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Le banquet divin pour tous

Le banquet divin pour tous
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

17EME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE B)

2R 4, 42-44; Ps 144; Ep 4, 1-6; Jn 6, 1-15

Le banquet divin pour tous

L’Évangile d’aujourd’hui raconte le fameux épisode de la multiplication du pain que nous connaissons presque par cœur. Cependant, en réfléchissant sur certains détails du récit selon l’évangéliste Jean, nous pouvons entrer plus profondément dans le message évangélique qui est toujours actuel et pertinent pour notre vie-mission de disciples-missionnaires du Christ, en particulier cette année 2024, où le thème choisi par le Pape pour la Journée mondiale des missions est précisément « Allez et invitez tout le monde à la noce ».

  1. Le banquet « pascal » de Jésus le Messie

Les quatre évangélistes racontent le miracle de la multiplication du pain de Jésus, mais seul saint Jean souligne la perspective « pascale » de l’événement. Nous avons entendu dans l’Évangile la note chronologique sur temps auquel s’est produit l’épisode : « la Pâque […] était proche ». Ce contexte est encore renforcé dans le passage avec une référence au « lieu » du miracle, apparemment secondaire : « Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit ». Il s’agit en fait d’une description subtile pour plonger les auditeurs dans le printemps, période proche de Pâques, qui marque un réveil de la nature autour du lac Génésareth avec la floraison de toutes les espèces de plantes et de graminées.

Ainsi, la multiplication que Jésus opère n’est pas un miracle parmi les nombreux accomplis au cours de ses activités évangélisatrices, mais plutôt un événement particulier qui doit être vu et vécu dans la perspective de Pâques qui est le point culminant et objectif de toute la mission de Jésus. En d’autres termes, le pain multiplié et offert au peuple à cette occasion fait allusion à ce pain que Jésus offre dans sa Pâque de passion, de mort et de résurrection pour le salut du monde. À tel point qu’à la suite de l’événement, Jésus lui-même se déclarera comme le pain de vie. En outre, dans l’histoire, il convient de souligner l’attention entièrement concentrée sur la quantité de pain restant, sans indiquer s’il restait du poisson et quelle quantité.. Quoi qu’il en soit, ce que les gens ont vécu dans ce lieu avec beaucoup d’herbe et à ce temps proche de Pâques, c’est essentiellement la participation anticipée de tous les gens au banquet pascal de Jésus, le Messie. Ainsi, ce qu’Il ​​a offert ne s’est pas limité au pain matériel pour soutenir le corps humain, mais c’était plutôt Lui-même, avec tout son enseignement et toute sa vie sacrifiée pour l’âme, nécessiteuse du salut divin. Et cela est fondamental à garder à l’esprit pour tous ses disciples missionnaires appelés à poursuivre la même mission du Christ dans le monde. C’est-à-dire qu’ils sont appelés à offrir non seulement du pain matériel, mais à apporter le Christ à tous ceux qui sont dans le besoin, en les invitant à participer au banquet pascal de Jésus le Messie.

  1. Le banquet eschatologique

Cette perspective pascale permet d’entrevoir dans cette multiplication du pain la figure du banquet eschatologique que Dieu a promis à son peuple par l’intermédiaire des prophètes, comme le déclare Isaïe : « Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés » (Is 25,6). A ce moment avec Jésus, même s’il n’y avait pas d’aliments gras ni de vins, on peut encore entrevoir l’abondance de pain et de poisson que les gens consommaient « autant qu’ils en voulaient ». À cet égard, il convient de noter que l’Évangéliste a déjà fait voir Jésus comme le donneur de vin en abondance lors des noces de Cana.

De plus, dans les autres Évangiles, Jésus a démontré une vision claire de lui-même comme Celui avec qui le temps était accompli ; en Lui et par Lui, Dieu invite chacun au banquet, comme on le voit notamment dans la parabole des invités aux noces. Dans cette perspective, avec Jésus, avec sa mission, le banquet divin est inauguré dans le temps final, c’est-à-dire que le banquet divin eschatologique a été préparé avec et en Jésus, auquel chacun est invité à participer, à manger à sa faim et à partager avec les autres ce qui reste de la nourriture de Dieu, comme Jésus lui-même le recommandait aux disciples à la fin du miracle : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde ». Et la nourriture divine pour la vie éternelle à accueillir pour soi-même est le Christ, comme sera expliqué plus loin, ce qu’il faut ensuite conserver et transmettre aux autres est avant tout la personne du Christ lui-même.

Ainsi, la multiplication du pain, plus qu’une bonne action pour faire manger ceux qui ont faim, est le signe du caractère eschatologique de la mission de Jésus qui doit ensuite être réalisée par ses disciples avec la même vision. Il s’agit là d’un aspect fondamental de la mission chrétienne. C’est pourquoi le pape François a voulu rappeler ce concept dans le message pour la Journée mondiale des missions 2024 et il convient de rapporter son enseignement à cet égard avec une exhortation importante à la fin :

Dans la parabole [des invités au mariage], le roi demande aux serviteurs de porter l’invitation au banquet pour les noces de son fils. Ce banquet représente le banquet eschatologique. Il est une image du salut définitif dans le royaume de Dieu, réalisé dès maintenant par la venue de Jésus, le Messie, le Fils de Dieu qui nous a donné la vie en abondance (cf. Jn 10, 10). Celle-ci est symbolisée par la table dressée avec « des viandes succulentes et des vins décantés », lorsque Dieu « fera disparaître la mort pour toujours » (cf. Is 25, 6-8).

La mission du Christ se situe à la plénitude des temps, comme Il l’a déclaré au début de sa prédication : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche » (Mc 1, 15). Ainsi, les disciples du Christ sont appelés à poursuivre la mission de leur Maître et Seigneur. Rappelons l’enseignement du concile Vatican II sur le caractère eschatologique de l’engagement missionnaire de l’Église : « Le temps de l’activité missionnaire se situe entre le premier avènement du Seigneur et le second […]. Car avant la venue du Seigneur, il faut que l’Évangile soit proclamé parmi toutes les nations » (Ad gentes, n. 9).

Nous savons que le zèle missionnaire des premiers chrétiens avait une forte dimension eschatologique. Ils ressentaient l’urgence de proclamer l’Évangile. Aujourd’hui encore, il est important de garder à l’esprit cette perspective, car elle nous aide à évangéliser dans la joie de celui qui sait que « le Seigneur est proche », et dans l’espérance de celui qui est tendu vers le but, lorsque nous serons tous avec le Christ à ses noces dans le royaume de Dieu. Alors que le monde propose les “banquets” variés de la consommation, du bien-être égoïste, de l’accumulation, de l’individualisme, l’Évangile appelle chacun au banquet divin où règnent la joie, le partage, la justice, la fraternité, dans la communion avec Dieu et avec les autres.

  1. Le banquet eucharistique

Enfin, la multiplication du pain de Jésus fait également allusion à la table eucharistique qu’Il établira lors de la Dernière Cène. Saint Jean décrit les actions de Jésus lors de la multiplication du pain avec les mêmes verbes que l’on retrouve dans le récit de l’institution de l’Eucharistie : « prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua… ». Nous pouvons alors entrevoir dans un seul événement la figure du banquet offert par le Christ dans ses trois aspects interconnectés : pascal, eschatologique et eucharistique. Toutes ces dimensions du banquet divin dans le Christ se réalisent dans le mystère de l’Eucharistie qu’il a laissé à ses disciples et qui est ensuite devenue la source et le sommet de la mission de l’Église.

Il sera utile de rapporter à nouveau l’enseignement du pape François dans le Message pour la Journée mondiale des missions 2024:

Cette plénitude de vie, don du Christ, est anticipée dans le banquet de l’Eucharistie que l’Église célèbre à la demande du Seigneur, en mémoire de Lui. Ainsi, l’invitation au banquet eschatologique que nous apportons à chacun dans la mission évangélisatrice est intrinsèquement liée à l’invitation à la table eucharistique où le Seigneur nous nourrit de sa Parole, de son Corps et de son Sang. Comme l’a enseigné Benoît XVI, « en toute célébration eucharistique se réalise sacramentellement le rassemblement eschatologique du Peuple de Dieu. Le banquet eucharistique est pour nous une réelle anticipation au banquet final, annoncé par les prophètes (cf. Is 25, 6-9) et décrit dans le Nouveau Testament comme “les noces de l’Agneau” (Ap 19, 7-9) qui doivent être célébrées dans la joie de la communion des saints » (Exhort. ap. post-synodale Sacramentum Caritatis, n. 31).

Par conséquent, nous sommes tous appelés à vivre plus intensément chaque Eucharistie dans toutes ses dimensions, en particulier dans ses dimensions eschatologique et missionnaire. Je répète à ce propos que « nous ne pouvons pas nous approcher de la Table eucharistique sans nous laisser entraîner dans le mouvement de la mission qui, prenant naissance dans le Cœur même de Dieu, veut rejoindre tous les hommes » (ibid., n. 84). Le renouveau eucharistique, que de nombreuses Églises locales encouragent de manière louable dans la période post-Covid, sera fondamental pour réveiller l’esprit missionnaire en chaque fidèle. Avec combien plus de foi et d’élan du cœur, dans chaque Messe, devrions-nous prononcer l’acclamation : « Nous annonçons ta mort, Seigneur Jésus, nous proclamons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire » !

Pape François, Message pour la Journée mondiale des missions 2023, 22 octobre 2023

Des cœurs brûlants, des pieds en marche (cf. Lc 24, 13-35)  

 2. Des yeux qui “s’ouvrirent, et le reconnurent” à la fraction du pain. Jésus dans l’Eucharistie est le sommet et la source de la mission.

[…] Le Christ ressuscité est Celui-qui-rompt-le-pain et, en même temps, il est le Pain-rompu-pour-nous. Et donc, tout disciple missionnaire est appelé à devenir, comme Jésus et en Lui, grâce à l’action de l’Esprit Saint, celui-qui-rompt-le pain et celui-qui-est-pain-rompu pour le monde.

À cet effet, il faut rappeler qu’une simple fraction de pain matériel avec les affamés au nom du Christ est déjà un acte missionnaire chrétien. À plus forte raison, la fraction du Pain eucharistique qui est le Christ Lui-même est l’action missionnaire par excellence, car l’Eucharistie est la source et le sommet de la vie et de la mission de l’Église.

Le Pape Benoît XVI l’a rappelé : « Nous ne pouvons garder pour nous l’amour que nous célébrons dans le Sacrement [de l’Eucharistie]. Il demande de par sa nature d’être communiqué à tous. Ce dont le monde a besoin, c’est de l’amour de Dieu, c’est de rencontrer le Christ et de croire en Lui. C’est pourquoi l’Eucharistie n’est pas seulement source et sommet de la vie de l’Église ; elle est aussi source et sommet de sa mission : “Une Église authentiquement eucharistique est une Église missionnaire” » (Exhort. ap. Sacramentum caritatis, n. 84).

 

(Photo: Pexels.com / Anna Guerrero)

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