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« À vous d’en être les témoins »

« À vous d’en être les témoins »
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

3ÈME DIMANCHE DE PÂQUES (ANNÉE B)

Ac 3,13-15.17-19; Ps 4; 1Jn 2,1-5a; Lc 24,35-48

« À vous d’en être les témoins »

Le troisième dimanche de Pâques B nous invite à réfléchir sur l’épisode de l’apparition du Ressuscité aux Onze et aux autres disciples, qui se déroule juste après la rencontre du Christ avec les deux pèlerins sur la route d’Emmaüs. Trois aspects importants au moins émergent de la mission à laquelle les disciples sont appelés. Il s’agit de la présence consolatrice et éclairante du Christ, en dépit des doutes et de la confusion des disciples, du contenu fondamental de la prédication en son nom, et du rôle des disciples appelés à être témoins de tout « cela ». Nous nous arrêtons sur ces aspects, en reprenant quelques points de l’enseignement de l’Eglise, en particulier issus des deux messages du pape François pour la Journée mondiale des missions de 2002 et 2023 avec les thèmes respectifs « Vous serez mes témoins » et « Cœurs brûlants, pieds en chemin ».

  1. « Jésus lui-même fut présent au milieu d’eux ». La présence consolatrice et éclairante du Christ Ressuscité malgré la confusion et les doutes des disciples.

Tout comme sur le chemin d’Emmaüs, les disciples dans ce passage de l’Evangile étaient encore peureux, confus, tourmentés, en du coup, ils sont restés dubitatifs même face à Jésus qui « lui-même fut présent au milieu d’eux ». On retrouve ici, avec les Onze disciples et les autres disciples présents, la même expérience que celle des deux pèlerins d’Emmaüs : la présence du Ressuscité qui, avec patience et en dépit de toutes les réticences et doutes des disciples, leur offre la paix du cœur et la lumière de l’esprit pour comprendre le plan divin annoncé par l’Ecriture. À propos de cette expérience unique, regardons les commentaires du Pape pour la Journée mondiale des missions 2023 :

Comme au début de la vocation des disciples, encore maintenant au moment de leur égarement, le Seigneur prend l’initiative de s’approcher des siens et de marcher à leurs côtés. Dans sa grande miséricorde, Il ne se lasse pas de rester avec nous, malgré nos défauts, nos doutes, les faiblesses, malgré la tristesse et le pessimisme qui nous rendent « sans intelligence et lents à croire » (v. 25), des hommes de peu de foi.

Et:

Aujourd’hui, comme autrefois, le Seigneur ressuscité est proche de ses disciples missionnaires, et il marche à leurs côtés, surtout lorsqu’ils se sentent perdus, découragés, effrayés face au mystère d’iniquité qui les entoure et qui veut les étouffer. C’est pourquoi « ne nous laissons pas voler l’espérance » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 86). Le Seigneur est plus grand que nos problèmes, surtout lorsque nous les rencontrons dans l’annonce de l’Évangile au monde, car cette mission, après tout, est la sienne et nous ne sommes que ses humbles collaborateurs, des “serviteurs inutiles” (cf. Lc 17, 10).

Il s’agit de la présence certaine du Seigneur Ressuscité qui vainc toute peur et tout doute. Les disciples sont appelés à expérimenter cette présence, et même à « la toucher » et à entrer ainsi en communion étroite avec le Vivant qui mange avec eux. Une telle présence sera le trésor divin à soigner et à protéger jalousement de la part des disciples dans leur vie et dans leur mission chrétienne, surtout à l’heure des tempêtes. Avec une telle présence, le Seigneur Ressuscité continue à offrir aux siens « l’intelligence à la compréhension des Écritures » qui seules permettent, pour la Parole de Dieu expliquée par Jésus dans l’Esprit Saint, de comprendre l’histoire du monde selon le dessein divin. Rappelons-nous l’enseignement du Pape :

En effet, Jésus est la Parole vivante, qui seule peut enflammer, éclairer et transformer le cœur.

[…] Laissons-nous donc toujours accompagner par le Seigneur ressuscité qui nous explique le sens des Écritures. Laissons-le brûler nos cœurs, nous éclairer et nous transformer, afin que nous puissions annoncer au monde son mystère de salut avec la puissance et la sagesse qui viennent de son Esprit.

  1. « La conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations »

Après avoir ouvert l’esprit des disciples aux Ecritures sur la passion, la mort et la résurrection du Christ, le Ressuscité rappelle le contenu fondamental de la prédication universelle qui sera confiée aux siens : « la conversion… pour le pardon des péchés » à savoir « en son nom ». C’est pour cela que le même saint Pierre apôtre, à la fin de sa première prédication du jour de Pentecôte, a répondu à ceux qui lui demandaient ce qu’ils devaient faire : « Convertissez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour le pardon de ses péchés ; vous recevrez alors le don du Saint-Esprit » (Act 2,38). C’était ça le coeur de l’annonce que les premiers chrétiens transmettaient au monde à l’invitation de leur Seigneur et en son nom. Cet aspect de l’annonce explicite de la personne du Christ, Parole du Dieu vivant, qui est mort et ressuscité pour le pardon des péchés, restera essentiel dans la vie et la mission de chacun de ses disciples-missionnaires en tous temps. En cela, il faut appeler un passage de l’exhortation apostolique Verbum Domini du pape Benoît XVI qui, à son tour, reprend l’enseignement de l’Exhortation apostolique Evangeli nuntiandi de Pape Paul VI :

Notre responsabilité ne se limite pas à proposer au monde des valeurs communes ; il faut arriver à l’annonce explicite de la Parole de Dieu. C’est seulement ainsi que nous serons fidèles à la mission du Christ : « La Bonne Nouvelle, proclamée par le témoignage de la vie, devra donc être tôt ou tard proclamée par la Parole de vie. Il n’y a pas d’évangélisation vraie si le nom, l’enseignement, la vie, les promesses, le Règne, le mystère de Jésus de Nazareth, Fils de Dieu, ne sont pas annoncés » (Evangelii nuntiandi, 22). (Verbum domini, 98).

  1. « … À vous d’en être les témoins »

Finalement, après avoir montré aux disciples l’essence de leur annonce à tous les peuples, le Seigneur ressuscité souligne leur appel à être des témoins de tout cela, c’est-à-dire de tout le mystère de la vie, de la mort et de la résurrection du Christ, annoncés dans l’Écriture, comme lui-même a recommandé aux disciples avant l’Ascension : « Vous serez mes témoins » (Ac 1,8). Au-delà de l’insistance avec le sujet pluriel du caractère communautaire du témoignage rendu à Jésus, nous pouvons entrevoir ici un rappel subtil sur une vérité fondamentale que nous devons garder à l’esprit : l’annonce chrétienne va toujours de pair avec le témoignage de vie et vice-versa, le témoignage chrétien se révèle avec l’annonce. En d’autres termes, pour les disciples-missionnaires, annoncer le Christ, c’est vivre le Christ. À ce sujet, nous rappelons l’enseignement du pape François dans son message pour la Journée mondiale des missions 2022, sur le thème « Vous serez mes témoins » :

Enfin, en ce qui concerne le témoignage chrétien, l’observation de saint Paul VI reste toujours pertinente : « L’Homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou, s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins » (Evangelii nuntiandi, n. 41). Par conséquent, pour la transmission de la foi, le témoignage de la vie évangélique des chrétiens est fondamental. De même, la tâche de proclamer sa personne et son message reste tout aussi nécessaire. En effet, Paul VI lui-même poursuit : « Oui, elle est toujours indispensable, la prédication, cette proclamation verbale d’un message […] La parole reste toujours actuelle, surtout lorsqu’elle est porteuse de la puissance de Dieu. C’est pourquoi reste lui aussi d’actualité l’axiome de saint Paul : “La foi vient de ce qu’on entend” (Rm 10, 17) : c’est la Parole entendue qui conduit à croire » (ibid., n. 42).

Par conséquent, l’exemple de la vie chrétienne et l’annonce du Christ vont ensemble dans l’évangélisation. L’un sert l’autre. Ce sont les deux poumons avec lesquels toute communauté doit respirer pour être missionnaire. Ce témoignage complet, cohérent et joyeux du Christ sera certainement la force d’attraction pour la croissance de l’Église également au troisième millénaire. J’exhorte donc chacun à retrouver le courage, la franchise, cette parrhésie des premiers chrétiens, pour témoigner du Christ en paroles et en actes, dans tous les domaines de la vie.

Prions pour que le Seigneur ressuscité nous fasse toujours sentir sa douce présence parmi nous, qu’il nous renforce par son Esprit dans la foi et la compréhension des Écritures, pour vivre avec un zèle renouvelé notre vocation à être ses témoins, par l’exemple de nos vies et par l’annonce explicite du Christ, au milieu du peuple et jusqu’à la fin du monde.

Catéchisme de l’Église catholique

  1. Le pouvoir des clefs

981 Le Christ après sa résurrection a envoyé ses apôtres “annoncer à toutes les nations le repentir en son nom en vue de la rémission des péchés” (Lc 24, 47). Ce “ministère de la réconciliation” (2 Co 5, 18), les apôtres et leurs successeurs ne l’accomplissent pas seulement en annonçant aux hommes le pardon de Dieu mérité pour nous par le Christ et en les appelant à la conversion et à la foi, mais aussi en leur communicant la rémission des péchés par le Baptême et en les réconciliant avec Dieu et avec l’Église grâce au pouvoir des clefs reçu du Christ :

L’Église a reçu les clés du Royaume des cieux, afin que se fasse en elle la rémission des péchés par le sang du Christ et l’action du Saint-Esprit. C’est dans cette Église que l’âme revit, elle qui était morte par les péchés, afin de vivre avec le Christ, dont la grâce nous a sauvés (S. Augustin, serm. 214, 11 : PL 38, 1071-1072).

III. Les sacrements de la foi

1122 Le Christ a envoyé ses Apôtres afin que “ en son Nom, ils proclament à toutes les nations la conversion en vue de la rémission des péchés ” (Lc 24, 47). “ De toutes les nations faîtes des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ” (Mt 28, 19). La mission de baptiser, donc la mission sacramentelle, est impliquée dans la mission d’évangéliser, parce que le sacrement est préparé par la Parole de Dieu et par la foi qui est consentement à cette Parole : Le Peuple de Dieu est rassemblé d’abord par la Parole du Dieu vivant… La proclamation de la Parole est indispensable au ministère sacramentel, puisqu’il s’agit des sacrements de la foi et que celle-ci a besoin de la Parole pour naître et se nourrir (PO 4). 

Pape François, Regina caeli, dimanche, 18 avril 2021

En ce troisième dimanche de Pâques, nous revenons à Jérusalem, au Cénacle, comme guidés par les deux disciples d’Emmaüs, qui avaient écouté avec une grande émotion les paroles de Jésus le long du chemin et qui l’avaient reconnu «dans la fraction du pain» (Lc 24, 35). A présent, au Cénacle, Jésus ressuscité se présente au milieu du groupe des disciples et les salue en disant: «La paix soit avec vous!» (v. 36). Mais ces derniers sont effrayés et ils croient «voir un esprit» (v. 37), comme le dit l’Evangile. Alors Jésus leur montre les blessures de son corps et dit: «Voyez mes mains et mes pieds — les plaies —: c’est bien moi! Touchez-moi» (v. 39). Et pour les convaincre, il demande de la nourriture et il mange sous leurs yeux stupéfaits (cf. vv. 41-42).

Il y a un détail dans cette description: l’Evangile dit que les apôtres «dans leur joie, [ils] n’osaient pas encore y croire». La joie qu’ils ressentaient était telle qu’ils ne pouvaient pas croire que cela soit vrai. Et un deuxième détail: ils étaient stupéfaits, surpris, parce que la rencontre avec Dieu conduit toujours à l’émerveillement: elle va au-delà de l’enthousiasme, au-dela de la joie, c’est une autre expérience. Ils étaient joyeux, d’une joie qui leur faisait penser: «Non, cela ne peut pas être vrai!…». C’est l’émerveillement de la présence de Dieu. […]

Frères et sœurs, cette page évangélique nous dit que Jésus n’est pas un «esprit», mais une Personne vivante; que Jésus, quand il s’approche de nous, nous remplit de joie, au point de ne pas y croire, et qu’il nous laisse stupéfaits, de cet émerveillement que seule donne la présence de Dieu, parce que Jésus est une personne vivante. Etre chrétiens n’est pas tout d’abord une doctrine ou un idéal moral, c’est la relation vivante avec Lui, avec le Seigneur Ressuscité: nous le regardons, nous le touchons, nous nous nourrissons de Lui et, transformés par son Amour, nous regardons, nous touchons et nous nourrissons les autres comme des frères et des sœurs. 

Benoit XVI, Regina cæli, dimanche, 22 avril 2012

Étant donné que la résurrection n’efface pas les signes de la crucifixion, Jésus montre à ses apôtres ses mains et ses pieds. Et pour les convaincre, il demande même quelque chose à manger. Ainsi, les disciples « lui présentèrent un morceau de poisson grillé. Il le prit et le mangea devant eux » (Lc 24, 42-43). Saint Grégoire le Grand commente que « le poisson grillé au feu ne signifie pas autre chose que la passion de Jésus, Médiateur entre Dieu et les hommes. En effet, il a daigné se cacher dans les eaux du genre humain, acceptant d’être enserré dans le filet de notre mort et fut en quelque sorte soumis au feu par les douleurs subies au temps de la passion » (Hom. in Evang. XXIV, 5: ccl 141, Turnhout 1999, 201).

Grâce à ces signes très réalistes, les disciples surmontent leur doute initial et s’ouvrent au don de la foi ; et cette foi leur permet de comprendre les choses écrites sur le Christ « dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes » (Lc 24, 44). Nous lisons, en effet, que Jésus « leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Écritures, et il leur dit : “Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et qu’en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations (…) De cela vous êtes témoins » (Lc 24, 45-48). Le Sauveur nous assure de sa présence réelle parmi nous, au moyen de la Parole et de l’Eucharistie. De la même manière que les disciples d’Emmaüs reconnurent Jésus à la fraction du pain (cf. Lc 24, 35), ainsi nous aussi nous rencontrons le Seigneur dans la célébration eucharistique. Saint Thomas d’Aquin explique à ce sujet qu’« il faut absolument professer, selon la foi catholique, que le Christ tout entier est dans ce sacrement… Car la divinité n’a jamais abandonné le corps qu’elle a assumé dans l’Incarnation » (S.Th. III, q. 76, a. 1).

 

 

(Photo: Pexels.com / Mikhail Nilov)

 

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