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Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi

Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi
L’Épiphanie du Seigneur (Année A-B-C)
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

L’ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR (ANNÉE A-B-C)

Is 60,1-6; Ps 71; Ep 3,2-3a.5-6; Mt 2,1-12

Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi

« Noël, célébré le 25 décembre, atteint son apogée aujourd’hui, en ce jour de l’Épiphanie : le Christ révélé à tous les peuples », comme l’explique le Directoire sur l’Homélie de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements (n. 125 ; ). Ainsi, « Tous [les trois lectures de la messe] contribuent à nous révéler le sens et la nature de cette fête de l’Épiphanie. La Parole de Dieu nous dévoile la signification fondamentale de la naissance de Jésus Christ ».

L’Épiphanie est une solennité de nature entièrement missionnaire, car elle célèbre, entre autres, l’événement de la venue des trois mages d’Orient pour adorer l’enfant Jésus, en le reconnaissant comme roi et divin sauveur. En effet, le Catéchisme de l’Église catholique affirme : « Dans ces “mages”, représentants des religions païennes environnantes, l’Évangile voit les prémices des nations qui accueillent la Bonne Nouvelle du salut par l’Incarnation » (n. 528). C’est donc le mystère de la manifestation/révélation du Christ Seigneur aux « non-israélites » et en même temps la reconnaissance par ces derniers du Christ comme Seigneur, comme l’a exprimé saint Paul dans la seconde lecture : « [Ce mystère, c’est que] toutes les nations sont associées au même héritage [d’Israël] ». C’est alors aussi la fête des missions, notamment celles d’Orient, et ce n’est pas un hasard si la grande société missionnaire Missions étrangères de Paris (MEP) a choisi le jour de l’Épiphanie pour sa fête patronale annuelle.

Dans les lectures de ce dimanche, trois points sont particulièrement significatifs et concernent trois mystères à explorer.

  1. Le mystère de l’étoile qui guide

C’est le mystère « numéro 1 » de cette solennité, parce qu’il a souvent suscité curiosité, imagination et discussion. Sans entrer dans les détails du débat, il faut reconnaître le caractère mystérieux et en quelque sorte miraculeux de l’astre selon le récit évangélique. Il est apparu dans le ciel (de l’Est), mais a disparu au-dessus de Jérusalem, puis est réapparu lorsque les mages sont partis et les a guidés jusqu’à « l’endroit où se trouvait l’enfant ». Le dernier point est fondamental pour affirmer la nature tout à fait « surnaturelle » de l’astre, car en effet une telle étoile a dû suffisamment descendre du ciel pour indiquer exactement, sans équivoque, la « place » de l’enfant. Il serait utile ici de rappeler ce qui a été dit dans une méditation précédente : « les récits évangéliques sont écrits pour transmettre avant tout des messages théologico-spirituels, et non pour offrir les détails de ce qui s’est passé comme dans un enregistrement audio-vidéo pour satisfaire la curiosité des lecteurs ». Quel est donc le message que l’Évangile veut annoncer dans le mystère de l’étoile ?

Le chemin de l’étoile dans le récit évangélique semble suggérer l’interprétation suivante. L’étoile est un signe important de Dieu dans la création. Elle illumine l’esprit des hommes, les inspire et les guide à le rencontrer lui-même en Jésus, Dieu fait homme. Cependant, pour arriver à cette fin, ce signe de la création doit nécessairement être intégré et complété par les indications de la Parole de Dieu elle-même révélée dans l’Écriture Sainte. C’est exactement ce que souligne magistralement le pape Benoît XVI : « le langage de la création nous permet de parcourir un bon bout de chemin vers Dieu, mais il ne nous donne pas la lumière définitive. A la fin, pour les Mages, il a été indispensable d’écouter la voix des Saintes Écritures : seules celles-ci pouvaient leur indiquer la voie. La Parole de Dieu est la véritable étoile qui, dans l’incertitude des discours humains, nous offre l’immense splendeur de la vérité divine » (Homélie, 6 janvier 2011). On pourrait ajouter, en se basant sur les détails du récit évangélique, que dans le dernier tronçon de Jérusalem à Bethléem, suggéré par l’Écriture, l’étoile a repris le rôle de guide pour les mages : « elle les a précédés », dit l’Évangile , en route vers la rencontre avec Jésus ! Le signe de la nature collabore harmonieusement avec celui de l’Écriture et tous deux s’avèrent fondamentaux dans la « préparation évangélique » à la rencontre de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme. Les deux sont des chemins valables à garder à l’esprit dans la mission d’évangélisation, qui s’aident et s’enrichissent mutuellement dans le cheminement des peuples vers Jésus, le Chemin vers le Père.

Ce qui vient d’être mentionné a aussi une signification importante pour les disciples du Christ, qui vont dans des pays lointains pour la mission parmi les peuples qui n’ont peut-être jamais entendu parler de Jésus ou du Dieu d’Israël. Ils ne seront pas les premiers à mener ces gens au Christ, mais Dieu lui-même les a toujours précédés d’une manière mystérieuse et avec les voies des étoiles connues de lui seul. Il faut ainsi reconnaître le mystère de l’étoile que Dieu envoie pour guider les hommes et les femmes de tout lieu et de toute génération vers son Fils. Reconnaître le mystère pour collaborer, dans l’humilité et la gratitude, au dessein de Dieu qui nous surprend et nous surprendra toujours, et ce dans tout le processus depuis les semailles jusqu’à la récolte des fruits mûrs de la pleine adhésion au Christ. « Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui donnait la croissance. Donc celui qui plante n’est pas important, ni celui qui arrose ; seul importe celui qui donne la croissance : Dieu » (1 Co 3 : 6-7).

  1. Le mystère de l’enfant, la véritable étoile !

L’étoile qui accompagnait les mages « s’arrêta » à l’endroit de la maison, les laissant entrer là où « ils virent l’enfant avec Marie sa mère ». La scène finale de l’adoration des Mages est belle et très suggestive, bien que décrite en quelques mots et tout en silence ! Il faut donc un silence méditatif de l’esprit et des sens, peut-être encore plus devant la crèche, pour entrer dans le silence mystique dans lequel se situe cette scène et pour remarquer un détail apparemment banal mais théologiquement important : l’étoile, protagoniste jusqu’à présent de l’épisode, demeure non seulement hors de l’endroit où se trouve l’enfant, mais aussi hors de l’histoire ! Autrement dit, à partir de ce moment, l’étoile disparaît totalement de la scène. Évidemment, elle n’apparaît logiquement pas dans le récit de ce qui s’est passé dans la maison, car elle n’a pas pu y entrer avec les Mages ; néanmoins, curieusement, elle n’est même pas mentionné plus tard, quand « par un autre chemin ils [les mages] retournèrent dans leur pays », car cela aurait pu et dû les guider. (S’ils étaient revenus par le même chemin d’où ils étaient venus, il aurait été compréhensible que l’étoile ne soit plus nécessaire, car ils auraient déjà su où aller !).

Apparemment, cette étoile dans le ciel qui a mené les mages à l’enfant n’est plus mentionnée, non seulement parce qu’elle a déjà rempli sa mission avec bonheur, mais aussi et surtout parce que cet enfant, futur roi messie d’Israël, est désormais la véritable étoile en chair et en os sous les yeux d’illustres visiteurs venus d’Orient. Ces derniers, comme l’indique l’évangéliste, sont venu l’adorer après avoir vu « son étoile », où l’adjectif possessif « son » indique grammaticalement une relation étroite de possession entre la personne et l’objet, mais implique aussi sur le plan théologico-spirituel une quasi identification entre eux. A tel point que, seulement à la fin du voyage de Jérusalem à Bethléem (et non au début de la réapparition de l’étoile), au moment même où l’étoile « s’est arrêtée sur la place » de l’enfant, saint Matthieu souligne que le Mages, « en voyant l’étoile, ont ressenti une grande joie ». Ici encore, nous avons l’expression d’une joie particulière, comme déjà dans l’annonce angélique de la veille de Noël : « Je vous annonce une grande joie » (Lc 2, 10). Cette joie est toujours en référence au divin enfant. Par conséquent, les mages se sont grandement réjouis de voir non pas tant l’étoile, mais Jésus lui-même qui est la fin et l’accomplissement.

Il faut se rappeler à cet égard que l’étoile était l’image du roi d’Israël à la fin des temps, de ce messie eschatologique, qui dans la vision de la tradition juive dominera au nom de Dieu tous les rois des nations, ou selon les termes du psaume d’aujourd’hui, « de la mer à la mer, et du Fleuve jusqu’au bout de la terre ! ». En effet, il était déjà préfiguré mystiquement dans les temps anciens par Balaam, un autre « magicien » païen comme ceux de l’Évangile : « je le vois – mais pas pour maintenant – je l’aperçois – mais pas de près : Un astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël » (Nb 24,17). L’auteur sacré du livre de l’Apocalypse fait alors la déclaration du même glorieux Seigneur Jésus: « Je suis le descendant de David, l’étoile resplendissante du matin » (Ap 22,16).

La véritable étoile, est donc bien Jésus, Verbe du Père fait chair, Verbe incarné de Dieu, qui résume en sa personne la lumière de l’étoile et celle de la Parole de Dieu dans les Saintes Écritures. Et après la rencontre avec lui, il ne sera plus nécessaire d’avoir un guide pour rentrer soi car avec lui et en lui nous connaissons désormais le chemin ! Ce sera donc pour toujours.

  1. Le mystère de la grâce de la Lumière qui brille dans les ténèbres du cœur

La foi des mages, exprimée par le geste concret de prosternation et d’adoration, nous étonne toujours. C’est vraiment un mystère de voir comment ils en sont venus à croire en ce petit bébé aux côtés d’une pauvre mère. Et même si leur acte de foi peut être justifié par l’influence des signes de l’astre et des indications de l’Écriture, cela reste toujours un mystère de la grâce que Dieu leur a donnée, les illuminant de sa Lumière qui brille dans les ténèbres du cœur. Ainsi, la lumière de l’étoile, la lumière de l’Écriture sera le reflet de cette vraie lumière du divin enfant qui commence à briller dans le monde, les attirant mystérieusement à lui. Désormais, avec la venue de Jésus qui se déclarera lumière du monde (cf. Jn 8,12a), la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne pourront plus l’accabler (cf. Jn 1,5). C’est pourquoi le prophète Isaïe a exhorté à Jérusalem, représentant du peuple de Dieu, non sans quelque orgueil : « Debout, Jérusalem, resplendis ! Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi », et donc, « les nations marcheront vers ta lumière ». Ainsi, comme nous le dit l’évangile de Luc, le juste Siméon, « poussé par l’Esprit », appelle l’enfant Jésus « lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël » (Lc 2, 32).

Jésus, la vraie lumière, dit : « Celui qui me suit [c’est-à-dire, qui croit en moi] ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie » (Jn 8,12b), et cette lumière illuminera sûrement d’autres ténèbres alentour et sera comme une étoile qui amènera les autres à rencontrer Jésus, la lumière des lumières et l’étoile des étoiles. Il s’agit du grand mystère de la grâce de la lumière qui est arrivé aussi à saint Paul, alors qu’il était dans les ténèbres de la non-foi. Cette lumière l’a conduit à la foi au Christ et à voir clairement la merveilleuse révélation qu’il proclame dans la lettre aux Éphésiens : « les nations sont appelées, dans le Christ Jésus, à partager le même héritage [avec Israël] », en effet, plus encore ainsi, « à former le même corps et participer à la même promesse à travers l’Évangile ». Ils sont appelés à devenir citoyens à part entière de la nouvelle Jérusalem, la cité de Dieu, qui « n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer », car « la gloire de Dieu l’illumine : son luminaire, c’est l’Agneau », le Christ le Seigneur (Ap 21,23).

Je termine avec l’exhortation du pape Benoît XVI dans l’homélie mentionnée : «laissons-nous guider par l’étoile, qui est la Parole de Dieu », dans les Saintes Écritures et dans la même personne de Jésus, la Parole faite chair, « et suivons-la dans notre vie, en marchant avec l’Église, où la Parole a planté sa tente. Notre route sera toujours illuminée par une lumière qu’aucun autre signe ne peut nous donner. Et nous pourrons nous aussi devenir des étoiles pour les autres, reflet de cette lumière que le Christ a fait resplendir sur nous. Amen ».

Benoît XVI, Homélie, 6 janvier 2009

« La fête de l’Épiphanie invite l’Église et, en elle, chaque communauté et chaque fidèle, à imiter, comme le fit l’apôtre des nations, le service que l’étoile rendit aux rois mages d’Orient en les conduisant jusqu’à Jésus (cf. saint Léon le Grand, Disc. 3 pour l’Épiphanie, 5 : PL 54, 244). Qu’a été la vie de Paul après sa conversion, sinon une “course” pour apporter aux peuples la lumière du Christ et, inversement, conduire les peuples au Christ ? La grâce de Dieu a fait de Paul une “étoile” pour les nations. Son ministère est un exemple et un encouragement pour l’Église à se redécouvrir essentiellement missionnaire et à renouveler l’engagement pour l’annonce de l’Évangile, notamment à tous ceux qui ne le connaissent pas encore ».

Pape François, Lettre apostolique, Admirabile signum, 9

« Lorsque s’approche la fête de l’Épiphanie, nous ajoutons dans la crèche les trois santons des Rois Mages. Observant l’étoile, ces sages et riches seigneurs de l’Orient, s’étaient mis en route vers Bethléem pour connaître Jésus et lui offrir comme présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Ces dons ont aussi une signification allégorique : l’or veut honorer la royauté de Jésus ; l’encens sa divinité ; la myrrhe sa sainte humanité qui connaîtra la mort et la sépulture. En regardant la scène de la crèche, nous sommes appelés à réfléchir sur la responsabilité de tout chrétien à être évangélisateur. Chacun de nous devient porteur de la Bonne Nouvelle pour ceux qu’il rencontre, témoignant, par des actions concrètes de miséricorde, de la joie d’avoir rencontré Jésus et son amour ».

Pape François, Lettre encyclique, Lumen fidei, 35

« L’homme religieux cherche à reconnaître les signes de Dieu dans les expériences quotidiennes de sa vie, dans le cycle des saisons, dans la fécondité de la terre et dans tout le mouvement du cosmos. Dieu est lumineux, et il peut être trouvé aussi par ceux qui le cherchent avec un cœur sincère. L’image de cette recherche se trouve dans les Mages, guidés par l’étoile jusqu’à Bethléem (cf. Mt 2,1-12). Pour eux, la lumière de Dieu s’est montrée comme chemin, comme étoile qui guide le long d’une route de découvertes. L’étoile évoque ainsi de la patience de Dieu envers nos yeux, qui doivent s’habituer à sa splendeur. L’homme religieux est en chemin et doit être prêt à se laisser guider, à sortir de soi pour trouver le Dieu qui surprend toujours. »

 

 

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