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3ème dimanche de Pâques (Année C)

Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv.,
Secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

3ème DIMANCHE DE PAQUES (ANNÉE C)

At 5,27b-32.40b-41; Ps 29; Ap 5,11-14; Jn 21,1-19

Je t’exalte, Seigneur, tu m’as relevé

Il y a beaucoup de sens d’entendre au cours du troisième dimanche de Pâques le récit de la troisième apparition du Christ ressuscité dans l’évangile de Jean, comme le souligne l’évangéliste: « C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples ». Ce sera aussi le dernier épisode de Jésus avec ses disciples dans le quatrième évangile, qui affirme à la fin : « Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites ; et s’il fallait écrire chacune d’elles, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres que l’on écrirait » (Jn 21,25).

Cette affirmation inclut implicitement, d’une part, les autres actions/apparitions de Jésus non mentionnées dans le livre, et d’autre part, elle suggère l’importance exemplaire de tout ce que l’évangéliste a choisi de transmettre à la postérité. Et cela est particulièrement vrai pour cette troisième et dernière « manifestation » du Ressuscité selon la chronologie johannique. À travers les détails subtils de la rencontre et du dialogue de Jésus avec Pierre, le récit transmet des messages fondamentaux sur la vocation apostolique de Pierre, où l’on peut aussi entrevoir l’essence de la vie missionnaire des disciples du Ressuscité à chaque époque.

  1. Auprès du « feu de braise»

Les circonstances de cette troisième apparition sont très curieuses, ce que l’évangéliste désigne comme une « manifestation » du Christ. Chaque détail est unique, avec une forte charge symbolique spirituelle à méditer, scruter, goûter. De plus, le disciple, auteur de l’histoire, semblait constamment porter dans son cœur cette inoubliable rencontre avec le Maître ressuscité, si bien qu’il la racontait avec tant de précision dans les détails et avec une incroyable richesse spirituelle.

Il y a la présence d’« un feu de braise » dans le décor de l’épisode. Cette mention, apparemment fortuite et insignifiante, est très intéressante à deux égards. Tout d’abord, l’évangéliste raconte qu’après la pêche miraculeuse, « Une fois descendus à terre, ils [les disciples] aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain ». C’est donc le feu avec lequel Jésus a préparé pour ses disciples un petit déjeuner de poisson grillé avec du pain. Il les invitait explicitement « Venez manger » et, sans doute aux plus craintifs, « Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson ». Nous voyons ici pour la seule fois dans les Évangiles un Jésus cuisinier, un Jésus qui cuisinait pour lui-même et pour les autres. De plus, le fait qu’ils aient mangé du poisson le matin ne devrait surprendre ni choquer personne, surtout ceux habitués à un petit déjeuner léger avec un café et des biscuits, car c’est encore le cas dans de nombreuses cultures asiatiques et d’ailleurs. En effet, le poisson grillé sera même le signe d’un petit-déjeuner solennel festif.

Peut-on voir dans le récit une allusion au repas « eucharistique », où le geste de Jésus (“ il prend le pain et le leur donne ”) est le même ? Peut-être que oui, mais peut-être pas (parce que les similitudes sont plutôt trop vagues). En tout cas, la troisième apparition/manifestation du Ressuscité a donc en son centre un repas convivial, de partage et de communion entre lui et ses disciples intimes. Dans cette perspective de « communion », il semble significatif que pour le repas, même s’il avait déjà préparé tout le nécessaire, feu, poisson, pain, il exigeait tout de même que les disciples contribuent avec ce qu’ils avaient pris, suivant son indication : « Apportez donc ces poissons que vous venez de prendre. » En effet, il leur avait même demandé plus tôt d’une manière cordiale : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? », comme s’Il dépendait totalement du résultat de leur travail, pour les pousser à recommencer avec une nouvelle pêche (sinon, tout le monde serait resté le ventre vide). Les pêcheurs de Galilée sont invités à participer à nouveau à la communion d’intentions, d’action, de vie avec le Maître ressuscité, à poursuivre la mission des pêches miraculeuses sous sa direction (à distance) et à partager ensuite avec lui le fruit extraordinaire de leur labeur : « Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père » (Jn 14,12). Le partage de la nourriture indique le partage de la vie et de la mission.

La mention d’« un feu de braise » semble avoir une autre fonction encore plus importante pour la suite du récit, à savoir pour la fameuse conversation entre Jésus et Simon Pierre, « quand ils eurent mangé ». Cette expression, curieusement, ne revient qu’une seule fois dans l’évangile de Jean, dans l’épisode du triple reniement de Pierre lors de la passion de Jésus : « Les serviteurs et les gardes se tenaient là ; comme il faisait froid, ils avaient fait un feu de braise pour se réchauffer. Pierre était avec eux, en train de se chauffer » (Jn 18,18). Les deux scènes se réfèrent donc à travers cette image commune et exclusive, à un déjà-vu non seulement pour les lecteurs attentifs de l’évangile mais aussi et surtout pour les protagonistes du récit, Simon Pierre le premier. Sur le plan littéraire, pour relier les deux épisodes, le « feu de braise » sera le signe le plus fort de la triple interrogation de Jésus à Pierre, pour obtenir une triple confession d’amour, car le chiffre trois est simplement un symbole conventionnel de complétude.

En d’autres termes, on ne peut pas dire que, puisque Pierre a renié Jésus trois fois, il a été interrogé trois fois sur l’amour. La conversation intime entre Jésus et Pierre après le repas n’est pas une sorte de compte (comme si Jésus le faisait selon la logique : puisque tu m’as renié trois fois, je dois alors te faire avouer autant de fois pour régler le compte). Au contraire, c’est l’occasion que Jésus veut créer pour Pierre, afin que Pierre puisse à nouveau professer son amour pour Jésus, cet amour « endommagé » par son reniement dans un pareil feu de braise. Cette profession d’amour, qui aide à en prendre davantage conscience, sera fondamentale pour la mission particulière que le Ressuscité confiera à Pierre.

  1. « M’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ?»

Les trois questions de Jésus et les autres de réponses de Pierre ont fait l’objet de nombreux commentaires et d’études approfondies(…). Je souligne seulement l’importance de la première question de Jésus qui est en réalité sous-entendue dans les deux autres, ainsi que la dernière réponse de Pierre qui semble marquer l’aboutissement même de sa profession d’amour.

Voici la première question de Jésus à Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? ». Pierre est solennellement appelé par son prénom et son « nom de famille », c’est-à-dire la mention du nom de son père. Ce chemin rappelle le moment solennel où Jésus loua Pierre après sa profession de foi à Césarée de Philippe (cf. Mt 16,17). C’est justement le parallélisme entre les deux situations qui fait comprendre l’importance du moment et de la parole même de Jésus pour Pierre : « M’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » En fait, c’est quelque chose que Jésus a déjà demandé à tous ses disciples sous la forme d’une déclaration au cours de son ministère public : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10,37) ou encore plus fort dans la version lucanienne : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à [littéralement, sans haïr] son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple » (Lc 14,26). Cet amour exclusif pour Jésus est maintenant requis directement de Pierre et, dans le contexte du récit, il est demandé d’aimer Jésus non seulement plus que toutes les autres personnes autour, mais aussi toutes les choses que Pierre a aimées jusqu’à présent, y compris sa profession (« Je m’en vais à la pêche. » – dit Pierre au début de l’épisode) et sa propre vie. Ce n’est donc pas un hasard, à l’issue de la profession de Pierre, si Jésus a révélé le futur « par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu », où l’expression ainsi formulée semble impliquer le martyre – témoignage de vie. Ce sera cet amour exclusif pour Jésus qui le conduira à cette fin, à cette « glorification de Dieu », qui manquait à Pierre auparavant.

Pierre semble n’avoir compris son échec amoureux qu’après que Jésus eut insisté pour la troisième fois. S’“ il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ” (Jn 15,13), comme Jésus l’a déclaré, et si Pierre avait promis à Jésus de donner sa vie pour lui, Pierre a échoué non seulement en tenant la promesse, mais aussi en amour. Donc, au final on a un Pierre “ peiné ” qui répond avec plus d’humilité, avec une formulation différente des précédentes, plus « christocentrique » et pas avec autant de certitude “ Oui, Seigneur ! ” : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. »

Seul Jésus sait combien d’amour et d’exclusivité un disciple a pour lui, et chaque disciple est appelé à reconnaître cette vérité afin de renouveler sans cesse son amour pour Jésus, qui a d’abord aimé les siens jusqu’à la fin, celui de la croix. C’est encore plus vrai pour Pierre à qui Jésus veut désormais confier la mission de prendre soin de toutes ses brebis, littéralement de les nourrir et de les faire paître, de les faire manger et de les protéger des dangers. Apparemment, Pierre a bien compris l’intention du Maître, car il écrira aux autres « pasteurs » de l’Église l’exhortation émouvante concernant le vrai soin du troupeau confié selon la pensée de Jésus, le « Pasteur Suprême » (lire 1 Pt 5,1-4). De plus, seul cet amour humble qui repose sur le plus grand Amour de Jésus pourra donner force, sagesse et courage au disciple pour témoigner du Christ, parler de cet Amour à tous, non pas avec arrogance, mais avec une humble fermeté d’« obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Act 5,29), comme Pierre l’a fait dans le passage des Actes des Apôtres d’aujourd’hui.

  1. « Suis-moi.» le dernier appel du Ressuscité

Il y a un véritable sens dans le fait que l’invitation de Jésus à Pierre ne retentisse qu’à la fin, après le renouveau de l’amour et la révélation de la mort de Pierre. (…) Qu’est-ce que cela signifie ?

Du point de vue spirituel, la vocation que Pierre a reçue dans le passé se renouvelle même après la résurrection, et cela toujours sous le signe de l’amour. Dans la communion avec le Christ ressuscité, aussi la vocation de Pierre renaît et entre dans une nouvelle dimension. Elle a été reconfirmée, renforcée, rectifiée, et tout cela en vue de la poursuite de la mission accomplie par le Christ. Ce sera aussi l’invitation du Christ ressuscité à tous ses disciples missionnaires d’aujourd’hui à renouveler, voire à refonder l’amour exclusif pour lui. En ce dimanche, comme tous les jours de ce temps de Pâques, il est nécessaire de rentrer véritablement dans une communion personnelle plus étroite avec Jésus ressuscité pour entendre dans son cœur sa voix qui appelle chaque disciple par son nom : « M’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? Suis-moi. »

PAPE FRANÇOIS, Exhortation apostolique post-synodale aux jeunes et à tout le peuple de Dieu : Il vit, le Christ !

  1. Amoureux du Christ, les jeunes sont appelés à témoigner de l’Evangile partout, par leur propre vie. (…) 176. La valeur du témoignage ne signifie pas que l’on doit faire taire la Parole. Pourquoi ne pas parler de Jésus, pourquoi ne pas dire aux autres qu’il donne la force de vivre, qu’il est bon de parler avec lui, que méditer ses paroles nous fait du bien ? Jeunes, ne permettez pas que le monde vous entraîne à partager seulement les choses mauvaises ou superficielles. Soyez capables d’aller à contre-courant et sachez partager Jésus, communiquez la foi qu’il vous a offerte. Si seulement vous pouviez sentir dans le cœur le même mouvement irrésistible qui agitait saint Paul quand il disait : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile » (1Co9, 16).

 

 

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