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La mission de l’Amour

La mission de l’Amour
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

31ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE B)

Dt 6,2-6; Sal 17; Eb 7,23-28; Mc 12,28-34

La mission de l’Amour

Après le Mois missionnaire, nous avons aujourd’hui un passage dans lequel Jésus déclare solennellement que l’amour est le fondement de la vie avec Dieu. Ce principe d’amour se révèle également être la base de la mission que Jésus accomplit comme “envoyé de Dieu” et qu’il confiera ensuite à ses disciples. Nous sommes donc invités par la Parole de Dieu à approfondir cette dimension de l’amour dans notre vie de croyants, également avec l’aide de l’enseignement du Pape qui, avec la publication de la lettre encyclique Dilexit nos (Sur l’amour humain et divin du cœur de Jésus-Christ), nous a offert une occasion de réfléchir sur l’importance de l’amour.

  1. Dieu nous a aimés en premier

À la question « Quel est le premier de tous les commandements? », Jésus a répondu en mentionnant le célèbre texte du livre du Deutéronome (première lecture). C’est le texte fondamental de la tradition juive, lequel devient le Credo de tout juif qui le récite chaque jour dans sa prière du matin. Ce passage cité par Jésus comme réponse au premier commandement souligne le devoir de tout croyant d’aimer Dieu par-dessus toute chose, « de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force ». Cependant, le texte commence par l’appel à écouter et à être reconnaissant envers Dieu : « Écoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. » C’est semblable à celui qui précède le Décalogue, la liste des Dix commandements de Dieu pour Israël : « Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage » (Dt 5 ,6). Avant même de demander au peuple d’observer ses préceptes et surtout son commandement de l’aimer, Dieu invite Israël à le reconnaître comme le seul Dieu et Seigneur qui les a sortis de l’esclavage de l’Egypte, les a sauvés pour et dans l’amour. (cf. Dt 7,7-8.9.11) Si le Seigneur s’est attaché à vous, s’il vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples, car vous êtes le plus petit de tous. C’est par amour pour vous […]. Tu sauras donc que c’est le Seigneur, ton Dieu […]. Tu observeras les commandements en les mettant en pratique.

C’est la raison pour laquelle Dieu nous demande, à nous ses enfants, de l’aimer; et le Christ l’a réitéré avec autorité. De ce point de vue, le commandement d’aimer Dieu commence précisément par l’acte de reconnaître les nombreux bienfaits qu’Il a faits pour nous dans notre vie malgré notre indignité. Dieu nous a aimés le premier, et de manière concrète dans le Christ Jésus, qui dans l’amour a offert sa vie pour nous donner une nouvelle vie en Dieu, comme l’a souligné le Pape dès les premières lignes de l’encyclique Dilexit nos.

  1. Que signifie aimer Dieu et comment ?

De cette manière, le commandement fondamental d’aimer Dieu commence par l’invitation à reconnaître d’abord l’amour de Dieu, pour entrer dans l’orbite de l’amour et comprendre et mettre en pratique ce que Dieu veut dire réellement. Il convient de souligner à cet égard qu’aimer est en soi une question délicate car, humainement parlant, on ne peut jamais commander au cœur, ni le forcer, comme le dit un proverbe vietnamien : « On peut presser les graines oléagineuses et le lard, mais qui aurait le coeur de forcer le mariage ? » Que signifie aimer Dieu et comment ? Il y a trois points importants à ce sujet.

Tout d’abord, pour observer le commandement de l’aimer, nous sommes invités à vivre un chemin qui s’appuie sur des étapes concrètes, à partir de la gratitude constante des biens que nous recevons de lui. De cette gratitude naît le désir d’aimer Dieu, source de tout bien, et cela est déjà l’amour pour Dieu. C’est ce qu’enseigne saint Augustin : celui qui veut aimer Dieu l’aime déjà.

Deuxièmement, comme l’explique la Parole de Dieu elle-même :

Et maintenant, sais-tu, Israël, ce que le Seigneur ton Dieu te demande ? Craindre le Seigneur ton Dieu, suivre tous ses chemins, aimer le Seigneur ton Dieu, le servir de tout ton cœur et de toute ton âme, garder les commandements et les décrets du Seigneur que je te donne aujourd’hui pour ton bien? (Dt 10,12-13)

Aimer Dieu va de pair avec la crainte, c’est-à-dire le respecter et l’honorer, le servir et observer ses commandements, expressions de sa volonté “pour ton bien”.

Enfin, saint François d’Assise nous donne une explication de ce que sont les pas concrets à faire pour aimer Dieu. Commentant la prière du Notre Père, le saint écrit :

Que ta volonté soit faite sur la Terre comme au ciel : Que nous t’aimions de tout notre cœur en pensant toujours à toi ; de toute notre âme en te désirant toujours ; de tout notre esprit en dirigeant vers toi tous nos élans et ne poursuivant toujours que ta seule gloire ; de toutes nos forces en dépensant toutes nos énergies et tous les sens de notre âme et de notre corps au service de ton amour et de rien d’autre.

Ainsi, saint François a laissé des indications précises sur la manière d’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa pensée et de toutes ses forces. Cela signifie penser toujours à Dieu, le désirer, orienter nos intentions vers lui et dépenser tout ce qui est à notre disposition au service de Dieu. Certains peuvent être effrayés par ces directives si radicales et peut-être impraticables. Cependant, cet enseignement du saint d’Assise nous met sur le chemin de cet amour de Dieu auquel nous sommes tous appelés.

  1. Que signifie aimer son prochain ?

Le commentaire susmentionné de saint François d’Assise, concernant l’amour que nous devons avoir pour Dieu, se poursuit avec son explication de l’amour du prochain comme expression de la volonté même de Dieu pour notre vie. De là, nous pouvons entrevoir un aspect important peu évoqué de l’amour que nous devons avoir pour les prochains. Le saint écrit :

Que ta volonté soit faite sur la Terre comme au ciel: Que nous t’aimions […]; et que nous aimions nos proches comme nous-mêmes : en les attirant tous à ton amour selon notre pouvoir, en partageant leur bonheur comme s’il était le nôtre, en les aidant à supporter leurs malheurs, en ne leur faisant nulle offense.

Voici la sagesse des saints qui nous enseigne le véritable amour pour les prochains que Jésus a recommandé en lien intrinsèque avec l’amour de Dieu. Aimer le prochain, c’est avant tout “entraîner” chacun vers l’amour de Dieu ! Oui, un tel amour pour le prochain implique de l’aider dans ses besoins, de lui faire du bien et de “n’offenser personne”. Néanmoins, l’essence de l’amour pour les autres reste notre aide à chacun pour l’aider à découvrir l’amour de Dieu qui surpasse tout dans la vie.

En conclusion, le passage de l’évangile d’aujourd’hui nous rappelle une fois de plus la volonté de Dieu pour chacun de nous. L’intention de Dieu pour l’Humanité est d’aimer Dieu de tout son être et d’aimer son prochain comme soi-même. En d’autres termes, comme le suggère saint François, la volonté de Dieu pour nous est toujours et en tout cas de l’aimer ainsi que les autres, indépendamment de l’âge, de l’état de vie, de la vocation et de la profession. Cela implique, avant tout, un engagement à attirer tous vers l’amour de Dieu. C’est la mission d’amour que le Christ a accomplie et transmise à ses disciples envoyés dans le monde entier. Chacun de nous se demande si nous ressentons en nous l’impulsion de l’amour de Dieu et du Christ et si nous essayons de la transmettre aux autres et de les conduire à lui. Que Dieu nous donne la force de vivre dans l’amour et pour l’amour.

Pape François, Lettre encyclique sur l’amour humain et divin du cœur de Jésus-Christ, Dilexit nos

  1. Les flammes d’amour du Cœur du Christ se prolongent également dans l’œuvre missionnaire de l’Église qui porte l’annonce de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ. Saint Vincent de Paul l’a bien enseigné lorsqu’il invitait ses disciples à demander au Seigneur « ce cœur, ce cœur qui nous fait aller partout, ce cœur du Fils de Dieu, cœur de Notre-Seigneur, qui nous dispose à aller comme il irait […] et nous envoie comme il envoie [les Apôtres] pour porter partout son feu ».
  2. Saint Paul VI, s’adressant aux Congrégations qui propageaient la dévotion au Sacré-Cœur, rappelait qu’ « il ne fait aucun doute que l’engagement pastoral et le zèle missionnaire brûleront plus intensément si les prêtres et les fidèles, pour propager la gloire de Dieu, contemplent l’exemple de l’amour éternel que le Christ nous a montré et orientent leurs efforts pour faire participer tous les hommes à l’insondable richesse du Christ ». À la lumière du Sacré-Cœur, la mission devient une question d’amour, et le plus grand risque est que beaucoup de choses qui sont dites et faites dans cette mission ne parviennent pas à provoquer la rencontre heureuse avec l’amour du Christ qui embrasse et sauve.
  3. La Mission, comprise dans la perspective du rayonnement de l’amour du Cœur du Christ, a besoin de missionnaires amoureux, toujours captivés par le Christ et qui transmettent inlassablement cet amour qui a changé leur vie. Il leur sera alors pénible de perdre leur temps à discuter de questions secondaires ou à imposer des vérités et des règles. Leur souci majeur sera de communiquer ce qu’ils vivent, et surtout que d’autres puissent percevoir la bonté et la beauté du Bien Aimé à travers leurs pauvres tentatives.

Benoit XVI, Lettre encyclique aux évêques aux prêtres et aux diacres aux personnes consacrées et à tous les fidèles laïcs sur l’amour chrétien, Deus caritas est

  1. […] En reconnaissant le caractère central de l’amour, la foi chrétienne a accueilli ce qui était le noyau de la foi d’Israël et, en même temps, elle a donné à ce noyau une profondeur et une ampleur nouvelles. En effet, l’Israélite croyant prie chaque jour avec les mots du Livre du Deutéronome, dans lesquels il sait qu’est contenu le centre de son existence : « Écoute, Israël: le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » (6, 4-5). Jésus a réuni, en en faisant un unique précepte, le commandement de l’amour de Dieu et le commandement de l’amour du prochain, contenus dans le Livre du Lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (19, 18 ; cf. Mc 12, 29-31). Comme Dieu nous a aimés le premier (cf. 1 Jn 4, 10), l’amour n’est plus seulement un commandement, mais il est la réponse au don de l’amour par lequel Dieu vient à notre rencontre. […]
  2. […] L’histoire d’amour de Dieu avec Israël consiste plus profondément dans le fait qu’il lui donne la Torah, qu’il ouvre en réalité les yeux à Israël sur la vraie nature de l’Homme et qu’il lui indique la route du véritable humanisme. Cette histoire consiste dans le fait que l’homme, en vivant dans la fidélité au Dieu unique, fait lui-même l’expérience d’être celui qui est aimé de Dieu et qu’il découvre la joie dans la vérité, dans la justice, la joie en Dieu qui devient son bonheur essentiel : « Qui donc est pour moi dans le ciel si je n’ai, même avec toi, aucune joie sur la Terre ? … Pour moi, il est bon d’être proche de Dieu » (Ps72 [73] , 25.28). […]
  3. […] Est-il vraiment possible d’aimer Dieu alors qu’on ne le voit pas ? Et puis: l’amour peut-il se commander ? Au double commandement de l’amour, on peut répliquer par une double objection, qui résonne dans ces questions. Dieu, nul ne l’a jamais vu – comment pourrions-nous l’aimer ? Et, d’autre part : l’amour ne peut pas se commander; c’est en définitive un sentiment qui peut être ou ne pas être, mais qui ne peut pas être créé par la volonté. L’Écriture semble confirmer la première objection quand elle dit: « Si quelqu’un dit: « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas » (1 Jn 4, 20). Mais ce texte n’exclut absolument pas l’amour de Dieu comme quelque chose d’impossible; au contraire, dans le contexte global de la Première lettre de Jean, qui vient d’être citée, cet amour est explicitement requis. C’est le lien inséparable entre amour de Dieu et amour du prochain qui est souligné. Tous les deux s’appellent si étroitement que l’affirmation de l’amour de Dieu devient un mensonge si l’Homme se ferme à son prochain ou plus encore s’il le hait. On doit plutôt interpréter le verset johannique dans le sens où aimer son prochain est aussi une route pour rencontrer Dieu, et où fermer les yeux sur son prochain rend aveugle aussi devant Dieu.
  4. […] Dans la liturgie de l’Église, dans sa prière, dans la communauté vivante des croyants, nous faisons l’expérience de l’amour de Dieu, nous percevons sa présence et nous apprenons aussi de cette façon à la reconnaître dans notre vie quotidienne. Le premier, il nous a aimés et il continue à nous aimer le premier; c’est pourquoi, nous aussi, nous pouvons répondre par l’amour. Dieu ne nous prescrit pas un sentiment que nous ne pouvons pas susciter en nous-mêmes. Il nous aime, il nous fait voir son amour et nous pouvons l’éprouver, et à partir de cet « amour premier de Dieu », en réponse, l’amour peut aussi jaillir en nous. […]
  5. […] Si le contact avec Dieu me fait complètement défaut dans ma vie, je ne peux jamais voir en l’autre que l’autre, et je ne réussis pas à reconnaître en lui l’image divine. Si par contre dans ma vie je néglige complètement l’attention à l’autre, désirant seulement être « pieux » et accomplir mes « devoirs religieux », alors même ma relation à Dieu se dessèche. Alors, cette relation est seulement « correcte », mais sans amour. Seule ma disponibilité à aller à la rencontre du prochain, à lui témoigner de l’amour, me rend aussi sensible devant Dieu. Seul le service du prochain ouvre mes yeux sur ce que Dieu fait pour moi et sur sa manière à Lui de m’aimer. […] Amour de Dieu et amour du prochain sont inséparables, c’est un unique commandement. Tous les deux cependant vivent de l’amour prévenant de Dieu qui nous a aimés le premier. Ainsi, il n’est plus question d’un « commandement » qui nous prescrit l’impossible de l’extérieur, mais au contraire d’une expérience de l’amour, donnée de l’intérieur, un amour qui, de par sa nature, doit par la suite être partagé avec d’autres. L’amour grandit par l’amour. L’amour est « divin » parce qu’il vient de Dieu et qu’il nous unit à Dieu, et, à travers ce processus d’unification, il nous transforme en un Nous, qui surpasse nos divisions et qui nous fait devenir un, jusqu’à ce que, à la fin, Dieu soit « tout en tous » (1 Co 15, 28).

 

 

 

(Photo: pexels.com / Ольга Солодилова)

 

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