangile de Jean. Le Ressuscité salua ses disciples « Huit jours plus tard » avec les mêmes paroles, lorsqu’il leur apparut une seconde fois au même endroit. Ce « La paix soit avec vous ! » devient le signe caractéristique qui, comme on le voit dans les autres évangiles, unit les apparitions du Ressuscité et les unit toutes d’une manière mystérieuse et mystique en un seul grand événement-mystère pascal que vécurent les premiers apôtres depuis ce mémorable « premier jour » jusqu’au retour définitif de Jésus au Père. Ainsi, une apparition se répète, s’enchaîne et se complète avec l’autre. Ce sont les jours intenses au cours desquels le Christ ressuscité a communiqué / donné à ses disciples les « prémices » de la résurrection, les guidant dans la préparation finale de leur mission et tout cela patiemment, surtout avec les sceptiques et les « cœurs durs », comme les deux d’Emmaüs ou de Thomas Didyme !

Ce fut un temps d’intense « formation missionnaire » pour les premiers disciples, et il en sera de même pour nous, ses disciples d’aujourd’hui, appelés à vivre toujours plus intensément et profondément le mystère pascal chaque jour de ce temps liturgique, en particulier chaque dimanche, c’est-à-dire chaque « huitième jour », « jour du Seigneur ». Le Temps de Pâques est encore plus fort que celui du Carême, et il doit donc être vécu dans la vie et dans les célébrations liturgiques avec l’énorme richesse des prières et des lectures bibliques, avec lesquelles le Christ ressuscité, et donc vivant, veut encore parler au cœur de ses disciples pour les préparer à nouveau à la mission.  Dans ce contexte missionnaire formatif, chaque phrase et action du Ressuscité est d’une importance fondamentale. Je m’attarderai sur trois points en partant des paroles et des gestes de Jésus dans sa première apparition aux disciples.

  1. « La paix soit avec vous !»

C’est le premier don, voire le don suprême, du Ressuscité qui le communique par sa présence à ses disciples. Tout en ressemblant à une salutation ordinaire pour cette culture, c’est en fait l’annonce de l’accomplissement de la mission, acclamée lors de son entrée solennelle à Jérusalem avant la Passion. Là où est le Ressuscité, sa paix règne. Ce don du shalom du Messie indique la vie avec et en Dieu, source de tout bonheur, bien-être et joie. Or tout s’accomplit véritablement avec et en présence du Christ, qui, d’ailleurs, avait confié en testament à ses disciples lors de la dernière Cène avant sa Passion et sa mort : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé » (Jn 14,27). Alors, maintenant, à ses disciples réunis dans le lieu à huis clos « par crainte des Juifs », Jésus réaffirme le don : « La paix soit avec vous ! », pour que « votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé ». La paix messianique commence par la paix intérieure du cœur que le Ressuscité donne désormais à ses disciples, afin qu’ils puissent la transmettre aux autres.

Dans cette perspective d’accomplissement, ce n’est pas un hasard si précisément après le don de la paix, le Ressuscité montre aux disciples les signes de la Passion : « Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté ». Cela semble suggérer que ces blessures de Jésus ne sont pas seulement des preuves pour reconnaître son identité, mais aussi une indication ou une démonstration des « moyens », voire du « prix » avec lesquels il a « acheté » la paix à donner maintenant aux siens. « Par ses blessures, nous sommes guéris » (Is 53,5), et nous trouvons la paix en Dieu. Ce sont les signes de la mission messianique accomplie dans l’amour et la fidélité, et qui le resteront pour l’éternité, selon la sagesse de Dieu, dans son corps glorieux. Ils sont à jamais des signes de l’Amour Divin et de la Miséricorde en mission !

Le don de paix du Ressuscité est fondamental pour la mission, et nous le voyons précisément du fait que le Christ a répété le souhait avant l’annonce de son envoi des disciples : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». C’est ici que nous voyons que la salutation de paix n’est pas une simple salutation initiale : le mandat missionnaire vient après le don de la paix. Pour chaque disciple, il sera donc toujours utile, voire nécessaire, d’accueillir la paix du Ressuscité comme un don de communion avec lui, et de vivre avec et en elle, pour mener à bien cette mission confiée par lui. Cette paix du Ressuscité sera la force intérieure du disciple missionnaire, dans la faiblesse et l’adversité humaines. En effet, le renouveau de la mission commence par un retour à la paix et à la communion intime avec le Seigneur. Ce qui a été dit semble banal et évident, mais il est très important de ne pas le négliger ni le sous-estimer, surtout face au rythme effréné de la vie moderne et aux persécutions.

  1. «…De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie»

En donnant sa paix, le Ressuscité déclare solennellement le mandat missionnaire à ses disciples avec une affirmation théologiquement profonde : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». D’une part, la belle chaîne de la mission émerge ici clairement : Père – Fils – disciples. La mission des disciples prolonge donc celle du Fils et la reflète. Si bien que, comme nous l’avons entendu dans la première lecture, les activités de Pierre et la réaction du peuple sont décrites comme celles de Jésus dans les Évangiles : « On allait jusqu’à sortir les malades sur les places, en les mettant sur des civières et des brancards : ainsi, au passage de Pierre, son ombre couvrirait l’un ou l’autre. La foule accourait aussi des villes voisines de Jérusalem, en amenant des gens malades ou tourmentés par des esprits impurs. Et tous étaient guéris » (Ac 5,15-16).

D’autre part, avec les mots « comme… (ainsi) aussi », une comparaison vertigineuse est mise en évidence : la mission divine que le Christ a accomplie passe maintenant aux disciples qui seront les envoyés plénipotentiaires du Fils, comme le Fils était l’envoyé exclusif sur lequel le Père « a marqué de son sceau » (cf. Jn 6,27; 1,18). L’envoi des apôtres par le Christ ressuscité trouve son modèle et sa raison d’être dans l’envoi du Fils par le Père : c’est une pensée originale de l’Évangile de Jean, comme le notait l’exégète R. Brown. Comme le Fils est le visage et l’image du Père, ainsi ses disciples missionnaires le représentent maintenant, en effet ils rendent présent le Fils qui les envoie. Pour cette raison, Jésus lui-même avait solennellement déclaré à ses disciples dans son discours d’adieu lors de la Dernière Cène : « Amen, amen, je vous le dis : si quelqu’un reçoit celui que j’envoie, il me reçoit moi-même ; et celui qui me reçoit, reçoit Celui qui m’a envoyé » (Jn 13,20).

C’est un point fondamental de l’institution juive shaliah (envoi), selon laquelle l’envoyé a tout le « pouvoir » de celui qui l’envoie, car l’envoyé et l’envoyeur sont une seule réalité juridique, qui dans le cas de Jésus se réalise aussi à un niveau existentiel : « Le Père et moi, nous sommes UN » (Jn 10,30). C’est pourquoi, en accomplissant la mission qui lui a été confiée par le Père, Jésus annonce : « celui qui me voit, voit Celui qui m’a envoyé. (…) ce n’est pas de ma propre initiative que j’ai parlé : le Père lui-même, qui m’a envoyé, m’a donné son commandement sur ce que je dois dire et déclarer » (Jn 12,45.49).

Ainsi, maintenant, ce qui a été dit de l’union fidèle du Christ avec le Père qui l’a envoyé sera la mesure ultime pour chaque disciple missionnaire. En d’autres termes, les disciples envoyés maintenant par Jésus devront s’assurer que chacun puisse voir Jésus en eux. Ils devront transmettre fidèlement aux autres toutes les paroles du Maître, afin que tous puissent sentir et expérimenter Jésus lui-même en eux. C’est là la haute essence de la vocation de tout disciple missionnaire du Christ, appelé à être un reflet fidèle du Christ dans le monde, voire un Christ ressuscité, un alter Christus (autre Christ), selon l’expression inspirée de saint Paul Apôtre : « avec le Christ, je suis crucifié. Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2,19b-20a). Et ce que saint Paul décrit comme un style de vie pour les apôtres-envoyés de sa génération sera la tâche première de chaque disciple missionnaire de tous les temps : « Toujours nous portons, dans notre corps, la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi, soit manifestée dans notre corps » (2Co 4,10). C’est le très grand honneur qu’ont les disciples envoyés par Jésus lui-même de le rendre manifeste, comme lui, envoyé par le Père, a fait connaître le Père.

  1. Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint »

Comme suggéré par le contexte et la phrase de conjonction « Ayant ainsi parlé », la proclamation de l’envoi des disciples est intrinsèquement liée à l’action de Jésus de souffler sur eux, leur donnant l’Esprit Saint, qui est l’Esprit du Ressuscité. Ici, nous assistons à la scène, que certains peuvent appeler la « Pentecôte johannique », qui marque précisément l’effusion de l’Esprit Saint sur les disciples. Cette « Pentecôte » de l’Evangile de Jean rappelle et se rattache à celle décrite dans les Actes des Apôtres, qui a pourtant lieu cinquante jours après Pâques. Là aussi, comme pour la résurrection et les apparitions du Ressuscité, il s’agit des diverses manifestations d’un seul « Mystère divin qui, comme tel, reste toujours insaisissable pour l’esprit humain », comme indiqué dans le commentaire précédent. Nous nous attarderons sur quelques-uns des points les plus importants sur le plan spirituel.

Malgré la différence temporelle due aux contextes différents des auteurs sacrés individuels, les deux événements soulignent en fait une seule vérité théologique fondamentale : l’Esprit Saint est le don du Ressuscité à ses disciples envoyés par lui dans le monde. Ce qui est décrit ici dans la « Pentecôte de Jean » reflète en fait le contenu de l’annonce du Christ aux disciples avant de monter vers le Père dans les Actes des Apôtres : « Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins (…) jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 1,8). Et cette annonce a lieu à la Pentecôte. (lire le Message du Pape François pour la Journée missionnaire mondiale de cette année 2022).

Dans sa sensibilité théologico-spirituelle, saint Jean l’Évangéliste met l’effusion de l’Esprit Saint le même premier jour de la résurrection pour exalter l’importance de l’événement et du don, ainsi que pour souligner plus fortement le lien intrinsèque entre la résurrection du Christ et le don de l’Esprit, entre le Christ ressuscité et l’Esprit donné aux disciples envoyés par le Christ à la mission. De plus, l’action de Jésus de souffler ou d’émettre son souffle sur les disciples rappelle celle de Dieu dans la création du premier homme, moulé de la terre (cf. Gen 2,7). Nous avons donc avec le Ressuscité la scène de la nouvelle création de l’homme ou de la création de l’homme nouveau. Les disciples deviennent des hommes nouveaux qui portent en eux l’Esprit du Ressuscité pour le partager avec les autres, les rendant ainsi nouveaux dans l’Esprit qui purifie des péchés. C’est pourquoi ici, dans la « Pentecôte » johannique, le Ressuscité associe le don de l’Esprit au pouvoir de pardonner les péchés: « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » La formulation positive et négative exprime le caractère exclusif de la rémission des péchés dans l’Esprit désormais confiée aux disciples, appelés à accomplir la mission, celle de la miséricorde divine, tout comme le Christ. Tout cela fait allusion à la réalité du baptême d’eau et d’Esprit pour la rémission des péchés. Ce message évangélique apparaît tout à fait approprié pour célébrer à la fois le dimanche de la Divine Miséricorde.

Enfin, l’accent est mis sur l’accomplissement des mêmes promesses du Christ aux disciples avant la Passion concernant le Saint-Esprit et la mission des disciples. L’Esprit est donné aux disciples pour leur permettre de continuer la même mission de Jésus et comme Jésus. C’est ce que Jésus a dit lors de la Dernière Cène : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. » (Jn 15,16). Cette « constitution » apostolique-missionnaire se réalise avec et dans l’Esprit que Jésus communique aux disciples après la résurrection. Il sera donc important pour nous, disciples missionnaires d’aujourd’hui, de laisser le Ressuscité souffler mystiquement sur nous son Esprit en ce Temps de Pâques, où le Mystère de la résurrection du Christ se réalise encore pour nous.

Pape François dans le message pour la Journée missionnaire mondiale 2022 : Tout comme « personne n’est capable de dire : “Jésus est Seigneur” sinon dans l’Esprit Saint » (1Co 12,3), de même aucun chrétien ne peut rendre un témoignage complet et authentique au Christ Seigneur sans l’inspiration et l’aide de l’Esprit. Par conséquent, tout disciple missionnaire du Christ est appelé à reconnaître l’importance fondamentale de l’action de l’Esprit, à vivre avec lui dans la vie quotidienne et recevoir sans cesse de sa part force et inspiration. Plus encore, au moment où nous nous sentons fatigués, démotivés, perdus, rappelons-nous de nous tourner vers l’Esprit Saint dans la prière, qui – je tiens à le souligner une fois de plus – a un rôle fondamental dans la vie missionnaire, pour nous laisser restaurer et fortifier par lui, source divine inépuisable des énergies nouvelles et de la joie de partager la vie du Christ avec les autres.

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