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Le pain pour le chemin de la vie

Le pain pour le chemin de la vie
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

19ÉME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE B)

1R 19, 4-8; Ps 33; Ep 4, 30-5, 2; Jn 6, 41-51

Le pain pour le chemin de la vie

Aujourd’hui, nous entrons dans la deuxième partie du Discours de Jésus sur le Pain de la vie. Et comme dans le premier “épisode”, nous découvrons ensemble quelques aspects fondamentaux du mystère du pain de Jésus, donné pour la vie du monde.

  1. « Je suis le pain qui est descendu du ciel ». L’origine céleste du pain qui est toute la personne de Jésus, envoyé par Dieu le Père

Il faut retenir un point essentiel du premier “épisode”. Dans le Sermon sur le pain, Jésus déclare : « Je suis le pain de la vie », reliant cette affirmation au futur pain eucharistique qu’il offrira à la Dernière cène. Cependant, dans le contexte temporel du Discours, puisque Jésus n’avait pas encore institué l’Eucharistie, il faisait référence à un sens plus large : lui-même, sa personne, est le pain qui donne la vie éternelle. Jésus nous invite à venir à lui et à croire en lui pour recevoir ce pain de la vie. En d’autres termes, accueillir Jésus dans sa vie, par la foi et l’adhésion à son enseignement, est le chemin pour obtenir la vie éternelle.

Depuis que le Père a apposé son « sceau » sur Jésus, voilà, pour toute l’Humanité, le pain authentifié, ou, pour reprendre une expression commerciale, le pain “doc”, d’origine contrôlée ! Dans cette perspective, reprenant l’auto-déclaration d’être le pain en y ajoutant la qualification “descendu du ciel”, Jésus souligne cette origine céleste du pain qui est sa personne “envoyée par le Père”. Ainsi, dans la partie du discours entendu aujourd’hui, il répétera que la foi est l’action nécessaire pour la vie éternelle, en proclamant solennellement : « Amen, amen, je vous le dis : il a la vie éternelle, celui qui croit ». Il s’agit de croire en Dieu, le seul vrai Dieu, et au Christ, celui envoyé par Dieu, comme cela sera explicité en Jn 17,3 : « Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ ». Cet aspect est fondamental dans la catéchèse, dans l’animation et dans la formation missionnaire pour une vision “eucharistique intégrale” : manger Jésus, le pain descendu du ciel, sera d’abord de croire ; est assumer dans son cœur, par la foi, Sa personne, avec tous ses enseignements et toutes ses actions salvatrices et sanctifiantes. Ensuite accueillir son Corps et son Sang dans le sacrement de l’Eucharistie sera la conséquence de cette foi-adhésion.

  1. 2. Le murmure des auditeurs et la révélation de la “collaboration missionnaire” entre le Père et Jésus pour le don du Pain

À la révélation de Jésus comme pain du ciel, « les Juifs récriminaient contre Jésus ». Ce murmure des auditeurs de Jésus reflète celui du peuple élu sur le chemin de l’exode, qui n’était jamais content de rien, malgré les multiples dons reçus de Dieu, dont celui de la manne. Ils murmuraient à cause de leur entêtement et de leur attitude de peu de confiance dans l’œuvre de Dieu pour eux. Il s’agit de murmurer précisément comme expression concrète de leur non croire, de leur incrédulité. Il faut cependant reconnaître que la réaction des Juifs est compréhensible d’un point de vue humain : ils connaissent Jésus comme le fils de Joseph et de Marie, et sa déclaration de descente du ciel leur apparaît comme une absurdité. Ce doute sur l’origine “spéciale” de Jésus rappelle d’ailleurs celui déjà soulevé dans la synagogue de Nazareth (cf. Mc 6,1-6). Ainsi, c’est probablement devenu la raison d’un rejet général envers la personne de Jésus et sa mission, non seulement pendant son ministère terrestre mais aussi après, lors de la mission de prédication des premiers apôtres.

Dialoguant patiemment avec les “incroyants”, Jésus ne se laisse pas décourager par leurs murmures et profite de l’occasion pour révéler des vérités profondes sur sa relation avec le Père et sur la foi nécessaire pour obtenir la vie éternelle. Il s’agit d’une “mini-catéchèse” sur le mystère de la “collaboration missionnaire” entre le Père et Jésus pour le don du Pain de la vie pour le monde. Révélant que « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire », Jésus souligne le rôle primordial de la grâce divine pour nous rapprocher de Lui. Ce n’est pas simplement une question de volonté humaine, mais d’un appel divin qui rend possible la foi au seul vrai Dieu et au Christ, son messager définitif, c’est-à-dire “consacré” (cf. Jn 10, 36). Cette attirance divine se réalisera pleinement dans le mystère du Christ élevé de terre lorsque son heure sera venue, comme Il le déclarera « et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ». (Jn 12, 32). Cette “attraction” culmine dans la promesse de résurrection au dernier jour (« je le ressusciterai au dernier jour »), thème central de la prédication de Jésus sur la vie éternelle.

En enseignant cela, Jésus cite l’affirmation du prophète Isaïe : « Tes fils seront tous disciples du Seigneur » (cf. Is 54,13), qui se situe dans le contexte de la situation finale de paix- salut pour Jérusalem. Cette phrase se connecte directement à la célèbre prophétie de Jérémie dans Jr 31, 31-34 sur ce temps final, eschatologique de la Nouvelle Alliance quand Dieu pardonnera les péchés du peuple et écrira ses lois directement dans le cœur de chaque croyant et, donc, « Ils n’auront plus à instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : « Apprends à connaître le Seigneur ! Car tous me connaîtront » (Jer 31, 34). Les paroles de Jésus indiquent l’accomplissement du temps final où l’enseignement divin est ouvert et accessible à tous, et c’est en Lui que cet enseignement s’accomplit pleinement. Seul celui qui vient de Dieu a vu le Père, et Jésus, comme envoyé par le Père, est le seul à pouvoir le révéler complètement. Cette affirmation rappelle Mt 11, 27 (« personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler »)) et souligne son unicité et sa mission divine dans la communion étroite et “collaboration” avec Dieu le Père.

  1. Le Pain pour le chemin vers la rencontre avec Dieu

L’explication du caractère unique de la relation entre Jésus et le Père ainsi que de leur “collaboration missionnaire” pour la vie du monde conduit à revenir à l’image principale du pain de vie pour un ultérieur approfondissement. Jésus se définit encore une fois comme le « pain de la vie » et indique un contraste entre la manne du désert et son pain. Alors que la première n’a pas préservé de la mort ceux qui l’avaient mangée, le pain que Jésus offre est « vivant » en soi, car il donne la vie éternelle, c’est-à-dire la vie pour toujours. Le pain de Jésus est vivifiant, capable de maintenir en vie celui qui le mange sur le chemin de la rencontre définitive avec Dieu. La préfiguration de ce pain divin est précisément l’histoire d’Élie en 1R 19,4-8 (première lecture), lequel « « fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu ». ».

À la lumière de cela, nous comprenons mieux la promesse de Jésus selon laquelle quiconque mangera ce pain vivra éternellement. Cette promesse n’est pas seulement un avenir lointain, mais une réalité présente pour ceux qui accueillent Jésus avec foi, car, comme nous l’avons entendu, « il a la vie éternelle, celui qui croit », avec le verbe conjugué au présent. La vie éternelle commence par la foi en Lui, nous unissant à Dieu dans une relation d’amour et de communion qui transcende la mort. Ainsi, émerge d’une façon forte l’invitation initiale de Jésus à ses auditeurs de s’engager pour la nourriture qui ne périt pas mais qui produit la vie éternelle, littéralement « qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’Homme » (Jn 6,27). Cette nourriture est le pain vivant descendu du ciel, Jésus lui-même, en sa personne, que le Père a donné au monde dans l’amour (cf. Jn 3,16). Partant de là, il est précisé que ce pain est vraiment la “chair “ de Jésus, offerte pour la vie du monde, préfigurant ainsi le sacrifice sur la croix et l’institution de l’Eucharistie. Ainsi, émerge petit à petit la perspective eucharistique sacramentelle (à tel point que la phrase est appelée par certains biblistes comme la formule de la consécration eucharistique chez Jean : “ma chair offerte pour le monde” par opposition à “mon corps offert en sacrifice pour vous”). Il sera développé dans la prochaine partie du discours.

Pour résumer, l’épisode entendu est une puissante révélation de l’identité de Jésus et de sa mission salvifique. Il invite les auditeurs, croyants et non-croyants, à surmonter l’incrédulité et les murmures pour accueillir avec foi la vérité que Jésus est le pain vivant descendu du ciel, donné pour la vie du monde. Par la foi en lui et la participation à l’Eucharistie, les croyants sont appelés à vivre en communion avec Dieu, en recevant la promesse de la vie éternelle qui commence dès maintenant pendant la vie terrestre !

Pape François, Message aux Œuvres pontificales missionnaires 2020

[…] Attraction. Le mystère de la Rédemption est entré dans le monde et continue d’y opérer grâce à une attraction qui peut gagner le cœur des hommes et des femmes parce qu’elle est et semble plus attrayante que les séductions qui ont prise sur l’égoïsme, conséquence du péché. «Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire», dit Jésus dans l’Évangile de Jean (6, 44). L’Église a toujours répété que c’est pour cette raison qu’on suit Jésus et qu’on annonce son Évangile : la puissance d’attraction exercée par le Christ lui-même et par son Esprit. L’Église – a déclaré le pape Benoît XVI – croît dans le monde par attraction et non par prosélytisme (cf. Homélie de la messe d’ouverture de la 5ième Conférence générale de l’épiscopat d’Amérique latine et des Caraïbes, Aparecida, 13 mai 2007 : AAS 99 [2007], 437). Saint Augustin disait que le Christ se révèle à nous en nous attirant. Et, pour donner une image de cette attraction, il citait le poète Virgile, selon lequel chacun est attiré par ce qui lui plaît. Jésus non seulement convainc notre volonté, mais attire notre plaisir (Commentaire sur l’évangile de Jean, 26, 4). Si l’on suit Jésus, heureux d’être attiré par lui, les autres le remarquent. Et ils peuvent s’en étonner. La joie qui transparaît chez ceux qui sont attirés par le Christ et par son Esprit, voilà ce qui peut rendre féconde et fructueuse chaque initiative missionnaire. […]

Pape François, Angélus, Dimanche 8 août 2021

[…] « Je suis le pain vivant », dit-il. Restons sur cette belle image de Jésus. Il aurait pu faire un raisonnement, une démonstration, mais — nous le savons — Jésus parle en paraboles, et dans cette expression: «Je suis le pain vivant», il résume vraiment tout son être et toute sa mission. On se verra pleinement à la fin, lors de la Dernière Cène. Jésus sait que le Père lui demande non seulement de donner à manger aux gens, mais de se donner lui-même, de se rompre lui-même, de rompre sa propre vie, sa propre chair, son propre cœur, pour  que nous puissions avoir la vie. Ces paroles du Seigneur réveillent en nous l’étonnement pour le don de l’Eucharistie. Personne en ce monde, quel que soit son amour pour une autre personne, ne peut se faire nourriture pour elle. Dieu l’a fait, et il le fait, pour nous. Retrouvons cet étonnement. Faisons-le en adorant le Pain vivant, parce que l’adoration remplit la vie d’étonnement. […]

Pape François, Angélus, Dimanche 9 août 2015

[…] Cette phrase du Seigneur nous étonne et nous fait réfléchir. Elle introduit dans la dynamique de la foi, qui est une relation: la relation entre la personne humaine — nous tous — et la Personne de Jésus, où le Père joue un rôle décisif, et naturellement aussi l’Esprit Saint — qui ici reste sous-entendu. Il ne suffit pas de rencontrer Jésus pour croire en Lui, il ne suffit pas de lire la Bible, l’Evangile — cela est important! mais ne suffit pas —; il ne suffit même pas d’assister à un miracle, comme celui de la multiplication des pains. De nombreuses personnes ont été au contact proche de Jésus et n’ont pas cru en Lui, au contraire, elles l’ont même méprisé et condamné. Et je me demande: pourquoi cela? N’ont-elles pas été attirées par le Père? Non, cela s’est produit car leur cœur était fermé à l’action de l’Esprit de Dieu. Et si ton cœur est fermé, la foi n’entre pas. Dieu le Père nous attire toujours vers Jésus: c’est nous qui ouvrons notre cœur ou bien qui le fermons. En revanche la foi, qui est comme une graine au plus profond du cœur, éclot quand nous nous laissons «attirer» par le Père vers Jésus, et «allons à Lui» avec le cœur ouvert, sans préjugés; alors nous reconnaissons dans son visage le visage de Dieu et dans ses paroles la Parole de Dieu, car son Esprit Saint nous a fait entrer dans la relation d’amour et de vie qui existe entre Jésus et Dieu le Père. Et là, nous recevons le don, le cadeau de la foi. […]

 

 

(Photo: Pexels.com / Edanur Sonkaya)

 

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