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16ème dimanche du temps ordinaire (Année C)

Le vrai disciple missionnaire du Christ
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv.,
Secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

16ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE C)

Gn 18, 1-10a; Ps 14; Col 1, 24-28; Lc 10, 38-42

Seigneur, qui séjournera sous ta tente ?

Le vrai disciple missionnaire du Christ

L’évangile de ce dimanche s’inscrit dans une continuité avec celui de la semaine dernière et nous ramène à l’école de Jésus lors de son dernier voyage vers Jérusalem. Aujourd’hui c’est l’arrêt de Jésus chez « une femme nommée Marthe » et son dialogue avec elle (ou plutôt leur question-réponse) concernant l’attitude de Marie, sa sœur. Cette continuité et cette complémentarité entre le passage évangélique d’aujourd’hui et celui du dimanche précédent nous aide à comprendre sous un autre angle l’enseignement fondamental que Jésus a laissé non seulement à Marthe à cette occasion, mais aussi à chacun de ses disciples de tous les temps.

  1. Du double commandement de l’amour aux deux attitudes envers Jésus : une nécessaire clarification

Comme indiqué plus haut, l’épisode de l’hospitalité dans la maison de Marthe s’est produit immédiatement après que Jésus eut confirmé à un docteur de la loi mosaïque la validité du double commandement, la parabole du Bon Samaritain, avait enseigné une nouvelle façon d’aimer l’autre, qui consistait à se faire le prochain de tout nécessiteux au-delà de toutes limites, en surmontant les différences de nationalité, de race, de groupe religieux ou d’inimitiés.

Or, dans la maison des deux sœurs Marthe et Marie, Jésus s’est trouvé face à deux attitudes qui semblent refléter, en pratique, ces deux aspects de l’amour recommandés par la Loi et confirmés par Jésus lui-même. En effet, Marthe a accueilli Jésus, « alors qu’il était en route », selon le modèle du patriarche Abraham qui accueillait les invités qui passaient sous sa tente avec joie et générosité, comme le rappelle la première lecture. Par cet acte, Marthe a non seulement mis en pratique la bonne tradition de l’hospitalité de son peuple, mais elle a aussi démontré qu’elle a absous un aspect important de l’amour du prochain, en prenant soins, avec « les multiples occupations du service » de Jésus et ses disciples, invités dans sa maison.

En revanche, Marie, sa sœur (probablement plus jeune, car la maison appartient à Martha !), avait une autre attitude : « s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole ». Le verbe « écouter » dans cette description renvoie au début de l’exhortation à aimer Dieu : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » (Dt 6 : 4-5). Marie apparaissait donc comme un exemple pratique du commandement de l’amour de Dieu, puisqu’elle écoutait avec son cœur l’enseignement divin sur les lèvres du maître Jésus.

Dans cette perspective, les comportements différents des deux sœurs envers Jésus en eux-mêmes ne sont pas opposés, mais complémentaires et tous deux nécessaires, tout comme la pratique des deux aspects de l’amour recommandés dans la Loi de Dieu.

  1. « Tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses» : une douce correction de Jésus sur l’amour de Marthe

Dans ce contexte, ce que fait Marthe pour accueillir Jésus est plus que louable et nécessaire. Le seul problème est qu’elle accomplit ses « nombreux services » pour Jésus, selon sa propre façon de voir les choses. Cela la mit en crise, en occasionnant du même coup une critique sur l’attitude indifférente de sa sœur et même celle de Jésus : « Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? » Dis-lui donc de m’aider ».

Le fait est sympathique. Il démontre le fort caractère de la femme, la propriétaire de la maison, qui ne regarde personne en face, pas même Jésus, l’illustre invité. Et si Marthe a pu le dire devant l’hôte, on imagine aisément comment elle s’adressera à sa sœur après le départ de tous les invités !

En tout cas, le maître Jésus, grâce à ce qui s’est passé, a eu l’occasion de corriger cette attitude d’amour du prochain selon la vision humaine qui finit alors par l’inquiétude et la critique de tous les autres qui « ne m’aiment pas » ! Il a appelé Marthe deux fois : « Marthe Marthe », non pas parce qu’elle était sourde ou hyper distraite, mais pour attirer son attention sur un message très important, comme Dieu l’a fait avec ses serviteurs Abraham, Moïse, Samuel. Ce message est précisément ce que tout disciple devra désormais apprendre par cœur : « tu te donnes du souci et tu t’agites [lit. « Tu t’inquiètes »] pour bien des choses. Une seule est nécessaire ».

L’accent est mis ici sur « une chose » qui est nécessaire. Le reproche de s’inquiéter « pour bien des choses » sert justement à laisser place à cette seule chose nécessaire que Jésus exalte. Dans la même perspective, Jésus à d’autres occasions recommandait même à ses disciples de « ne pas se soucier » de quoi manger et de quoi s’habiller (cf. Lc 12,22.25.26; Mt 6,25.27.28.31.34). Cette attitude d’insouciance dans la vie des disciples de Jésus renvoit donc à une orientation toute entière vers Dieu et son Royaume, la seule désormais nécessaire pour eux. Cette juste vision de la hiérarchie divine dans les choses de la vie du disciple sera et doit être la clé de la pratique de l’amour du prochain selon la pensée de Dieu et non selon celle des hommes ! Le service de Jésus ou du prochain en général doit aussi être soumis à un examen constant et à une purification selon la primauté d’une « chose nécessaire » pour ne pas tomber dans une situation paradoxale mais fréquente : dans mon engagement à servir les autres au nom de l’amour, je viens à perdre la paix intérieure (en moi) et celle extérieure (avec les autres) !

  1. « Une seule est nécessaire» : la leçon pour un vrai disciple

Quelle est alors la « seule chose » nécessaire à laquelle Jésus se réfère ? C’est certainement une attitude d’écoute de la parole de Jésus, comme beaucoup l’ont justement noté dans le texte : « Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole ». Cependant, un détail dans le texte doit être souligné : Marie « s’étant assise aux pieds » de Jésus. Cette position est celle habituelle des disciples à l’école d’un maître, selon la tradition juive rabbinique. L’écoute de Marie est donc celle spécifique d’un disciple devant Jésus, que saint Luc mentionne ici avec le titre solennel de « Seigneur » pour accentuer la figure du maître divin. Il s’agit donc d’écouter attentivement et docilement l’enseignement de Dieu, transmis et expliqué avec autorité par Jésus. Et c’est précisément la seule chose nécessaire que Jésus a appelée « la meilleure part », car lui-même proclamera : « Heureux plutôt ceux qui écoutez la parole de Dieu, et qui la gardent ! « (Lc 11, 28)

Selon la tradition rabbinique, l’étude de la Torah / Loi de Dieu est la meilleure parmi toutes les autres activités (m.Aboth 2,8 ; 3,2). La recommandation de Jésus concernant l’attitude de Marie est placée dans une perspective similaire, mais en mettant l’accent sur l’écoute de la parole de Jésus, comportement qui se trouve fondamental et nécessaire pour ses disciples missionnaires. Il a lui-même choisi les douze apôtres « pour qu’ils soient avec lui » avant de les envoyer en mission d’annonce et de guérison (cf. Mc 3, 14). C’est cela le véritable sens d’être un disciple missionnaire : être avec Jésus en écoutant ses paroles de tout son cœur et de tout son esprit, pour pouvoir ensuite transmettre fidèlement son message divin aux autres sur le chemin de la vie.

Saint Jean-Paul II, Lettre encyclique sur la valeur permanente du précepte missionnaire, Redemptoris Missio, n. 91

Que les missionnaires, de leur côté, réfléchissent sur le devoir de la sainteté que le don de la vocation leur demande, en se renouvelant de jour en jour par une transformation spirituelle et en mettant à jour continuellement leur formation doctrinale et pastorale. Le missionnaire doit être « un contemplatif en action ». La réponse aux problèmes, il la trouve à la lumière de la parole divine et dans la prière personnelle et communautaire. […] Le missionnaire, s’il n’est pas un contemplatif, ne peut annoncer le Christ d’une manière crédible ; il est témoin de l’expérience de Dieu et doit pouvoir dire comme les Apôtres : « Ce que nous avons contemplé…, le Verbe de vie…, nous vous l’annonçons » (1 Jn 1, 1-3).

Pape François, Angélus, Place Saint-Pierre, Dimanche, 21 juillet 2019

Dans cette scène de Marie de Béthanie aux pieds de Jésus, saint Luc montre l’attitude priante du croyant, qui sait rester en présence du Maître pour l’écouter et entrer en harmonie avec lui. Il s’agit de faire une pause pendant la journée, de se recueillir en silence, quelques minutes, pour faire de la place au Seigneur qui «passe» et de trouver le courage de rester un peu «à l’écart» avec lui, pour ensuite revenir, avec plus de sérénité et d’efficacité, aux choses du quotidien. En louant le comportement de Marie, qui «a choisi la meilleure part» (v. 42), Jésus semble répéter à chacun de nous : «Ne te laisse pas emporter par les choses à faire, mais écoute avant tout la voix du Seigneur pour bien accomplir les tâches que la vie t’assigne». […]

Par conséquent, l’Evangile d’aujourd’hui nous rappelle que la sagesse du cœur réside précisément dans la capacité de conjuguer ces deux éléments : la contemplation et l’action. Marthe et Marie nous montrent le chemin. Si nous voulons goûter la vie avec joie, nous devons associer ces deux attitudes: d’une part, le fait d’«être aux pieds» de Jésus, pour l’écouter pendant qu’il nous révèle le secret de chaque chose; d’autre part, être attentifs et ouverts à l’hospitalité, quand Il passe et frappe à notre porte, avec le visage de l’ami qui a besoin d’un moment de repos et de fraternité. Cette hospitalité est nécessaire.

Pape François, Angélus, Place Saint-Pierre, Dimanche, 17 juillet 2016

En s’affairant et en se donnant de la peine, Marthe risque d’oublier — et c’est le problème — la chose la plus importante, c’est-à-dire la présence de l’hôte, qui était Jésus dans ce cas. Elle oublie la présence de l’hôte. Et l’hôte ne doit pas simplement être servi, nourri, soigné de toutes les façons possibles. Il faut surtout qu’il soit écouté. Rappelez-vous bien de ce mot : écouter ! Car l’hôte doit être accueilli comme une personne, avec son histoire, son cœur riche de sentiments et de pensées, afin qu’il puisse se sentir vraiment en famille. Mais si tu accueilles un hôte chez toi et que tu continues à t’affairer, que tu le fais asseoir là, lui muet et toi muet, c’est comme s’il était de pierre : l’hôte de pierre. Non. L’hôte doit être écouté. Certes, la réponse que Jésus donne à Marthe — quand il dit qu’une seule chose est nécessaire — trouve sa pleine signification en référence à l’écoute de la parole de Jésus, cette parole qui illumine et soutient tout ce que nous sommes et ce que nous faisons. […] Et nous ne devons pas oublier que dans la maison de Marthe et Marie, Jésus, avant d’être Seigneur et Maître, est pèlerin et hôte. […] Pour l’accueillir, il n’est pas nécessaire de faire beaucoup de choses ; au contraire, une seule chose est nécessaire : l’écouter.

Bienheureux Paolo Manna, Virtù apostoliche. Lettere ai missionari, EMI, Bologna 1997, p. 302

Généralement on dit que Marthe représente la vie active et Marie la vie contemplative. A la plainte de Marthe, Jésus répond : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée » (Lc 10,41-42).

Nous avons besoin de la contemplation, qui est aussi appelée la meilleure part. Si la contemplation est nécessaire, et est la meilleure part, comment les missionnaires peuvent-ils s’en passer ? Mais nous, dira-t-on, avons embrassé la vie active… ! Je vous dis que non. Nous avons embrassé l’apostolat, qui est la vie complète et vraiment parfaite, parce que c’est la vie menée sur la terre par le Fils de Dieu. La vie purement active n’existe pas. Marie a choisi la part meilleure: nous avons choisi le tout, qui contient, doit contenir principalement et nécessairement la meilleure part, qui est l’Oraison. Le missionnaire est Marie dans la contemplation, il est Marthe dans l’action extérieure. Le missionnaire qui veut jouer uniquement le rôle de Marthe est réprimandé par notre Seigneur, il n’est pas béni et ne conclut rien.

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