La mission de la Trinité

1^er DIMANCHE APRÈS LA PENTECÔTE (ANNÉE B)

SOLENNITÉ DE LA SAINTE TRINITÉ

Dt 4,32-34.39-40; Ps 32; Rm 8,14-17; Mt 28,16-20

La mission de la Trinité

La solennité de la Sainte Trinité est célébrée le dimanche qui suit celui de la Pentecôte, c’est-à-dire après la célébration de l’effusion de l’Esprit Saint. Cette séquence est due au fait que, comme nous l’enseigne le Catéchisme de l’Église catholique, « L’envoi de la personne de l’Esprit après la glorification de Jésus (cf. Jn 7, 39) révèle en plénitude le mystère de la Sainte Trinité » (Catéchisme de l’Église Catholique 244). C’est le « mystère central de la foi et de la vie chrétienne », comme nous le rappelle le Catéchisme, qui poursuit à cet égard : « Il est le mystère de Dieu en Lui-même. Il est donc la source de tous les autres mystères de la foi ; il est la lumière qui les illumine. Il est l’enseignement le plus fondamental et essentiel dans la “ hiérarchie des vérités de foi ” (DCG 43). “ Toute l’histoire du salut n’est autre que l’histoire de la voie et des moyens par lesquels le Dieu vrai et unique, Père, Fils et Saint-Esprit, se révèle, se réconcilie et s’unit les hommes qui se détournent du péché ” (DCG 47) » (Catéchisme de l’Église Catholique 234).

La Sainte Trinité est donc le mystère des mystères et, en tant que mystère de Dieu, elle reste toujours insondable malgré les efforts humains. Par conséquent, la solennité d’aujourd’hui offre l’occasion non pas tant de tout expliquer sur le mystère de la Trinité, mais de nous inviter, nous, chrétiens, à contempler plus profondément la vie du Dieu un et trine dans lequel nous immergeons notre vie.

1. Un mystère divinement révélé, mais humainement inaccessible

Quand on parle de la Trinité, il faut bien souligner qu’il s’agit d’un mystère inaccessible à l’esprit humain, et révélé seulement à la fin des temps par la mission de Jésus et de l’Esprit. En un mot, nous croyons au Dieu trinitaire, Père, Fils, Saint-Esprit, non pas grâce à un raisonnement humain qui nous convainc et nous fait “comprendre” cette réalité complexe, mais uniquement et exclusivement sur la base de la révélation de Jésus-Christ, transmis par les apôtres sous l’action de l’Esprit Saint.

Voici ce qui est noté dans l’enseignement du Catéchisme à cet égard :

La Trinité est un mystère de foi au sens strict, un des “ mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s’ils ne sont révélés d’en haut ” (Cc. Vatican I : DS 3015). Dieu certes a laissé des traces de son être trinitaire dans son œuvre de Création et dans sa Révélation au cours de l’Ancien Testament. Mais l’intimité de Son Être comme Trinité Sainte constitue un mystère inaccessible à la seule raison et même à la foi d’Israël avant l’Incarnation du Fils de Dieu et la mission du Saint Esprit (Catéchisme de l’Église Catholique 237).

Ainsi, pour expliquer le mystère de la Trinité, tout raisonnement, image ou métaphore terrestre (comme les trois états de l’eau, les trois actions du rayon de lumière…) ne sera jamais satisfaisant, même s’il peut nous aider « comprendre » quelque chose. Le seul fondement sûr reste l’ensemble des paroles et des actes faisant autorité de Jésus-Christ dans les Évangiles transmis dans l’Église, sous la conduite de l’Esprit Saint. Nous croyons en la Trinité parce que nous croyons en Jésus-Christ qui appelle Dieu le Père, qui s’appelle le Fils et qui révèle le Saint-Esprit. Pour cela le pape François a réitéré avec autorité et simplicité dans un de ses enseignements : « C’est un mystère que Jésus Christ nous a révélé : la Sainte Trinité » (Pape François, Angélus, Place Saint Pierre, Solennité de la Très Sainte Trinité – Dimanche 30 mai 2021).

A cet égard, il est toujours utile de rappeler l’histoire (légendaire) de Saint Augustin, Docteur de l’Eglise, qui en son temps tenta de comprendre le mystère de la Trinité (Il laissa alors à la postérité un grand traité De Trinitate de 15 volumes sur Trinité !). Alors qu’il était occupé à méditer là-dessus, marchant le long du bord de la mer, il vit soudain un enfant jouer sur la plage. Le garçon avait l’intention de prendre de l’eau de mer avec un coquillage et de la verser dans un trou qu’il avait creusé dans le sable. Le Saint lui demanda curieusement : « Que fais-tu ? » Et la réponse fut : « Je veux remplir ce trou avec toute l’eau de la mer ». Et saint Augustin dit en riant : « Mon cher enfant, ne vois-tu pas comme la mer est grande et comme ton trou est petit ? Comment peux-tu penser y faire entrer toute l’eau de mer ? » A ce moment, l’enfant devint un ange et dit à Augustin : « Alors toi… comment peux-tu mettre dans ta petite tête l’infinie grandeur du mystère trinitaire ? »

2. La mission de la Trinité pour l’humanité

Le mystère de la Trinité devra être de plus en plus expérimenté et vécu pour grandir constamment dans sa compréhension. En réalité, le Dieu trinitaire révèle sa vie intérieure par son action, sa mission, dans l’histoire de l’humanité, comme l’exprime la prière de la Collecte : « Ô Dieu le Père, qui as envoyé ton Fils, Verbe dans le monde de la vérité, et l’Esprit sanctifiant pour révéler aux hommes le mystère ineffable de votre vie ». De là, nous pouvons voir clairement le processus de la révélation trinitaire précisément dans l’envoi, c’est-à-dire dans la « mission », du Fils et de l’Esprit, et cela sert non seulement à faire connaître quelque chose de la vie divine, mais aussi et surtout donner la plénitude d’une telle vie à tous ceux qui ouvrent leur cœur pour la recevoir. Autrement dit, Dieu se révèle dans sa mission pour le salut et le bonheur de l’homme, de la création à la fin du monde.

Ainsi, dans la plénitude des temps, la mission de Dieu le Père est concrètement réalisée par Jésus-Christ, le même Fils de Dieu, et cette mission du Père et du Fils est ensuite poursuivie dans le temps par l’Esprit Saint. Ainsi émerge dans l’histoire la chaîne de la mission divine, missio Dei – missio Christi / Filii – missio Spiritus Sancti. Cependant, cette chaîne ne sert qu’à indiquer les différentes périodes historiques avant et après la vie terrestre du Christ, Fils et Verbe incarné du Père, car la mission divine pour le salut de l’homme a été, est et sera toujours réalisée conjointement par toutes les personnes de la Trinité : Père, Fils, Saint-Esprit, dans une parfaite unité divine. Par conséquent, pour utiliser un jeu de mots en italien (et aussi en français !), le mystère de la Trinité est le mystère du Dieu un et trine qui « se plie/mette en quatre » pour amener l’humanité au salut et au bonheur divins ! (« il se plie/mette en quatre » est « si fa in quattro » en italien). Cela se voyait déjà, de manière mystérieuse, dans les récits de la création de l’Ancien Testament avec la présence de la Sagesse divine à côté de Dieu le Créateur (Pr 8,22-31) ainsi qu’avec la référence à l’action de l’Esprit de Dieu (cf. Gn 1,2 ; Ps 104,30). Jésus lui-même a affirmé que le Père agit toujours et lui aussi (cf. Jn 5,17), et l’icône biblique emblématique de la « coopération trinitaire » dans la mission divine pour l’humanité reste la scène du baptême de Jésus sur le Jourdain.

La mission constante du Dieu trinitaire pour l’homme s’accomplit par et dans l’amour, comme révélé avec et en Jésus, Fils de Dieu, qui déclare : « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3,16 ; Évangile d’aujourd’hui). Il ne peut en être autrement, car « Dieu est amour » (1 Jn 4,8.16), et cela signifie, comme le pape François nous l’a récemment expliqué, « Le Père est amour, le Fils est amour, l’Esprit Saint est amour » (Pape François, Angélus, Place Saint Pierre, Solennité de la Très Sainte Trinité – Dimanche 30 mai 2021). C’est précisément dans cet amour trinitaire que les disciples du Christ sont envoyés pour enseigner et baptiser tous les peuples, c’est-à-dire pour les immerger dans la vie de la Trinité divine (cf. Mt 28, 19).

3. Notre mission dans la Trinité

Comme nous le révèle la Parole de Dieu dans l’Écriture, nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-27), de ce Dieu qui plus tard s’est révélé un et trine, « Trinité parfaite et très simple Unité » (expression de saint François d’Assise) de communion et d’amour divin. « Car c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être », comme le rappelle saint Paul dans son discours missionnaire à Athènes (Ac 17,28). De plus, en tant que chrétiens, nous sommes tous déjà immergés dans la Trinité dans le baptême, et ainsi nous restons immergés dans la vie divine, cette vie éternelle de Dieu un et trine. Ainsi, nous sommes appelés à vivre en plénitude la vie donnée, en faisant l’expérience de sa présence en nous et en connaissant ainsi de plus en plus l’amour abondant pour nous des trois Personnes divines : Père, Fils et Saint-Esprit. Comme le souligne Jésus dans sa prière au Père avant la passion : « Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17,3). Ce sera notre mission dans la Trinité, la mission que nous vivons d’abord pour nous-mêmes, afin de pouvoir témoigner et partager avec les autres la grâce de la vie divine en communion avec le Dieu un et trine qui nous a tant aimés et qui continue de « se mettre en quatre », de s’engager totalement, pour sauver ne serait-ce qu’un seul homme.

Catéchisme de l’Église Catholique

813 L’Église est une de par sa source : “ De ce mystère, le modèle suprême et le principe est dans la trinité des personnes l’unité d’un seul Dieu Père, et Fils, en ‘l’Esprit Saint ” (UR 2). L’Église est une de par son Fondateur : “ Car le Fils incarné en personne a réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa Croix, rétablissant l’unité de tous en un seul Peuple et un seul Corps ” (GS 78, §3). L’Église est une de par son “ âme ” : “ L’Esprit Saint qui habite dans les croyants, qui remplit et régit toute l’Église, réalise cette admirable communion des fidèles et les unit tous si intimement dans le Christ, qu’il est le principe de l’Unité de l’Église ” (UR 2). Il est donc de l’essence même de l’Église d’être une :

Quel étonnant mystère ! Il y a un seul Père de l’univers, un seul Logos de l’univers et aussi un seul Esprit Saint, partout identique ; il y a aussi une seule vierge devenue mère, et j’aime l’appeler l’Église (S. Clément d’Alexandrie, pæd. 1, 6).

849 Le mandat missionnaire. “ Envoyée par Dieu aux nations pour être le sacrement universel du salut, l’Église, en vertu des exigences intimes de sa propre catholicité et obéissant au commandement de son fondateur est tendue de tout son effort vers la prédication de l’Évangile à tous les hommes ” (AG 1) : “ Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde ” (Mt 28, 19-20).

850 L’origine et le but de la mission. Le mandat missionnaire du Seigneur a sa source ultime dans l’amour éternel de la Très Sainte Trinité : “ De par sa nature, l’Église, durant son pèlerinage sur terre, est missionnaire, puisqu’elle-même tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père ” (AG 2). Et but dernier de la mission n’est autre que de faire participer les hommes à la communion qui existe entre le Père et le Fils dans leur Esprit d’amour (cf. Jean-Paul II, RM 23).

Conc. Vat. II, Constitution dogmatique sur l’Église, Lumen Gentium, 21 novembre 1964

Le caractère missionnaire de l’Église

17. En effet tout comme il a été envoyé par le Père, le Fils lui-même a envoyé ses Apôtres (cf. Jn 20, 21) en disant : « Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des temps » (Mt 28, 19-20). Ce solennel commandement du Christ d’annoncer la vérité du salut, l’Église l’a reçu des Apôtres pour en poursuivre l’accomplissement jusqu’aux extrémités de la terre (cf. Ac 1, 8). C’est pourquoi elle fait siennes les paroles de l’Apôtre : « Malheur à moi si je ne prêchais pas l’Évangile » (1 Co 9, 16) : elle continue donc inlassablement à envoyer les hérauts de l’Évangile jusqu’à ce que les jeunes Églises soient pleinement établies et en état de poursuivre elles aussi l’œuvre de l’évangélisation. L’Esprit Saint la pousse à coopérer à la réalisation totale du dessein de Dieu qui a fait du Christ le principe du salut pour le monde tout entier. En prêchant l’Évangile, l’Église dispose ceux qui l’entendent à croire et à confesser la foi, elle les prépare au baptême, les arrache à l’esclavage de l’erreur et les incorpore au Christ pour croître en lui par la charité jusqu’à ce que soit atteinte la plénitude.

Pape François, Angélus, Solennité de la Très Sainte Trinité – Dimanche, 30 mai 2021

Et ce Dieu est le Père et le Fils et le Saint-Esprit. Trois personnes, mais Dieu est un ! Le Père est Dieu, le Fils est Dieu, l’Esprit est Dieu. Mais ce ne sont pas trois dieux : c’est un seul Dieu dans trois Personnes. […] Ce sont des Personnes. Il y a le Père, que je prie avec le Notre Père ; il y a le Fils, qui m’a donné la rédemption, la justification ; il y a l’Esprit Saint qui habite en nous et habite dans l’Église. Et cela parle à notre cœur, car nous le trouvons résumé dans cette expression de saint Jean qui synthétise toute la Révélation : «Dieu est amour» (1 Jn 4, 8,16). Le Père est amour, le Fils est amour, l’Esprit Saint est amour. Et dans la mesure où il est amour, Dieu, tout en étant un et unique, n’est pas solitude mais communion, entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Parce que l’amour est essentiellement don de soi, et dans sa réalité originelle et infinie, il est Père qui se donne en engendrant le Fils, lequel se donne à son tour au Père et leur amour réciproque c’est l’Esprit Saint, lien de leur unité.

Catéchisme de l’Église Catholique

244 L’origine éternelle de l’Esprit se révèle dans sa mission temporelle. L’Esprit Saint est envoyé aux apôtres et à l’Église aussi bien par le Père au nom du Fils, que par le Fils en personne, une fois retourné auprès du Père (cf. Jn 14, 26 ; 15, 26 ; 16, 14). L’envoi de la personne de l’Esprit après la glorification de Jésus (cf. Jn 7, 39) révèle en plénitude le mystère de la Sainte Trinité.

253 La Trinité est Une. Nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes : “ la Trinité consubstantielle ” (Cc. Constantinople II en 553 : DS 421). Les personnes divines ne se partagent pas l’unique divinité mais chacune d’elles est Dieu tout entier : “ Le Père est cela même qu’est le Fils, le Fils cela même qu’est le Père, le Père et le Fils cela même qu’est le Saint-Esprit, c’est-à-dire un seul Dieu par nature ” (Cc. Tolède XI en 675 : DS 530). “ Chacune des trois personnes est cette réalité, c’est-à-dire la substance, l’essence ou la nature divine ” (Cc. Latran IV en 1215 : DS 804).

255 Les personnes divines sont relatives les unes aux autres. Parce qu’elle ne divise pas l’unité divine, la distinction réelle des personnes entre elles réside uniquement dans les relations qui les réfèrent les unes aux autres : “ Dans les noms relatifs des personnes, le Père est référé au Fils, le Fils au Père, le Saint-Esprit aux deux ; quand on parle de ces trois personnes en considérant les relations, on croit cependant en une seule nature ou substance ” (Cc. Tolède XI en 675 : DS 528). En effet, “ tout est un [en eux] là où l’on ne rencontre pas l’opposition de relation ” (Cc. Florence en 1442 : DS 1330). “ A cause de cette unité, le Père est tout entier dans le Fils, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Fils est tout entier dans le Père, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Saint-Esprit tout entier dans le Père, tout entier dans le Fils ” (Cc. Florence en 1442 : DS 1331).

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