Jeudi saint: la dernière volonté de Jésus
Jeudi saint: la dernière volonté de Jésus
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire
JEUDI SAINT « LA SAINTE CÈNE »
Ex 12,1-8.11-14; Ps 115; 1Co 11,23-26; Jn 13,1-15
La coupe de bénédiction est communion au sang du Christ
La célébration liturgique de la Semaine sainte et du Triduum n’est pas un simple rappel de ce qui s’est déroulé dans le passé, mais une mise en œuvre du mystère de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus pour nous dans le présent. Nous sommes invités à revivre ces événements, à y participer davantage, à mourir à nous-mêmes pour une nouvelle vie dans le Christ et en Dieu. Il sera donc essentiel d’écouter de façon attentive et docile la Parole de Dieu qui nous parle abondamment dans les lectures mais aussi dans les différentes prières liturgiques. De plus, une attitude de recueillement personnel et de méditation sur ce qui a été entendu est nécessaire pour entrer dans la profondeur du mystère célébré.
La richesse spirituelle de la Passion de Jésus est immense pour la vie et la mission chrétiennes. Ce que je partage ne sera que quelques flashs/notes introductives pour inviter chaque auditeur/lecteur à un approfondissement et une réflexion personnelle. Mon intention sera simplement de laisser parler Jésus avec ses paroles et ses actions qui devraient être chères à chacun de ses disciples.
Ceci dit, j’expose humblement quelques réflexions sur la dernière volonté, sur la dernière parole et sur la dernière action de Jésus car elles m’ont particulièrement frappées.
La dernière volonté de Jésus
En ce jour saint, nous entrons dans le mystère de l’institution de l’Eucharistie avec en mémoire ce que nous avons entendu dans la lecture de la Passion de Jésus lors du dimanche des Rameaux. Dans le récit de saint Luc l’Évangéliste ressort un détail qui nous fait entrevoir le sentiment particulier de Jésus au début de la Sainte Cène. Il dit à ses disciples :« J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! Car je vous le déclare : jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle soit pleinement accomplie dans le royaume de Dieu » (Lc 22,15-16). Voici son dernier souhait avant la mort, exprimé dans une structure grammaticale particulière de redondance dans le grec original : epithymia epethymêsa (« J’ai désiré le désir »). Cette construction reflète en fait la façon de parler hébreu/araméen pour souligner un très fort désir du cœur : j’ai désiré ardemment.
La phrase de Jésus, dans son style, fait écho à la déclaration qu’il a lui-même faite au cours de son ministère public : « Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! » (Lc 12,50). Ici aussi, nous voyons l’esprit et le cœur de Jésus tous orientés vers sa passion et sa mort comme point culminant de sa mission, cette « heure » où il sera baptisé / immergé dans le sang et boira la coupe du Père. Ce désir ardent de Jésus de « manger » la Pâque avec ses disciples vient de son grand zèle à accomplir fidèlement la mission que Dieu lui a confiée. D’autre part, ce désir contient toute l’importance de l’événement, qui est intrinsèquement lié au moment de la Croix, parce que dans ce repas, Jésus établira une fois pour toutes l’Eucharistie, le rite de la Nouvelle Alliance dans son sang (cf. 1 Co 11, 26). C’est donc aussi son grand désir que ses « apôtres » participent à sa mission et à sa passion.
Tout est plongé dans la perspective de la réalisation du royaume de Dieu. Jésus déclare en effet solennellement : « jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle soit pleinement accomplie dans le royaume de Dieu » (Lc 22,16) et ensuite : « jamais plus je ne boirai du fruit de la vigne jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu » (Lc 22,18). Ces déclarations sont mystérieuses à certains égards, mais elles sonnent comme un serment solennel d’une personne consacrée à Dieu faisant vœu d’accomplir une action sacrée (cf. Nb 6,2-4). Jésus, le consacré de Dieu, fera tout, ou plutôt, il fera l’acte suprême, se sacrifiant, pour l’avènement du royaume de Dieu.
Les disciples avaient-ils compris ou perçu ce sentiment fort de leur Maître ainsi que son zèle ? Et nous, ses disciples modernes, aujourd’hui comme à chaque fois que nous sommes à l’Eucharistie, ressentons-nous ce désir ardent de Jésus de manger cette Pâque avec nous ? Il veut encore, mystiquement mais toujours ardemment, faire ce repas de Pâques avec ses disciples afin de partager à nouveau avec chacun d’eux tout de lui-même, corps, sang, vie, passion, mission. Ressentir ce désir de Jésus sera certainement fondamental pour que chacun de ses disciples continue sa même mission avec le même zèle que le sien pour accomplir malgré tout la volonté du Père. « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1Cor 11, 26).
Homélie de saint Grégoire de Nazianze pour la Pâque (Oratio 45, 23-24; PG 36, 654-655)
Nous allons participer à la Pâque. Cette participation sera, maintenant encore, en figure, par le sacrement. Toutefois, ce sacrement sera plus parlant que dans la loi ancienne, car le banquet pascal, j’ose le dire, était alors très obscur : c’était une préfiguration. Mais bientôt, la Pâque sera plus parfaite et plus pure, car le Verbe y boira avec nous le vin nouveau dans le Royaume de son Père. Alors, en effet, Il nous révélera et nous enseignera ce qu’il nous a montré jusqu’ici de façon restreinte. Car elle est toujours nouvelle, la Pâque que nous pouvons connaître aujourd’hui.
[…] Offrons en sacrifice, non pas de jeunes taureaux ni des agneaux portant cornes et sabots – offrandes mortes et insensibles – ; offrons à Dieu un sacrifice de louange sur l’autel céleste, en union avec les chœurs du ciel. Ce que je vais dire va plus loin : c’est nous-mêmes que nous devons offrir à Dieu en sacrifice ; offrons-lui chaque jour toute notre activité. Acceptons tout pour le Christ ; par nos souffrances, imitons sa passion ; par notre sang honorons son sang ; montons vers la croix avec ferveur.
Si tu es Simon de Cyrène, prends la croix et suis-le. Si tu es crucifié avec lui, comme le malfaiteur, reconnais, comme cet homme juste, qu’il est Dieu. Si lui-même a été compté parmi les pécheurs à cause de toi et de ton péché, toi, deviens un homme juste à cause de lui. En te crucifiant, adore celui qui a été crucifié à cause de toi, et tire quelque profit de ta méchanceté même ; achète le salut au prix de la mort ; entre au Paradis avec Jésus, pour comprendre de quels biens tu étais exclu. Contemple les merveilles qui sont là, et laisse mourir au-dehors, avec ses blasphèmes, celui qui l’injuriait.
Si tu es Joseph d’Arimathie, réclame le corps à celui qui l’a fait mettre en croix ; que ton souci soit le rachat du monde.
Si tu es Nicodème, cet adorateur nocturne de Dieu, mets-le au tombeau avec les parfums.
Si tu es une des saintes femmes, l’une ou l’autre Marie, si tu es Salomé ou Jeanne, va le pleurer de grand matin. Sois la première à voir la pierre enlevée, à voir peut-être les anges, et Jésus lui-même.
(Photo: Pexelx.com / Eyüp Belen)
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