« Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute création »
« Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute création »
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire
ASCENSION DU SEIGNEUR – SOLENNITÉ (ANNÉE B)
Ac 1,1-11; Ps 46; Ep 4,1-13; Mc 16,15-20
« Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute création »
La solennité de l’Ascension du Seigneur nous invite à réfléchir sur cet événement mystérieux et, dans son contexte, sur les toutes dernières paroles que le Christ ressuscité a laissées aux disciples avant de monter au Ciel, comme le rapportent les évangélistes. L’Évangile de cette année liturgique B nous invite à méditer sur l’épisode de l’ascension du Christ selon le récit de saint Marc, en particulier sur le “mandat missionnaire” du Seigneur ressuscité à ses disciples au moment de l’“adieu”.
- « Il fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu ». Le mystère de l’Ascension du Seigneur
Avec la phrase citée ci-dessus, saint Marc nous rapporte l’Ascension de Jésus, en la caractérisant comme s’élever au ciel et s’asseoir à la droite de Dieu. Saint Luc, auteur des Actes des Apôtres, a cherché à nous offrir une vision plus « pittoresque » de ce qui s’est passé, comme nous l’avons écouté dans la première lecture : « Après ces paroles, tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva et une nuée vint le soustraire à leurs yeux. » La nuée n’indique pas ici un lieu physique, mais le domaine transcendant de la divinité, conforme à la vision biblique judaïque (comme par exemple on voit la théophanie sur le mont Sinaï lorsque Dieu descend de la nuée). Il en ressort deux précisions sur le mystère de l’Ascension.
D’un côté, le fait que « la nuée vint le soustraire à leurs yeux » ne signifie pas que si quelqu’un avait la possibilité de voler au-dessus des nuages il trouverait forcément Jésus et Dieu. D’où la déclaration trompeuse et arrogante d’un astronaute athée disant ne pas avoir vu Dieu, une fois rendu au-dessus des nuages hors de l’orbite terrestre. Celui-ci ne sait rien de Dieu ni des Ecritures !
D’un autre côté, c’est l’image même de la nuée dans laquelle entre Jésus qui nous aide à comprendre le sens du mystère ; le Ressuscité est maintenant retourné définitivement dans la transcendance divine d’où il était descendu sur terre par le mystère de l’Incarnation. Ainsi, et de manière paradoxale, en s’éloignant physiquement des disciples à ce moment mystérieux, Jésus ressuscité dans sa divinité, « assis » maintenant à côté de Dieu, devient plus proche d’eux où qu’ils soient et où qu’ils aillent, parce que Dieu est partout, omniprésent. En d’autres termes, dans l’Ascension, le Seigneur Jésus pourra être présent, de manière mystérieuse mais bien réelle, avec chaque homme et chaque femme en tout point de la terre, de l’Occident jusqu’à l’Extrême Orient ! A cette fin, il est demandé aux disciples d’aller évangéliser là où en réalité leur Seigneur les a déjà précédés par sa présence mystique. Chaque nouveau lieu de la mission d’évangélisation devient une nouvelle Galilée où les disciples peuvent à nouveau rencontrer le Seigneur Ressuscité qui leur a effectivement promis de les « précéder » en Galilée après la résurrection et de les accompagner toujours avec sa force, lorsqu’ils cherchent à accomplir ses dernières paroles concernant l’envoi missionnaire.
- « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Evangile à toute créature” Une mission de proclamation universelle
Nous voici devant le “commandement missionnaire” du Seigneur, dans lequel chaque expression, voire chaque mot, doit être gravé dans le cœur de ses disciples. Devant la richesse et la profondeur de ce dernier message du Ressuscité, nous nous sentons incapables d’offrir un commentaire concis. Nous soulignons seulement cet impératif « Allez !» de la mission divine que le Pape François a souligné dans le message pour la Journée Missionnaire Mondiale de cette année 2024 ;
La mission est une sortie inlassable vers toute l’humanité pour l’inviter à la rencontre et à la communion avec Dieu. Inlassable ! Dieu, grand en amour et riche en miséricorde, est toujours en sortie vers tout homme pour l’appeler au bonheur de son Royaume, malgré l’indifférence ou le refus. De la même façon, Jésus-Christ, le bon pasteur et l’envoyé du Père, allait à la recherche des brebis perdues du peuple d’Israël et voulait aller plus loin pour rejoindre les brebis les plus éloignées (cf. Jn 10, 16). Il dit aux disciples “Allez !”, aussi bien avant qu’après sa résurrection, les impliquant dans sa mission (cf. Lc 10, 3 ; Mc 16, 15). C’est pourquoi l’Église continuera à se rendre au-delà de toutes frontières, à sortir sans cesse, sans se fatiguer ni se décourager face aux difficultés et aux obstacles, pour accomplir fidèlement la mission reçue du Seigneur.
Par ailleurs, pour approfondir le « mandat missionnaire », laissons-nous aider par l’analyse synthétique du Pape saint Jean Paul II, dans la Lettre Encyclique Redemptoris Missio (sur la validité permanente du mandat missionnaire), un document toujours d’actualité :
- Tous les évangélistes, quand ils font le récit de la rencontre du Ressuscité avec les Apôtres, concluent par l’envoi en mission : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples … Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 18-20 ; cf. Mc 16, 15-18 ; Lc 24, 46-49 ; Jn 20, 21-23). Cet envoi est un envoi dans l’Esprit, comme il apparaît clairement dans le texte de saint Jean. […]
- Les diverses formes de l’« envoi en mission» comportent des points communs et chacune a des traits caractéristiques ; mais deux éléments se retrouvent dans toutes les versions. D’abord, la dimension universelle de la tâche confiée aux Apôtres : « Toutes les nations » (Mt 28, 19) ; « dans le monde entier …, à toute la création » (Mc 16, 15) ; « toutes les nations » (Lc 24, 47) ; « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). En second lieu, l’assurance donnée par le Seigneur qu’ils ne resteront pas seuls pour accomplir cette tâche, mais qu’ils recevront la force et les moyens de remplir leur mission. Ainsi se manifestent la présence et la puissance de l’Esprit, de même que l’aide de Jésus : « Ils s’en allèrent prêcher en tout lieu, le Seigneur agissant avec eux » (Mc 16, 20).
En ce qui concerne les différences d’accent dans le précepte, Marc présente la mission comme proclamation ou kérygme : «Proclamez l’Evangile» (Mc 16, 15). Le but de l’évangéliste est de conduire les lecteurs à redire la profession de foi de Pierre : «Tu es le Christ» (Mc 8, 29) et à dire, comme le centurion romain devant Jésus mort sur la Croix : «Vraiment cet homme était Fils de Dieu» (Mc 15, 39).
[…] Ainsi les quatre Évangiles attestent un pluralisme dans l’unité fondamentale de la même mission qui reflète des expériences et des situations différentes dans les premières communautés chrétiennes ; c’est le fruit du dynamisme communiqué par l’Esprit lui-même ; cela invite à être attentif aux divers charismes missionnaires, ainsi qu’aux diverses conditions humaines et aux différents milieux. Tous les évangélistes soulignent cependant que la mission des disciples est une coopération à celle du Christ : « Voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). C’est pourquoi la mission ne s’appuie pas sur les capacités humaines, mais sur la puissance du Ressuscité.
- « Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient »
Cette dernière phrase du passage que nous avons écouté, et aussi de tout l’Evangile de Marc, confirme le début d’une nouvelle étape de l’évangélisation dans laquelle le Seigneur, désormais transcendant et invisible, agit de concert avec ses disciples. C’est Lui, avec son Esprit donné aux siens, qui reste l’acteur principal de la mission, mais les siens sont les « collaborateurs » visibles sur le terrain. A ce propos, les « signes » du Seigneur qui œuvre avec ses disciples (comme prendre le serpent en main sans dommage ou l’impuissance du poison) sont explicités par l’évangéliste Marc seulement pour l’exemple et comme il était rapporté dans les premières missions apostoliques dans les Actes des Apôtres. Ils ne sont pas pour autant généralisés comme des règles universelles éternelles pour tout missionnaire de tout temps. Ce qui est éternel c’est la nécessité absolue de la foi dans le salut, scellée par le baptême. Cela est souligné par l’évangéliste Marc dans la formulation positive (celui qui croira et sera baptisé sera sauvé) et négative (celui qui refusera de croire sera condamné), visiblement non pas pour condamner ou effrayer quelqu’un (cf. Jn 3, 15-17), mais simplement pour renforcer la pensée exposée de manière positive quant à l’invitation pressante de Dieu à la foi. Cette foi avec le baptême des nouveaux fils de l’Eglise est toujours un don de la grâce divine. Ça en soi sera aussi le plus grande signe de l’action du Seigneur pour la mission des siens, comme on le voit par exemple dans le cas de Lydie, la première baptisée sur le sol européen pendent la mission de saint Paul et de ses compagnons (cf. Ac 16, 11-15).
La Solennité de l’Ascension du Seigneur est donc toujours la Fête de l’envoi missionnaire des disciples du Christ. Avec gratitude pour la grande miséricorde et la confiance que le Ressuscité a eu et continue d’avoir pour nous, ses disciples-missionnaires, souvent tourmentés par tant de doutes, sentons-nous appelés à être toujours fidèles à ses paroles dans l’accomplissement de sa mission auprès de tous les peuples. Et que dans notre vie de disciples-missionnaires nous sachions toujours lever le regard vers le ciel où notre Maître-Seigneur est monté et où il règne maintenant avec « tout pouvoir […] au ciel et sur la terre », pour toujours puiser la force de Celui qui est Dieu-avec-nous « tous les jours jusqu’à la fin du monde ».
Catéchisme de l’Église Catholique
662 « Moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12, 32). L’élévation sur la Croix signifie et annonce l’élévation de l’Ascension au ciel. Elle en est le début. Jésus-Christ, l’unique Prêtre de l’Alliance nouvelle et éternelle, n’est pas « entré dans un sanctuaire fait de mains d’hommes (…) mais dans le ciel, afin de paraître maintenant à la face de Dieu en notre faveur » (He 7, 24). Au ciel le Christ exerce en permanence son sacerdoce, « étant toujours vivant pour intercéder en faveur de ceux qui par lui s’avancent vers Dieu » (He 9, 25). Comme « grand prêtre des biens à venir » (He 9, 11), il est le centre et l’acteur principal de la liturgie qui honore le Père dans les cieux (cf. Ap 4, 6-11).
665 L’ascension du Christ marque l’entrée définitive de l’humanité de Jésus dans le domaine céleste de Dieu d’où il reviendra (cf. Ac 1, 11), mais qui entre-temps le cache aux yeux des hommes (cf. Col 3, 3).
666 Jésus-Christ, tête de l’Église, nous précède dans le Royaume glorieux du Père pour que nous, membres de son corps, vivions dans l’espérance d’être un jour éternellement avec lui.
667 Jésus-Christ, étant entré une fois pour toutes dans le sanctuaire du ciel, intercède sans cesse pour nous comme le médiateur qui nous assure en permanence l’effusion de l’Esprit Saint.
(Photo: Pexels.com / Min An)
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