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« Ma chair, donnée pour la vie du monde »

« Ma chair, donnée pour la vie du monde »
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

20-ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE B)

Pr 9, 1-6 ; Ps 33 ; Ep 5, 15-20 ; Jn 6, 51-58

« Ma chair, donnée pour la vie du monde »

Nous arrivons au sommet du Sermon sur le Pain de la vie. Ainsi, se déclarant d’être pain descendu du ciel, nourriture du monde, Jésus révèle maintenant tout le sens de cette déclaration dans le mystère de l’Eucharistie, c’est-à-dire de sa chair et de son sang à être mangés et bu pour la vie éternelle. Cette perspective eucharistique de l’enseignement de Jésus fera l’objet de notre approfondissement. Cependant, il faut toujours garder à l’esprit ce que nous avons appris précédemment l’aspect de l’enseignement de Jésus comme pain offert à l’Humanité. C’est ce que suggère la liturgie d’aujourd’hui dans la première lecture, qui sert normalement de fond de l’Ancien Testament et de point de départ pour entrer dans une pleine compréhension de l’évangile.

  1. De l’offrande de la sagesse de Dieu à celle de Jésus

Le discours de la sagesse de Dieu dans la première lecture indique avec autorité la bonne direction vers la pleine compréhension des paroles de Jésus sur le Pain. Nous l’avons évoqué en citant également le même passage des Proverbes, dans lequel la mystérieuse Sagesse personnifiée invite chacun à manger et à boire son pain et son vin, métaphore des voies de ses enseignements nécessaires à la vie : « Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé. Quittez l’étourderie et vous vivrez, prenez le chemin de l’intelligence. » (Pr 9,5). La Sagesse offre donc sa nourriture de vie à tous, en particulier à ceux qui sont “inexpérimentés” et “dépourvus de sagesse”, c’est-à-dire les plus nécessiteux. Dans cette optique, l’action de la Sagesse est ensuite soulignée puisqu’elle nourrit ses fidèles avec le pain de l’intelligence et étanche leur soif avec l’eau de la sagesse (cf. Sir 15,3). De plus, on parlera de la nécessité pour chacun de manger et de boire continuellement la Sagesse elle-même, pour être toujours soutenu dans la vie (cf. Sir 24,20). Pour vivre, on doit consommer constamment la Sagesse, c’est-à-dire entrer et rester en communion constante avec Elle, en accueillant ses enseignements salvifiques.

Les textes de Sagesse mentionnés se cachent derrière les déclarations et les expositions de Jésus comme pain de vie dans l’évangile de Jean. Ici, dans le langage de Jésus, on peut facilement reconnaître la voix de la Sagesse personnifiée qui parle. De cette manière, tout comme pour la Sagesse divine dans l’Ancien Testament, manger du pain à l’invitation de Jésus implique avant tout adhérer à ses enseignements et à sa personne, entrant ainsi en communion étroite avec lui. Jésus se révèle l’accomplissement de la sagesse de Dieu. Comme l’explique le bibliste R. Brown, « au chap. 6, dans le contexte de la Galilée, [Jésus] veut montrer que le banquet offert aux cinq mille juste avant Pâques était messianique d’une manière qu’ils n’avaient pas reconnue : c’était un signe que la Sagesse est venue offrir de la nourriture à tous ceux qui le recherchent » (Brown, Giovanni, 354). Jésus en personne offre désormais aux gens son banquet avec son pain qui se révèle désormais, dans cette partie culminante du Discours, comme un don beaucoup plus concret, tangible et accessible. En plus de ses enseignements salvifiques et vivifiants, il offre sa propre « chair pour la vie du monde ».

  1. Le don de la chair et du sang de Jésus pour tous

Ainsi, en approfondissant les paroles de Jésus dans le Discours, on peut entrevoir la nouveauté du pain offert par Jésus par rapport à la Sagesse de l’Ancien Testament. Cette dynamique est visible dans la déclaration de Jésus au v.51. D’une part, il résume au début (v.51a : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ») les explications exposées jusqu’ici dans le Discours sur la nature du pain, dans lequel on entrevoit les trois caractéristiques du pain qu’est Jésus : « vivre », « descendre du ciel » et « donner la vie éternelle » à celui qui le mange. En revanche, il faut noter un passage progressif du croire au manger (mentionné 3 fois aux vv. 49-51), même s’il existe toujours une équivalence entre les deux concepts. C’est-à-dire que le langage devient progressivement de plus en plus concret et atteint son apogée dans la déclaration presque “surprise” du v.51b qui ouvre l’horizon à un nouveau développement du thème : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »

Le texte ne parle plus du pain qu’est Jésus, mais du pain qu’il donnera. En outre, la nouveauté absolue représente le terme chair avec la qualification “pour la vie du monde”, qui, avec l’adverbe spécifique “pour”, se connecte directement au sacrifice suprême de Jésus sur la croix pour l’Humanité et à la formule de consécration eucharistique sur le pain qu’est son corps offert pour nous. Le pain de vie devient ainsi la chair de la vie. Ici, le mot sarx “chair” correspond à l’hébreu basar qui désigne également “corps” ou existence physique, c’est-à-dire celle qui appartient à la sphère terrestre-humaine, caduc et transitoire, clairement distincte du monde divino-spirituel (cf. Jean 3.6 ; 6.63 ; Le terme “corps” va donc de pair avec “sang” dans lequel, selon la tradition biblique juive, réside la vie de tout être vivant (cf. Lv 17,10-14).

Le langage apparaît désormais plus sacramentel-sacrificiel, mais le sens de l’expression « Ma chair, donnée pour la vie du monde » pourrait aussi souligner la réalité et l’importance de l’incarnation du Christ, Parole de Dieu, comme don dans le sillage de la phrase célèbre du Prologue : « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1,14). Le pain que Jésus donnera pour la vie du monde sera le sacrifice de toute son existence corporelle depuis le premier instant de sa “chair” dans le sein de Marie, sa mère. Manger ce pain peut rester au niveau de la foi en Jésus, c’est-à-dire de l’accueil de son intégralité, de sa vie terrestre-céleste, de sa parole humano-divine. En revanche, cet acte de manger est alors étroitement lié, par conséquent, à la consommation de son sang, c’est-à-dire à sa consommation mystique tout entière, corps et âme, offerte en don à l’Humanité physiquement dans le sacrifice sanglant de la croix et de façon sacramentel dans le mystère de l’Eucharistie qu’il nous est recommandé de célébrer en mémoire de lui, c’est-à-dire en mémoire de tout ce qu’il « a dit, fait et souffert », comme le disait saint François d’Assise, exaltant d’une manière particulière la passion du Christ à accueillir.

  1. « Celui qui me mange, lui aussi vivra par moi ». L’Eucharistie comme source et sommet de la vie et de la mission chrétienne

Dans cette perspective, dans la dernière phrase du passage d’aujourd’hui, qui constitue la déclaration conclusive de tout le discours (v.58 : « Tel est le pain qui est descendu du ciel… »), la manière presque impersonnelle de l’affirmation à propos du pain ; il n’y a plus le “Je” de Jésus, mais simplement “Tel est le pain…” ! L’accent est entièrement mis sur la fonction salvatrice du “pain” (“il vivra éternellement”). De plus, émerge une synthèse efficace des images pain – chair – sang, utilisées tout au long du discours. Manger le pain qui est Jésus signifie se nourrir de lui, et cela équivaut à manger sa chair et à boire son sang. La figure stylistique (l’utilisation de deux opposés pour exprimer la totalité) « manger-boire » nous permet de voir ici l’accent non pas sur les actions individuelles de manger ou de boire, mais sur l’acte unique de se  nourrir de sa vie. Le langage se révèle non pas tant celui de la consommation physique de nourriture, mais de la communion de la vie, ou plutôt de l’entrée dans cette communion. Cet aspect de communion est accentué par Jésus lui-même au v.56 : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui », comme lorsqu’il parlera de la relation entre lui et ses disciples avec la métaphore de la vigne et des sarments (cf. Jn 15,5-7).

Il s’agit donc de la vie divine que Jésus veut communiquer à ses fidèles avec le sacrifice de soi, constamment mis en œuvre dans le don du pain eucharistique. À ce propos, lui-même met en avant la chaîne de transmission de la vie du Père au Fils et du Fils à “son consommateur” : « De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi ». La phrase rappelle celle avec laquelle Jésus recommandait à ses disciples de poursuivre la mission que le Père lui avait confiée : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (Jn 20,21). La communion eucharistique avec son Pain conduit donc à la communion avec sa vie qui est toute une mission reçue du Père. Ainsi, celui qui mange Jésus vivra par lui, comme il vit par le Père qui l’a envoyé dans le monde. Mais il sera également vrai que celui qui vit pleinement à travers lui et de lui sera poussé à vivre comme lui, complètement consumé par la mission divine qui lui a été confiée.

Nous sommes appelés à renouveler notre gratitude et notre étonnement face au mystère de l’Eucharistie. Préparons-nous à accueillir le don du Pain eucharistique “entier” de Jésus, qui est sa Parole de vie et sa Chair-Sang offerte pour nous. Ainsi, nous pourrons expérimenter de plus en plus le mystère de l’Eucharistie comme source et sommet de la vie et de la mission chrétienne, en mémoire de tout ce qu’il a dit, fait et souffert.

Pape François, Angélus, Dimanche 8 août 2021

[…] « Je suis le pain vivant », dit-il. Restons sur cette belle image de Jésus. Il aurait pu faire un raisonnement, une démonstration, mais — nous le savons — Jésus parle en paraboles, et dans cette expression : « Je suis le pain vivant », il résume vraiment tout son être et toute sa mission. Lors de la Dernière Cène. Jésus sait que le Père lui demande non seulement de donner à manger aux gens, mais de se donner lui-même, de se rompre lui-même, de rompre sa propre vie, sa propre chair, son propre cœur, pour que nous puissions avoir la vie. Ces paroles du Seigneur réveillent en nous l’étonnement pour le don de l’Eucharistie. Personne en ce monde, quel que soit son amour pour une autre personne, ne peut se faire nourriture pour elle. Dieu l’a fait, et il le fait, pour nous. Retrouvons cet étonnement en adorant le Pain vivant, parce que l’adoration remplit la vie d’étonnement. […]

 

 

(Photo: Pexels.com / Diana)

 

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