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Dans la tempête de la mission

Dans la tempête de la mission
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

12ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE B)

Jb 38,1.8-11; Ps 106; 2 Co 5,14-17; Mc 4,35-41

Dans la tempête de la mission

L’évangile d’aujourd’hui nous rappelle un épisode particulier dans la mission de Jésus avec ses disciples. Ce qui s’est passé dans ces circonstances devient une leçon emblématique pour chaque chrétien dans sa façon de vivre sa foi dans le Christ et à témoigner de cette foi même dans les situations extrêmes. La question de Jésus à ses disciples terrifiés par les vagues « anormales » de la mer, reste toujours valable pour ses disciples d’aujourd’hui : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? ». Il y a trois points particulièrement significatifs à souligner.

  1. « Passons sur l’autre rive ». Le contexte significatif de la mission de Jésus ouvert à l’autre horizon

Pour bien comprendre le sens de ce qui s’est passé, il est nécessaire de garder à l’esprit le contexte de l’épisode indiqué par l’évangéliste. Jésus a terminé son long enseignement en paraboles le long du rivage de la « mer » de Génésareth, dans la région de Capharnaüm, et « le soir venu », il a demandé à ses disciples de traverser en bateau jusqu’à l’autre rive. Leur destination se précise (Marc 5, 1) : « Ils arrivèrent sur l’autre rive, de l’autre côté de la mer de Galilée, dans le pays des Géraséniens », c’est-à-dire sur le territoire des païens, non-Israélites. La décision de Jésus montre donc sa volonté de pousser la mission même au-delà de la zone habitée par ses frères israélites, ouvrant ainsi pour la première fois une incursion missionnaire vers « l’autre rive ». Même s’il n’est mentionné qu’en passant, le contexte de l’ouverture missionnaire s’avère très suggestif, car il poursuit la perspective d’une mission allant toujours plus loin, que Jésus lui-même avait déjà exprimée précédemment, lorsque ses disciples voulaient qu’il revienne et ne reste que dans Capharnaüm : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti » (Mc 1,38). Et maintenant ça se comprend que par « villages voisins », il entendait non seulement ces israélites mais aussi les païens de l’autre rive ! La mission de Jésus avec ses disciples est toujours ouverte à de nouveaux horizons. À tel point que Jésus ressuscité recommandera solennellement à ses disciples d’aller dans le monde entier et d’être ses témoins jusqu’aux extrémités de la terre.

À cet égard, il convient de rappeler l’enseignement du pape François dans le Message pour la Journée mondiale des missions 2024, sur le thème Allez et invitez tout le monde à la noce (cf. Mt 22, 9) :

La Mission est une sortie inlassable vers toute l’Humanité pour l’inviter à la rencontre et à la communion avec Dieu. Inlassable ! Dieu, grand en amour et riche en miséricorde, est toujours en sortie vers tout homme pour l’appeler au bonheur de son Royaume, malgré l’indifférence ou le refus. De la même façon, Jésus-Christ, le bon pasteur et l’envoyé du Père, allait à la recherche des brebis perdues du peuple d’Israël et voulait aller plus loin pour rejoindre les brebis les plus éloignées (cf. Jn 10, 16). Il dit aux disciples “Allez !”, aussi bien avant qu’après sa résurrection, les impliquant dans sa mission (cf. Lc 10, 3 ; Mc 16, 15). C’est pourquoi l’Église continuera à se rendre au-delà de toutes frontières, à sortir sans cesse, sans se fatiguer ni se décourager face aux difficultés et aux obstacles, pour accomplir fidèlement la mission reçue du Seigneur.

Il convient de rappeler ici, la pensée du Pape à cet égard dans son Message pour la Journée mondiale des missions 2022:

L’indication « jusqu’aux extrémités de la Terre » interpellera les disciples de Jésus à toutes les époques et les poussera à aller au-delà des lieux habituels pour lui rendre témoignage. Malgré toutes les facilités dues aux progrès de la modernité, il existe encore aujourd’hui des zones géographiques où les missionnaires témoins du Christ ne sont pas encore arrivés avec la Bonne Nouvelle de son amour. D’autre part, aucune réalité humaine ne devrait être étrangère à l’attention des disciples du Christ dans leur mission. L’Église du Christ a été, est et sera toujours “en sortie” vers de nouveaux horizons géographiques, sociaux et existentiels, vers des lieux et des situations humaines “limites”, afin de témoigner du Christ et de son amour à tous les hommes et toutes les femmes de tout peuple, de toute culture et de tout statut social.

  1. « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Un avertissement important sur le chemin avec Jésus

Justement dans le contexte d’une incursion missionnaire vers un nouvel horizon on assiste à une scène particulière : une tempête « parfaite » qui terrifie les disciples (« Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait »). Comment se fait-il que Pierre, Andrée et leurs compagnons, pêcheurs experts de ce grand lac appelé la « mer », aient eu si peur d’un phénomène qui s’y produisait souvent ? La peur de ces “experts” était vraiment énorme au point de réveiller le Maître endormi avec un reproche inédit : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Peut-être parce qu’il s’agissait d’une tempête inhabituelle, bien plus importante que toutes celles qu’ils avaient rencontrées auparavant dans cette mer ? Il se peut, mais il y avait aussi une autre cause. La trajectoire entreprise vers une destination où eux-mêmes ne se rendaient pas souvent les a rendus peut-être encore plus incertains face aux vagues et au vent auxquels ils étaient de toute façon habitués à affronter dans « leurs » eaux. Leur peur vient du cœur, du peu de foi en Jésus et du doute que Sa présence sauve, mais aussi de cet instinct humain face à toute réalité inconnue.

De ce point de vue, l’avertissement de Jésus sur la nécessité de la foi pour vaincre la peur acquiert une double dimension. D’abord, les paroles adressées aux disciples à ce moment-là : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? », servent pour les exhorter à renforcer la vraie foi au Christ dans l’adversité, en particulier dans nos situations critiques où Il nous semble « dormir ». Jésus est toujours la toute-puissance de Dieu en action qui a dominé le vent et la mer, emblème du mal, avec le même commandement qu’il avait adressé au démon dans la synagogue de Capharnaüm : « Tais-toi ! ». Deuxièmement, on peut aussi entrevoir dans cet avertissement l’exhortation à reprendre courage pour poursuivre la mission avec Jésus vers le nouvel horizon qu’Il avait demandé et indiqué. A tel point que Jésus répétera aussi en d’autres circonstances son exhortation cordiale aux disciples à ne pas craindre et à avoir courage, notamment avant sa passion, l’heure des ténèbres : « Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde » (Jn 16,33).

  1. « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » Le chemin vers la vraie crainte (de Dieu) qui chasse la peur

Ainsi, la question « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » que les disciples se firent l’un à l’autre à la fin de l’épisode devint une invitation à tous les chrétiens à avoir la sagesse de connaître et de reconnaître Jésus comme le Seigneur qui, avec la puissance de Dieu, domine sur tout et sur tous. Il est intéressant de noter que, comme le souligne l’évangile, les disciples se posèrent cette question, alors qu’ils étaient « saisis d’une grande crainte » en raison de l’événement survenu et surtout devant la personne de Jésus, auteur du miracle. Par un jeu de mots, l’évangéliste semble décrire ici une transformation intérieure chez les disciples : ils ont eu peur face à la tempête, et maintenant cette peur a disparu, laissant place à une attitude de crainte avec étonnement et révérence envers Celui qui s’est révélé maître de la mer comme Dieu Tout-Puissant.

Dans le chemin de la vie et de la mission des disciples, il sera lui, le seul Seigneur à craindre ensemble avec Dieu, et c’est cela la vraie crainte qui contraste avec toute peur devant les choses et les hommes. Il faut donc pour cela avoir ce regard de sagesse, comme le Christ lui-même l’enseignera clairement plus tard: « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps » (Mt 10,28). C’est-à-dire, craignez seulement Dieu, le véritable et Tout-Puissant. Cette crainte va de pair avec la foi et la confiance en Dieu, comme Jésus l’a précisé à la même occasion (cf. Mt 10,29-31). Celui-ci, manifesté dans la relation de révérence et de confiance avec Lui, garantit la vie et chasse toute autre peur, comme l’exprime le Ps 55,4-5: « Le jour où j’ai peur, je prends appui sur toi. Sur Dieu dont j’exalte la parole, sur Dieu, je prends appui : plus rien ne me fait peur ! Que peuvent sur moi des êtres de chair ? ».

Prions (prière de Collecte alternative dans le Missel italien pour le XIIe Dimanche, année B) :

Affermis la foi du peuple chrétien, ô Seigneur, afin que nous ne nous exaltions pas dans le succès, que nous ne nous découragions pas dans les tempêtes, mais que dans chaque événement nous reconnaissons que tu es présent et que tu nous accompagnes sur le chemin de notre histoire et de notre mission d’être tes témoins. Toi qui vis et règnes dans les siècles des siècles. Amen. 

Pape François, audience générale, Salle Paul VI, mercredi 1er mai 2024

Catéchèse – Les vices et les vertus – 17. La foi

[…] En parlant de foi, un épisode de l’Évangile me vient à l’esprit. Les disciples de Jésus traversent le lac et sont pris dans une tempête. Ils pensent s’en sortir à la force de leurs bras, avec les ressources de l’expérience, mais la barque commence à se remplir d’eau et ils sont pris de panique (cf. Mc 4, 35-41). Ils ne se rendent pas compte qu’ils ont la solution sous les yeux : Jésus est là, avec eux, dans la barque, au milieu de la tempête, et il dort. Lorsqu’ils le réveillent enfin, effrayés et même en colère parce qu’il les a laissés mourir, Jésus les réprimande : “Pourquoi avez-vous peur ? N’avez-vous pas encore la foi ?” (Mc4,40).

Voilà donc le grand ennemi de la foi : non pas l’intelligence, non pas la raison, comme certains continuent hélas à le répéter de manière obsessionnelle, mais simplement la peur. C’est pourquoi la foi est le premier don à accueillir dans la vie chrétienne : un don qu’il faut accueillir et demander chaque jour, pour qu’il se renouvelle en nous. […]

Certes, comme le dit l’Apôtre, la foi n’est pas l’apanage de tous (cf. 2 Th 3,2), et même nous, qui sommes croyants, nous nous rendons souvent compte que nous n’en avons qu’une petite parcelle. Jésus peut souvent nous reprocher, comme à ses disciples, d’être des “hommes de peu de foi”. Mais c’est le don le plus heureux, la seule vertu qu’il nous est permis d’envier. Car celui qui a la foi est habité par une force qui n’est pas seulement humaine ; en effet, la foi “ fait jaillir “ en nous la grâce et ouvre l’esprit au mystère de Dieu. Comme l’a dit Jésus : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi. » (Lc 17,6). C’est pourquoi nous aussi, comme les disciples, nous lui répétons : « Seigneur, augmente en nous la foi ! »! (cf. Lc 17, 5).

Pape François, Moment extraordinaire de prière en temps d’épidémie, parvis de la basilique Saint-Pierre, vendredi 27 mars 2020

[…]Il est facile de nous retrouver dans ce récit. Ce qui est difficile, c’est de comprendre le comportement de Jésus. Alors que les disciples sont naturellement inquiets et désespérés, il est à l’arrière, à l’endroit de la barque qui coulera en premier. Et que fait-il ? Malgré tout le bruit, il dort serein, confiant dans le Père – c’est la seule fois où, dans l’Evangile, nous voyons Jésus dormir –. Puis, quand il est réveillé, après avoir calmé le vent et les eaux, il s’adresse aux disciples sur un ton de reproche : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » (v. 40).

Cherchons à comprendre. En quoi consiste le manque de foi de la part des disciples, qui s’oppose à la confiance de Jésus ? Ils n’avaient pas cessé de croire en lui. En effet, ils l’invoquent. Mais voyons comment ils l’invoquent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » (v. 38). Cela ne te fait rien : ils pensent que Jésus se désintéresse d’eux, qu’il ne se soucie pas d’eux. […]

Le Seigneur nous interpelle et, au milieu de notre tempête, il nous invite à réveiller puis à activer la solidarité et l’espérance capables de donner stabilité, soutien et sens en ces heures où tout semble faire naufrage. Le Seigneur se réveille pour réveiller et raviver notre foi pascale. Nous avons une ancre : par sa croix, nous avons été sauvés. Nous avons un gouvernail : par sa croix, nous avons été rachetés. Nous avons une espérance : par sa croix, nous avons été rénovés et embrassés afin que rien ni personne ne nous sépare de son amour rédempteur.

Pape François, Angélus, dimanche, 20 juin 2021

[…] Dans ces situations et dans tant d’autres, nous nous sentons nous aussi étouffés par la peur et, comme les disciples, nous risquons de perdre de vue la chose la plus importante. Sur la barque, en effet, même s’il dort, il y a Jésus, et il partage avec les siens tout ce qui est en train de se passer. Si d’un côté son sommeil nous étonne, de l’autre, il nous met à l’épreuve. Le Seigneur est là, présent; en effet, il attend – pour ainsi dire – que ce soit nous qui l’impliquions, qui l’invoquions, qui le mettions au centre de ce que nous vivons. Son sommeil nous pousse à nous réveiller. Parce que, pour être des disciples de Jésus, il ne suffit pas de croire que Dieu est là, qu’il existe, mais il faut se mettre en jeu avec Lui, il faut aussi élever la voix avec Lui. Entendez bien cela: il faut crier vers Lui. La prière, bien souvent, est un cri: “Seigneur, sauve-moi!”. […]

Il le souhaite, il veut que nous nous accrochions à Lui pour trouver un abri contre les tempêtes de la vie. L’Evangile raconte que les disciples s’approchent de Jésus, le réveillent et lui parlent (cf. v. 38). C’est le commencement de notre foi: reconnaître que tout seuls nous ne sommes pas en mesure de rester à flot, que nous avons besoin de Jésus comme les marins des étoiles, pour trouver la route. La foi commence par le fait de croire que nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes, par le fait de sentir quenous avons besoin de Dieu. Quand nous dépassons la tentation de nous renfermer en nous-mêmes, quand nous dépassons la fausse religiosité qui ne veut pas déranger Dieu, quand nous crions vers Lui, Il peut faire en nous des merveilles. C’est la force humble et extraordinaire de la prière, qui accomplit des miracles. […]

 

 

(Photo: Pexels.com /Raychel Sanner)

 

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