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Servir et proclamer le Christ-Roi

Servir et proclamer le Christ-Roi
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

34ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A) – JÉSUS-CHRIST ROI DE L’UNIVERS

Ez 34,11-12.15-17; Ps 22; 1Co 15,20-26.28; Mt 25,31-46

Servir et proclamer le Christ-Roi

Le dernier dimanche de l’année liturgique est consacré à la solennité de Jésus-Christ, Roi de l’Univers, comme l’a voulu le pape Pie XI en l’année sainte 1925 (avec l’encyclique Quas primas), qui en a expliqué les raisons : « Pour que la société chrétienne bénéficie de tous ces précieux avantages et qu’elle les conserve, il faut faire connaître la doctrine de la dignité royale de notre Sauveur ». Cette solennité a  été confirmée par le pape Paul VI dans le nouveau Missel romain et renforcée par le pape François qui, en 2021, a choisi ce dimanche pour la Journée mondiale de la jeunesse.

Dans une telle atmosphère festive, l’évangile nous invite à réfléchir sur ce que l’on appelle la “parabole du Jugement dernier”, où le Christ – le Fils de l’homme qui viendra dans la gloire à la fin des temps et qui, assis sur le trône en tant que roi, jugera  « tous les peuples »- est décrit dans un langage parabolique.

  1. Un rappel clair de la miséricorde active nécessaire au salut de l’Homme

Notre parabole représente le dernier grand enseignement de Jésus sur la miséricorde dans l’évangile de Matthieu, même si les termes de miséricorde sont absents du passage. Cette absence, pour souligner avec le bibliste J. Dupont, « ne doit pas nous induire en erreur », car sont énumérées ici les « œuvres qui caractérisent ce que les rabbins appellent gemilut hasadim, la pratique de la miséricorde ». C’est précisément de cette miséricorde active, pratiquée à travers les six actions concrètes mentionnées dans la parabole, que dépend le sort de l’individu, ce qui rejoint la pensée déjà proclamée par le Jésus de Matthieu dans la béatitude sur les miséricordieux : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5,7).

Il faut souligner le contexte particulier de la parabole en question, qui renforce l’importance de l’enseignement qui s’y trouve : il s’agit de la conclusion du discours eschatologique ainsi que de tout le corpus des enseignements et des actions de Jésus au cours de son activité publique. L’importance de cette conclusion est également soulignée par le ton majestueux du début du récit qui proclame : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui… » (cf. Mt 25,31-32a).

  1. Un message non seulement éthique, mais surtout christologique et christocentrique !

Cependant, on aurait tort de s’arrêter à la dimension de la miséricorde au détriment de la dimension christologique, qui n’en ressort pas moins puissante. Dans la péricope, en effet, le Fils de l’homme s’identifie à chacun « de ces plus petits » (cf. Mt 25,40.45), trouvés dans la misère et ayant donc besoin d’aide. Il faut souligner ici le problème exégétique encore débattu de l’identité « de ces plus petits de mes frères ». S’agit-il des nécessiteux en général ou des chrétiens en situation de malheur ? À notre avis, l’un n’exclut pas nécessairement l’autre. Quelle que soit la solution, la pensée christologique du récit est toujours claire : le Fils de l’homme s’identifie aux misérables et aux malheureux. Il faut ajouter que cette identification s’est peut-être développée non pas tant sur la base des appels moraux de Jésus que sur le fait qu’il a lui-même connu des malheurs similaires au cours de sa vie, en particulier au moment de la Croix.

En outre, le point central de la parabole ne nous semble pas tant le jugement final sur l’accomplissement ou non des œuvres de miséricorde que la révélation surprise de la véritable signification christologique de chaque œuvre accomplie ou non. C’est précisément cet élément qui surprend et bouleverse les auditeurs qui reflète le plus le style parabolique de Jésus et représente le véritable centre de gravité de la parabole où le message original est censé être transmis. Dans cette perspective, la miséricorde pour le salut se révèle essentiellement christocentrique et non théocentrique : « chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait » (cf. Mt 25,40.45). Jésus enseigne la miséricorde en se référant à lui-même ! Telle est la nouveauté apportée par Mt par rapport à la pensée bien connue dans la tradition biblico-judaïque concernant l’attente de la miséricorde divine dans le Jugement dernier, également présente dans le NT.

Ici, nous avons vraiment le point culminant de tout son enseignement sur ce sujet, où l’on peut observer un échange intéressant : Jésus miséricordieux, qui était jusqu’à présent le sujet de la miséricorde divine, c’est-à-dire celui qui la dispense aux nécessiteux, devient maintenant l’objet de la miséricorde humaine. En exhortant à la miséricorde, Jésus ne se concentre plus sur des raisons anthropologiques ou théologiques (faire pour Dieu en le remerciant et en suivant son exemple) mais sur sa propre personne, comme s’il voulait recommander maintenant : faites ceci en pensant à moi ou, pour utiliser l’expression chère à Jésus, en mémoire de moi !

  1. Les œuvres de miséricorde à rappeler et à accomplir pour servir le Christ Roi

Les actions mentionnées dans la parabole sont intégrées dans la liste des sept œuvres de miséricorde corporelle de notre catéchisme de l’Église catholique. Le pape François leur a également consacré une série de catéchèses, en se référant initialement au passage de l’Évangile d’aujourd’hui :

Comment, donc, pouvons-nous être témoins de miséricorde? Ne pensons pas qu’il s’agit d’accomplir de grands efforts ou des gestes surhumains. Non, ce n’est pas cela. Le Seigneur nous indique une voie beaucoup plus simple, faite de petits gestes qui ont toutefois à ses yeux une grande valeur, au point qu’il nous a dit que c’est sur eux que nous serons jugés. En effet, l’une des plus belles pages de l’évangile de Matthieu nous rapporte l’enseignement que nous pourrions considérer en quelque sorte comme le « testament de Jésus » de la part de l’évangéliste, qui fit directement l’expérience sur lui de l’action de la miséricorde. Jésus dit que chaque fois que nous donnons à manger à ceux qui ont faim et à boire à ceux qui ont soif, que nous revêtons une personne nue et que nous accueillons un étranger, que nous visitons un malade ou un prisonnier, c’est à lui que nous le faisons (cf. Mt 25, 31-46). L’Église a appelé ces gestes « œuvres de miséricorde corporelles » , parce qu’ils portent secours aux personnes dans leurs nécessités matérielles. (Audience générale, mercredi, 12 octobre 2016)

Il est donc indispensable de se rafraîchir la mémoire avec cette liste :

  1. Nourrir les affamés
  2. Donner à boire aux assoiffés
  3. Vêtir ceux qui sont nus
  4. Accueillir les pèlerins
  5. Visiter les prisonniers
  6. Visiter les malades
  7. Ensevelir les morts

À la lumière de la parabole analysée, ces actes de miséricorde ne sont pas seulement des expressions de l’éthique ou de la morale, mais des manifestations de notre foi et de notre amour pour le Christ lui-même dans ceux qui sont dans le besoin. Ainsi, notre service aux personnes dans le besoin sera aussi une proclamation que le Christ est présent en elles et, en même temps, qu’il règne en nous aussi.

Concluons donc avec l’exhortation du pape François :

Ces œuvres de miséricorde sont les traits du Visage de Jésus Christ qui prend soin de ses frères plus petits pour apporter à chacun la tendresse et la proximité de Dieu. Que l’Esprit Saint nous aide, que l’Esprit Saint éveille en nous le désir de vivre avec ce style de vie : en faire au moins une chaque jour! Apprenons à nouveau par cœur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles et demandons au Seigneur de nous aider à les mettre en pratique chaque jour et au moment où nous voyons Jésus dans une personne qui est dans le besoin. (Audience Générale, Mercredi, 12 octobre 2016)

Papa François, Audience générale, 12 octobre 2016

D’ailleurs, l’Église, fidèle à son Seigneur, nourrit un amour préférentiel pour les plus faibles. Souvent, ce sont les personnes les plus proches de nous qui ont besoin de notre aide. Nous ne devons pas aller à la recherche de je ne sais quelle entreprise à réaliser. Il vaut mieux commencer par celles qui sont plus simples, que le Seigneur nous indique comme les plus urgentes. Dans un monde malheureusement atteint par le virus de l’indifférence, les œuvres de miséricorde sont le meilleur antidote. En effet, elles nous éduquent à l’attention envers les exigences les plus élémentaires de nos « frères plus petits » (Mt 25, 40), dans lesquels est présent Jésus. Jésus est toujours présent là. Là où il existe un besoin, une personne qui a un besoin, qu’il soit matériel ou spirituel, Jésus est là. Reconnaître son visage dans celui qui est dans le besoin est un véritable défi contre l’indifférence. Cela nous permet d’être toujours vigilants, en évitant que le Christ passe à côté de nous sans que nous le reconnaissions. La phrase de saint Augustin nous revient à l’esprit : « Timeo Iesum transeuntem » (Serm. 88, 14, 13), « J’ai peur que le Seigneur passe » et que je ne le reconnaisse pas, que le Seigneur passe devant moi dans l’une de ces personnes petites, dans le besoin, et que je ne m’aperçoive pas que c’est Jésus. J’ai peur que le Seigneur passe et que je ne le reconnaisse pas! Je me suis demandé pourquoi saint Augustin a dit de craindre le passage de Jésus. La réponse, malheureusement, réside dans nos comportements : parce que souvent, nous sommes distraits, indifférents, et quand le Seigneur passe à côté de nous nous perdons l’occasion de le rencontrer.

Catéchisme de l’Église catholique 

2447 Les œuvres de miséricorde sont les actions charitables par lesquelles nous venons en aide à notre prochain dans ses nécessités corporelles et spirituelles (cf. Is 58, 6-7 ; He 13, 3). Instruire, conseiller, consoler, conforter sont des œuvres de miséricorde spirituelle, comme pardonner et supporter avec patience. Les œuvres de miséricorde corporelle consistent notamment à nourrir les affamés, loger les sans logis, vêtir les déguenillés, visiter les malades et les prisonniers, ensevelir les morts (cf. Mt 25, 31-46). Parmi ces gestes, l’aumône faite aux pauvres (cf. Tb 4, 5-11 ; Si 17, 22) est un des principaux témoignages de la charité fraternelle : elle est aussi une pratique de justice qui plaît à Dieu (cf. Mt 6, 2-4) :

Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a à manger fasse de même (Lc 3, 11). Donnez plutôt en aumône tout ce que vous avez, et tout sera pur pour vous (Lc 11, 41). Si un frère ou une sœur sont nus, s’ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l’un d’entre vous leur dise : “ Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous ”, sans leur donner ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il ? (Jc 2, 15-16 ; cf. 1 Jn 3, 17).

2448 “ Sous ses multiples formes : dénuement matériel, oppression injuste, infirmités physiques et psychiques, et enfin la mort, la misère humaineest le signe manifeste de la condition native de faiblesse où l’homme se trouve depuis le premier péché et du besoin de salut. C’est pourquoi elle a attiré la compassion du Christ Sauveur qui a voulu la prendre sur lui et s’identifier aux ‘plus petits d’entre ses frères’. C’est pourquoi ceux qu’elle accable sont l’objet d’un amour de préférence de la part de l’Église qui, depuis les origines, en dépit des défaillances de beaucoup de ses membres, n’a cessé de travailler à les soulager, les défendre et les libérer. Elle l’a fait par d’innombrables œuvres de bienfaisance qui restent toujours et partout indispensables ” (CDF, instr. “ Libertatis conscientia ” 68).

 

(Photo: Pexels.com / Sarwer e Kainat Welfare)

 

 

 

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