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32ème dimanche du temps ordinaire (Année C)

Croire et vivre comme des enfants de la résurrection
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

32ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE C)

2 M 7, 1-2.9-14; Ps 16; 2 Th 2, 16-3, 5; Lc 20, 27-38

Au réveil, je me rassasierai de ton visage, Seigneur

Croire et vivre comme des enfants de la résurrection

Nous sommes entrés dans l’avant-dernier dimanche de l’année liturgique. Le regard est donc dirigé vers la fin des temps, vers les dernières choses de la vie. La liturgie nous offre un passage de l’Évangile avec l’enseignement d’autorité de Jésus sur l’une des vérités fondamentales de la foi que nous professons chaque dimanche : la résurrection de la chair. Nous y croyons déjà et donc, il n’y a rien à ajouter ici. Cependant, nous sommes invités à accueillir la beauté du récit évangélique de ce jour et à vivre en profondeur la spiritualité de la résurrection dans le Christ ressuscité.

  1. La scène

Le contexte du passage doit être clarifié pour mieux entrer dans la méditation de l’épisode évangélique. Nous assistons à l’enseignement de Jésus dans le Temple pendant ses derniers jours à Jérusalem. La forme du récit est un dialogue scolaire classique sur l’interprétation de la Torah (attention à la réponse de Jésus qui s’appuie sur la citation du Pentateuque !).

Quant au temps (En ce temps là), nous sommes après l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem avec sa première action de chasser les marchands du Temple (Lc 19, 45-46). Immédiatement après, « et il enseignait tous les jours dans le temple » (19.47a). On note donc une série de disputes avec ses adversaires qui sont « les chefs des prêtres et les docteurs de la loi… aussi les chefs du peuple » (19.47b). La première dispute est avec tous les opposants sur l’autorité d’enseigner (20,1-8). La seconde, sur la question de payer l’impôt à César. La troisième est la nôtre, celle avec les sadducéens sur la résurrection. Il s’en suit la « contre-attaque » de Jésus qui partant des écritures explique la véritable identité du Messie qui est plus grand que David (20,39s).

La prise de conscience du contexte du passage vise à conduire tout auditeur moderne à une simple invitation : toi qui t’apprêtes à méditer cet enseignement de Jésus, entre dans le Temple de ton cœur où Il enseigne chaque jour, et chasse en premier, toi aussi, du Temple de ton cœur tous les commerçants, c’est-à-dire toutes les pensées matérielles mondaines, et mets-toi à l’écoute de sa sage voix.

  1. Les Sadducéens et leur question

Il faut préciser que les sadducéens étaient un groupe juif, qui comprenait les membres et sympathisants des familles sacerdotales aristocratiques de la lignée du grand prêtre Zadok (cf. Ez 40,46, 43,19). (Ils sont mentionnés dans la dispute avec Jésus ici seulement en Lc). Même s’ils reconnaissaient soit le Pentateuque soit quelques traditions prophétiques successives, ils ne croyaient ni à la résurrection (cf. Ac 4,1-2 ; 23,6-10) ni à l’existence des anges (cf. Ac 23.8). Il s’agit des points discutables dans la tradition scripturaire d’Israël, affirmés seulement dans la tradition apocryphe et orale que les pharisiens et la plupart du peuple suivaient. En particulier, l’idée de la résurrection est évoquée dans les livres d’Isaïe et de Daniel (cf. Is 25,8 ; 26,19.21 ; Da 12,2-3), mais en référence à la résurrection collective (de la nation), tandis que quelques espérances sur le salut individuel dans l’outre-tombe se trouve en peu d’autres passages (cf. Job 19,25-27 Ps 16,9-11 ; 49,6 ; 73,24). La claire affirmation sur la résurrection de l’individu n’est attestée que dans les apocryphes juifs, surtout en 2 Mac 7 (première lecture de ce dimanche), qui est un texte grec en dehors de la Bible hébraïque. Cependant, à l’époque de Jésus, tout le monde ne partageait pas la vision de la résurrection des morts (cf. Mt 25,23-33) et il y avait quelques confusions. Par conséquent, les Sadducéens voulaient ridiculiser cette croyance « populaires » devant Jésus et ainsi se moquer de Jésus lui-même qui, selon leur perception, maintenait une telle « foi ».

Ainsi, présentant le « cas difficile » à Jésus, les sadducéens l’appelaient « Maitre » (peut-être avec une certaine ironie), puis se référant à la loi de Moise (« Moïse nous a prescrit »). Ici l’antithèse entre Moise et Jésus le Maitre est subtile. Il est à rappeler que Jésus était déjà présenté comme Maître dans le Temple dès l’âge de douze ans (cf Lc 2,41ss; 19,47 ; 20,1). les Sadducéens se basent sur la loi de Moise, ou plutôt sur la pratique du lévirat (cf. Dt 25,5-10 ; cf. Gn 38,8-10 ; Rt 3,9-4,10), pour construire le cas hypothétique (chiffre 7-symbole de totalité) qui est pourtant mentionné dans la tradition judaïque comme, par exemple, la situation de Sarah avec ses sept maris dans le livre de Tobias (cf Tb 3,8 ; 6,14) et qui se rencontre chez divers peuples (la figure de la femme « Sat phu » « tueuse de maris » dans les traditions sino-vietnamiennes !). Le cas apparait plutôt classique et a aussi la solution bien connue dans le judaïsme pour la question finale : la femme sera-t-elle l’épouse du premier frère (parce que les autres n’ont agi qu’en sa faveur).

  1. Jésus et son enseignement

En tant qu’enseignant “habile”, Jésus saisit l’occasion pour enseigner la résurrection. Et il le fait avec l’autorité de sa personne et de la même Loi de Dieu que ses interlocuteurs ont utilisée. La réponse est logiquement construite et comporte deux parties : la première (vv 34-36) corrige l’erreur sur la vision de la vie après la résurrection, tandis que la seconde (vv 37-38) souligne la vérité du fait même de la résurrection.

Dans la première partie, Jésus met en antithèse « les enfants de ce monde » et « ceux qui sont jugés dignes de l’autre monde ». Nous avons ici le seul endroit dans le NT qui mentionne « l’autre monde » pour la réalité après la mort. Le langage est apocalyptique et judaïque, car l’expression « enfants de… » désigne l’appartenance à une certaine réalité. Les « jugés dignes de l’autre monde » sont ceux « ressuscités » pour la vie éternelle; ils sont c’est à dire de la, « résurrection d’entre les morts » ou de la vie (cf. Ac 42 : 1 Pt 1,3). Cela implique donc qu’il y a aussi l’autre catégorie de celui qui doit vivre la « résurrection pour la condamnation » au jour de la « résurrection des morts » (cf. Dn 12,1-3 ; Jn 5,29).

L’affirmation que les ressuscités pour la vie éternelle seront égaux aux anges dénote une égalité dans la dignité, dans la gloire de l’immortalité (plus de mort), et non pas tant dans l’asexualité. Saint Paul explicite qu’après la résurrection, notre corps “charnel” ou “naturel” se transforme en celui pneumatikos “spirituel”, c’est-à-dire “glorieux” (cf. 1Cor 15,44; et tout 1Cor 15). Les hommes de la résurrection “ne prennent ni femme ni mari’’, car maintenant tous vivent dans l’amour de Dieu (avec Lui, en Lui et par Lui) avec une telle intensité et un tel bonheur que même la réalité matrimoniale terrestre en amour réciproque et dans la procréation se transforme en un niveau différent, celui céleste et divin. Ainsi, “étant fils de la résurrection, ils sont fils de Dieu”. Nous avons ici encore un langage judaïque pour désigner ceux qui participent à la vie en Dieu.

La deuxième partie de la réponse de Jésus affirme la vérité de la résurrection sur la base du texte biblique de Exodus 3 dans la révélation du nom de Dieu à Moïse. Il s’agit donc de l’événement le plus important dans la bible, car Dieu pour la première fois dans l’histoire du salut révèle son nom YHWH et donc révèle son identité (le nom dans la mentalité juive est intrinsèquement lié à la personne qui le porte). En ce contexte solennel, Dieu se présente comme « Dieu d’ Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob » (cf. Ex 3,6.15.16) et donc, comme Luc souligne, il est appelé ainsi par Moïse.

Contrairement aux saducéens qui soulignent le fait de mourir (3 fois dans leur discours), Jésus affirme le vivre de l’homme. l’exégèse de Jésus du texte biblique auquel il est fait référence est très originale : Si Dieu s’appelle Dieu des trois grands patriarches, lesquels, bien que déjà morts dans l’histoire, sont retenus par les Juifs comme vivants en Dieu (voir la parabole de l’homme riche opulent et Lazare, où l’on voit Abraham “vivant”), évidemment Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. S’il en est ainsi, alors certainement les morts retrouveront la vie c’est-à-dire ils ressusciteront pour vivre en Dieu. Par conséquent, la résurrection n’est pas seulement un fait anthropologique ou anthropocentrique qui concerne exclusivement l’avenir de l’homme (mort). C’est aussi et surtout la réalité théologique ou théocentrique qui concerne la fidélité de Dieu à l’alliance avec son peuple et avec ses “fidèles” individuels. Alors la foi en la résurrection montre en substance la foi en la fidélité de Dieu pour l’homme. Et ici, Jésus lui-même pouvait demander à chacun de ses auditeurs d’hier comme d’aujourd’hui : Crois-tu toi aussi en cela ?

Il faut ajouter que la raison ultime de la résurrection de Jésus est « car tous vivent pour lui ». Cela reflète le passage du livre apocryphe de 4 M 16,25 : « Ceux qui meurent pour Dieu, vivent par Lui, comme Abraham, Isaac et Jacob, et tous les patriarches ». A la lumière de la résurrection certaine, « tous vivent pour lui », tant dans la vie que dans la mort. Voici donc la question : Et toi ? Vis-tu toujours pour lui ?

Catéchisme de l’Église Catholique

992. La résurrection des morts a été révélée progressivement par Dieu à son Peuple. L’espérance en la résurrection corporelle des morts s’est imposée comme une conséquence intrinsèque de la foi en un Dieu créateur de l’homme tout entier, âme et corps. Le créateur du ciel et de la terre est aussi Celui qui maintient fidèlement son alliance avec Abraham et sa descendance. C’est dans cette double perspective que commencera à s’exprimer la foi en la résurrection. Dans leurs épreuves, les martyrs Maccabées confessent :

Le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour ses lois (2 M 7, 9). Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l’espoir d’être ressuscité par lui (2 M 7, 14 ; cf. 7, 29 ; Dn 12, 1-13).

993. Les Pharisiens (cf. Ac 23, 6) et bien des contemporains du Seigneur (cf. Jn 11, 24) espéraient la résurrection. Jésus l’enseigne fermement. Aux Sadducéens qui la nient il répond : “ Vous ne connaissez ni les Écritures ni la puissance de Dieu, vous êtes dans l’erreur ” (Mc 12, 24). La foi en la résurrection repose sur la foi en Dieu qui “ n’est pas un Dieu des morts, mais des vivants ” (Mc 12, 27).

994. Mais il y a plus : Jésus lie la foi en la résurrection à sa propre personne : “ Je suis la Résurrection et la vie” (Jn 11, 25). C’est Jésus lui-même qui ressuscitera au dernier jour ceux qui auront cru en lui (cf. Jn 5, 24-25 ; 6, 40) et qui auront mangé son corps et bu son sang (cf. Jn 6, 54). Il en donne dès maintenant un signe et un gage en rendant la vie à certains morts (cf. Mc 5, 21-42 ; Lc 7, 11-17 ; Jn 11), annonçant par là sa propre Résurrection qui sera cependant d’un autre ordre. De cet événement unique Il parle comme du “ signe de Jonas ” (Mt 12, 40), du signe du Temple (cf. Jn 2, 19-22) : il annonce sa Résurrection le troisième jour après sa mise à mort (cf. Mc 10, 34).

995. Être témoin du Christ, c’est être “ témoin de sa Résurrection ” (Ac 1, 22 ; cf. 4, 33), “ avoir mangé et bu avec lui après sa Résurrection d’entre les morts” (Ac 10, 41). L’espérance chrétienne en la résurrection est toute marquée par les rencontres avec le Christ ressuscité. Nous ressusciterons comme Lui, avec Lui, par Lui.

 

 

 

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