Le Christ transfiguré et sa mission
Le Christ transfiguré et sa mission
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire
TRANSFIGURATION DU SEIGNEUR (ANNÉE A)
18ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Dn 7, 9-10.13-14 ; Ps 96 ; 2 P 1, 16-19 ; Mt 17,1-9
Le Christ transfiguré et sa mission
Par la providence divine, nous célébrons la fête de la Transfiguration du Seigneur et la conclusion de la Journée mondiale de la jeunesse 2023. L’évangile proclamé est le même qu’au 2ème dimanche de Carême. Reprenons les trois points de la réflexion déjà faite pour approfondir quelques détails importants du récit évangélique, avec un souhait particulier à tous les jeunes qu’ils puissent vivre la belle expérience de la transfiguration avec le Seigneur dans leurs vies.
- « Sur une haute montagne » – Le contexte de la transfiguration de Jésus dans sa Mission
Le premier aspect fondamental à clarifier sera le contexte temporel de l’événement ( « en ce temps-là »). La transfiguration du Christ a eu lieu après la profession de foi de Pierre (« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »; Mt 16,16), immédiatement suivie de la première annonce de la passion aux disciples, par laquelle le Christ révèle sa véritable mission messianique (cf. Mt 16,21; Lc 9,22). De plus, avec cette révélation, il invite chacun à le suivre sur le chemin de la Croix et de l’abnégation pour « entrer dans la gloire » (cf. Mt 16,24-25; Lc 9,23-24). Ainsi, la transfiguration du Christ n’est pas un épisode isolé pour montrer ou admirer le « spectacle divin » sur la montagne, mais elle fait entièrement partie du cheminement de la mission qu’il accomplit avec les disciples dans un but clairement pédagogique et exhortatif pour ces derniers.
Il faut aussi noter le lieu de la transfiguration que l’évangéliste Matthieu décrit avec l’expression : « sur une haute montagne ». Cette phrase nous renvoie à cette “très haute montagne” de la troisième tentation de Jésus. Elle nous rappelle aussi les autres montagnes sur lesquelles Jésus a été ou sera : celle de la béatitude, de la multiplication des pains, du Calvaire, et enfin de son Ascension. Le parcours de la mission de Jésus se révèle être une ascension constante de la montagne, ce qui reflète certainement le Sinaï de la tradition judéo-biblique où la rencontre entre Dieu et l’Homme a eu lieu, où Dieu s’est révélé concrètement et a parlé à Moїse et, puis à Elie, qui conversent maintenant, toujours « sur une haute montagne », avec Jésus transfiguré, glorieux, divin.
La mission de Jésus est donc, selon l’évangéliste Matthieu un voyage “de montagne en montagne”, jusqu’à celui de la transfiguration, image de cette dernière montagne d’où le glorieux Seigneur ressuscité est monté définitivement au Ciel sous les yeux de ses disciples. Ce sera alors le chemin qui amènera le peuple de l’oppression des péchés et de la mort à la plénitude de la vie en Dieu. Cependant, il traversera également la montagne des tentations, des épreuves et des souffrances, mais il finira toujours par l’ascension au Ciel. Si la mission de Jésus est ainsi, celle de ses disciples sera-t-elle différente ?
Dans cette perspective, le Catéchisme de l’Église catholique indique : « La Transfiguration nous donne un avant-goût de la glorieuse venue du Christ (…). Mais elle nous rappelle aussi qu’” il nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu ” (Ac 14, 22) » (n. 556). Ce « nous faut » des tribulations pour la gloire ne signifie pas que les disciples du Christ devront les rechercher ou même les créer à leur guise. Elle affirme simplement la vérité, qui est que la mission des disciples sera comme celle du Maître. Cette mission devra affronter des difficultés, des souffrances, des croix quotidiennes pour l’Évangile et pour le royaume de Dieu. Le Mont de la Transfiguration est relié au Mont du Calvaire. Il ne faut donc pas s’étonner s’il y a des obstacles (y compris des tentations) dans le cheminement chrétien missionnaire, mais il faut toujours se souvenir des paroles rassurantes du Maître : « Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde » (Jn 16,33).
- « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! » Redécouvrir la beauté d’être avec le Seigneur
De ces paroles de Pierre, nous pouvons comprendre à quel point son expérience devait être extraordinaire, en voyant Jésus transfiguré avec le visage qui « devint brillant comme le soleil » et les vêtements « blancs comme la lumière », comme l’évangéliste Matthieu le décrit à sa manière, d’une manière originale. Cependant, sur la base de l’histoire, ce que Pierre et les autres disciples ont vécu sur la montagne n’était pas seulement une forte expérience visuelle, mais de tous les sens, en particulier l’ouїe, en écoutant Moїse et Elie converser avec Jésus. Cette expérience intégrale de tout l’être fait exclamer Pierre « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! » ; cela nous fait aussi rêver maintenant, ce moment paradisiaque de la vie.
À cet égard, il convient de rappeler que la belle expérience avec le Seigneur glorieux nous est offerte à chaque sainte messe, dans laquelle nous sommes plongés dans l’écoute de la Parole, dans la communion eucharistique avec le Christ uni sacramentellement à ses disciples. Ce sont les précieux moments que le Christ donne à ses fidèles sur le chemin de la Mission, comme une sorte de transfiguration sacramentelle hebdomadaire/quotidienne du Christ pour nous, afin que nous puissions aussi goûter une pincée de notre transfiguration avec lui et en lui. Voici l’invitation du psalmiste : « Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage », « Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! » (Ps 33,6.9). En effet, « Ce que les trois disciples avaient entendu et contemplé durant la Transfiguration se reproduit exactement dans le cadre de l’action liturgique, durant laquelle les fidèles reçoivent le Corps et le Sang du Seigneur. (…) Bien qu’ils soient encore ici-bas, les fidèles reçoivent son Corps et son Sang, et ils entendent la voix du Père qui leur dit dans l’intimité de leur cœur : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le » (Directoire sur l’Homélie, no. 68).
Dans cette optique, ce dimanche de la Transfiguration sera l’occasion de renouveler notre vie au cours de chaque sainte messe qui est un moment d’expérience forte du Christ glorieux tel qu’il était sur la haute montagne de Galilée.
- « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ». Les vrais disciples de la Transfiguration
La Transfiguration continue et culmine avec la manifestation divine à travers deux éléments qui sont déjà apparus dans la théophanie du mont Sinaï : la nuée qui les recouvre et la voix (provenant de la nuée) qui confirme l’identité de Jésus comme “le bien-aimé” et « Fils [de Dieu] », comme au cours du Baptême de Jésus. Ce sont des mots exclusivement réservé pour Jésus, comme l’indique subtilement l’évangéliste « Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul ». Dans cette perspective, la recommandation « écoutez-le ! » de la voix divine, qui résonne de la nuée sur la montagne comme au Sinaï, acquiert une signification fondamentale pour les disciples : maintenant en Jésus se manifeste la plénitude de la parole du Père, donnée à Moïse (Loi) et à Élie (Prophètes). « À bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses » (Heb 1,1-2).
Après la recommandation du Père de l’écouter, le commandement de Jésus aux disciples semblait plutôt étrange : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ». Pourquoi ? N’était-il pas nécessaire d’annoncer à tous ce qui s’est passé comme témoignage et preuve de l’identité messianique divine de Jésus ? Sans se perdre dans diverses explications de nature historique, cet ordre mystérieux de Jésus se révèle significatif du point de vue théologique. Il souligne que sa résurrection d’entre les morts sera le plein accomplissement de sa transfiguration, vécue à ce moment par les disciples. Par conséquent, le vrai sens de cet événement sur la montagne ne sera compris et accepté de manière complète et juste qu’après avoir parcouru avec Jésus tout son parcours de mission depuis la montagne de la transfiguration jusqu’au Calvaire pour ensuite retourner à la montagne de l’Ascension en Galilée. En d’autres termes, seuls ceux qui auront accompli le cheminement avec Jésus jusqu’à la passion, la mort et la résurrection, pourront comprendre et donc annoncer le Christ pleinement et correctement selon la vision divine, et non humaine (qui veut une gloire sans croix).
Comme Pierre, Jacques, Jean, nous sommes appelés à devenir disciples de la Transfiguration, c’est-à-dire disciples du Christ transfiguré. Nous sommes appelés concrètement à gravir souvent la montagne avec lui à « entrer dans la nuée » de l’Esprit sans crainte, et surtout à l’écouter et à le suivre comme seul chemin vers le Père, réfléchissant constamment dans le secret de l’âme sur tous les mystères du Christ et les gardant avec soi, pour être nous aussi transformés, voire transfigurés avec lui et en lui dans notre cheminement de disciple-missionnaire.
Pape François, Angélus, place Saint-Pierre, 6 août 2017
L’événement de la Transfiguration du Seigneur nous offre un message d’espérance — nous serons ainsi, avec Lui: il nous invite à rencontrer Jésus, pour être au service de nos frères.
L’ascension des disciples vers le Mont Thabor nous pousse à réfléchir sur l’importance de nous détacher des choses du monde, pour accomplir un chemin vers le haut et contempler Jésus. Il s’agit de nous disposer à l’écoute attentive et priante du Christ, le Fils bien-aimé du Père, en recherchant des moments de prière qui permettent l’accueil docile et joyeux de la Parole de Dieu. […] Dans cette perspective, la période de l’été est un moment providentiel pour accroître notre engagement de recherche et de rencontre du Seigneur. Pendant cette période, les étudiants sont libres de leurs engagements scolaires et de nombreuses familles sont en vacances; il est important que pendant la période de repos et de détachement des occupations quotidiennes, on puisse régénérer les forces du corps et de l’esprit, en approfondissant le chemin spirituel.
[…] Transformés par la présence du Christ et par l’ardeur de sa parole, nous serons le signe concret de l’amour vivifiant de Dieu pour tous nos frères, en particulier pour ceux qui souffrent, pour ceux qui se trouvent dans la solitude et dans l’abandon, pour les malades et pour la multitude d’hommes et de femmes qui, dans différentes parties du monde, sont humiliés par l’injustice, l’abus de pouvoir et la violence.
(Photo: Pixels.com / Lada Rezantseva)
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