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18ème dimanche du temps ordinaire (Année C)

Proclamer la sagesse de la vie (la vie sage) en Dieu
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., Secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

18ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE C)

Qo 1, 2 ; 2, 21-23; Ps 89; Col 3, 1-5.9-11; Lc 12, 13-21

D’âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge

Proclamer la sagesse de la vie (la vie sage) en Dieu

Après avoir enseigné à ses disciples à prier avec insistance et confiance filiale pour l’avènement du Royaume de Dieu et pour les choses essentielles de la vie, maintenant Jésus, dans son voyage missionnaire à Jérusalem, fait face à une curieuse situation où « du milieu de la foule, quelqu’un » lui demande : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage ». Cette demande provoque une forte réaction chez Jésus qui, cependant, saisit immédiatement l’occasion d’enseigner, voire de proclamer la sagesse de la vie à tous ceux qui étaient présents, alors comme à nous tous, ses auditeurs modernes.

  1. « Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages?» : une clarification nécessaire sur la vraie mission de Jésus

Répondant à ce « quelqu’un du milieu de la foule », Jésus coupa court avec un refus clair exprimé par une question rhétorique : « Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? ». Derrière cette réponse, on pouvait entrevoir un Jésus irrité. Pourquoi cette forte réaction ? En fin de compte, avec la sollicitation à résoudre la question de l’héritage, le demandeur a reconnu l’autorité de Jésus comme Maître (et l’a même appelé ainsi), comme d’autres rabbins qui étaient des juges compétents pour trancher en la matière.

Cependant, Jésus n’aimait pas un tel « honneur » car dans cette demande il y avait une grave incompréhension de sa mission pour le Royaume de Dieu et pour le salut de l’humanité. Jésus, à 12 ans, avait déjà déclaré solennellement au Temple, devant ses parents « affligés » de l’avoir cherché depuis trois jours : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Lc 2,49). Ce sont précisément ses premiers mots dans l’Évangile de Luc, et à partir de ce moment, dès le début de l’âge adulte selon la tradition juive, il a dirigé toute sa vie pour accomplir la volonté du Père, pour l’avènement de son Royaume et pour apporter l’homme à son Dieu (par conséquent, Jésus sera également établi par Dieu comme « juge » et « médiateur », mais juge des choses divines et médiateur entre Dieu et les hommes).

Cette mission a maintenant atteint sa phase finale avec son dernier voyage à Jérusalem et il n’y a donc pas lieu de s’attarder sur d’autres choses moins importantes en cours de route. A tel point que, il recommandait même aux disciples envoyés par lui en mission de ne « saluer » personne dans la rue ! Il a lui-même invité un de ses disciples potentiels qui voulait aller en premier enterrer son père :« Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars, et annonce le règne de Dieu » (Lc 9,60). Le Maître de Nazareth souligne l’urgence du cheminement de la proclamation du royaume de Dieu qu’Il entreprend et invite maintenant ses disciples potentiels à faire, laissant « les morts [spirituels du monde] » enterrer « leurs morts [physiques] ». Ces mots pourraient résonner ainsi pour l’homme d’aujourd’hui : « Je laisse les mortels résoudre les choses des mortels, moi je m’en vais annoncer le Royaume ! J’aurai souhaité qu’une vision aussi claire de la mission et une telle détermination que celle de Jésus puisse se retrouver aujourd’hui chez ses disciples missionnaires dans l’exercice de leurs activités missionnaires.

  1. « Gardez-vous bien de toute avidité …» : ce qui compte vraiment dans la vie

Curieusement, la demande de l’homme sans nom reflète en réalité la situation de tant de familles, de tant de frères et sœurs de tous les temps, y compris aujourd’hui. Par conséquent, le refus clair de Jésus, sa prise de distance par rapport à la demande de l’homme « de la foule » ainsi que son enseignement ultérieur aideront beaucoup à recentrer la réalité la plus importante de la vie, à relativiser les choses terrestres et surmonter les tensions inutiles causées par divers litiges sur l’héritage qui n’en finissent plus ! Et cela est particulièrement vrai pour ceux qui ont vécu ou, pire encore, traversent ces mauvaises expériences, face au partage de l’héritage de leurs parents où d’un coup, tout amour fraternel disparait (qui existait avant !). Voici l’avertissement de Jésus à nous tous, pas seulement à cet homme de la foule, car subtilement il est écrit qu’Il « s’adressant à tous » : « Gardez-vous bien de toute avidité ».

Ce sur quoi Jésus attire maintenant l’attention fait écho à de nombreux enseignements de Dieu pour son peuple dans les Écritures, en particulier dans la tradition de la sagesse dans laquelle le danger de la cupidité se fait sentir qui provoque une situation de richesse sans paix, tranquillité et amour. Une vie pauvre mais « saine » serait donc préférable. Il suffit de faire référence à quelques phrases du livre des Proverbes qui conseillent de manière très « pittoresque” : « Mieux vaut peu, avec la crainte du Seigneur, qu’un grand trésor et ses embarras. Mieux vaut un plat de légumes servi avec amour que du veau gras et de la haine » (Pr 15,16-17). Et encore : « Mieux vaut du pain sec, et la paix, qu’une salle de banquet pleine de discorde » (Pr 17,1). Le sage Quoelet (première lecture) est encore plus provocateur, accentuant la vanité de toutes les réalités « sous le soleil » : « que reste-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? ». Dans le même ordre d’idées, nous trouvons saint Paul qui, dans la lettre aux Colossiens (deuxième lecture), demande aux fidèles de les faire mourir en eux, entre autres, « cette soif de posséder, qui est une idolâtrie ».

  1. « Tu es fou […] ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?» : pour une sagesse de vie divine mais aussi humaine

Ici, dans son enseignement, Jésus va encore plus loin en insistant sur la raison existentielle pour laquelle il ne vaut pas la peine de rechercher constamment la richesse : « car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède. ». Voici la sagesse divine qui a déjà été décrite dans l’Ancien Testament à travers la réflexion du Psaume 49, notamment :« Nul ne peut racheter son frère ni payer à Dieu sa rançon : aussi cher qu’il puisse payer, toute vie doit finir. Peut-on vivre indéfiniment sans jamais voir la fosse ? » (Ps 48,8-10). Et encore, « Ne crains pas l’homme qui s’enrichit, qui accroît le luxe de sa maison : aux enfers il n’emporte rien ; sa gloire ne descend pas avec lui » (Ps 48,17-18).

La parabole du riche insensé, que Jésus a racontée comme une sorte d’illustration, veut encore accentuer le point annoncé. Il reprend en fait l’observation pointue du sage Ben Sira au sein de la tradition sapientiale juive : « Tel s’enrichit à force d’être économe et regardant, mais voici ce qu’il y gagne : quand il dit : « Enfin le repos ! Maintenant je vais jouir de mes biens », il ignore combien de temps cela va durer : il devra laisser ses biens à d’autres et mourra » (Sir 11,18-19). Ainsi, Jésus apparaît comme un sage de Dieu qui poursuit et confirme par son autorité la réflexion sapientiale de son peuple, transmise dans l’Ecriture Sainte. Il dénonce avec force la folie de l’homme qui s’enferme dans le cercle de sa propre « prospérité » et proclame la sagesse qui vient d’en haut pour une vie sage devant Dieu. Il qualifie effectivement cet homme de « fou » et conclut sa parabole par un avertissement : « Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu » (Lc 12,21). Il faut se rappeler qu’à un autre moment, Jésus demande rhétoriquement : « Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier si c’est au prix de sa vie ? Que pourrait-il donner en échange de sa vie ? » (Mc 8,36-37). (C’est le texte qui donna l’impulsion décisive à la conversion de saint Ignace de Loyola, fondateur des Jésuites). En lisant la parabole du riche fou, certains pourraient penser que peut-être l’homme riche pourrait encore avoir sa satisfaction et son bonheur en voyant ses enfants ou ses proches heureux de recevoir ses biens en héritage (et la réponse imaginaire du riche à la question rhétorique « Tu es fou […] ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?» serait : « de mes enfants et parents » !). A cet égard, il faudra relire la curieuse histoire de saint François d’Assise, probablement inspirée et calquée sur la parabole évangélique en question. Il raconte la mort d’un riche mourant impénitent, c’est-à-dire de celui qui ne s’ouvre pas à Dieu (cf. Saint François d’Assise, Lettre à tous les fidèles. Deuxième rédaction, 72-76.83-85 : Fonti Francescane 205)

[…] Le corps s’affaiblit, la mort approche, parents et amis viennent dire : « Prends tes dispositions ! » Et voilà sa femme et ses enfants, ses amis et ses proches qui font semblant de pleurer. Il regarde autour de lui, voit les siens en larmes et, se laissant aller à une émotion coupable, il pense en lui même et dit : « Tant pis ! Mon âme, mon corps et tous mes biens, je les remets entre vos main ». Vraiment cet homme est maudit, qui confie et remet son âme, son corps et tous ses biens en de telles mains. Aussi le Seigneur dit-il par le Prophète : Maudit soit l’homme qui se confie en l’homme. […] Talents, pouvoir et science, tout ce qu’il croyait avoir lui sera enlevé. Il le laisse à ses parents et amis qui emportent et se partagent ses biens, et qui disent ensuite : « Maudite soit son âme ! Il aurait pu nous donner bien davantage, et amasser plus qu’il n’a amassé ! » Le corps est la proie des vers ; et ainsi perd il son âme et son corps en ce monde qui passe si vite, et il ira en enfer où il sera tourmenté sans fin.

Évidemment, il s’agit d’un cas extrême et presque surréaliste raconté de manière caricaturale. Cependant, il réaffirme la vérité d’un état d’insatisfaction même chez ceux qui le reçoivent, car la cupidité engendre la cupidité ! Cela reflète la situation fréquente autour du partage de l’héritage, que vraiment « quelqu’un du milieu de la foule », a demandé à Jésus de « regler » dans l’épisode de l’Evangile d’aujourd’hui ! Comme nous l’avons vu, la solution de Jésus pour ces cas est assez radicale :« Gardez-vous bien de toute avidité ». Méfiez-vous de la fin tragique du riche fou, qui « qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu ». Alors, l’exhortation de saint Paul en deuxième lecture sera plus qu’adéquate pour nous tous, disciples de Jésus :« Frères, si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre ». C’est la sagesse divine à apprendre de Jésus et à partager avec les autres au cours de notre voyage.

Pape François, Méditation matinale, L’argent est utile la cupidité tue, Lundi, 21 octobre 2013

Au début de son homélie, le Saint-Père a rappelé la figure de l’homme qui demande à Jésus d’intimer à son frère de partager avec lui l’héritage. Pour le Pape, le Seigneur nous parle à travers ce personnage « de notre rapport avec les richesses et avec l’argent ». Un thème qui ne date pas seulement d’il y a deux mille ans mais est encore présent aujourd’hui, tous les jours. « Combien de familles détruites avons-nous vues pour des questions d’argent : frère contre frère ; père contre enfants ! ». Parce que la première conséquence de l’attachement à l’argent est la destruction de l’individu et de qui lui est proche. « Quand une personne est attachée à l’argent, elle se détruit elle-même, elle détruit la famille ». Bien sûr, l’argent ne doit pas être diabolisé de manière absolue. « L’argent sert à faire avancer tant de choses de bien, des travaux, pour développer l’humanité ». Ce qu’il faut condamner, en revanche, c’est sa mauvaise utilisation. À ce propos, le Pape a répété les paroles prononcées par Jésus dans la parabole de l’« homme riche » contenue dans l’Évangile : « Qui accumule des trésors pour soi, ne s’enrichit pas envers Dieu ». D’où la mise en garde : « Faites attention et tenez-vous loin de toute cupidité ». C’est elle en effet, « qui fait mal dans le rapport avec l’argent » ; c’est la tension constante à toujours avoir davantage qui « conduit à l’idolâtrie » de l’argent et finit par détruire « la relation avec les autres ». Parce que la cupidité rend l’homme malade, en l’entraînant dans un cercle vicieux dans lequel toute pensée est faite « en fonction de l’argent ». Du reste, la caractéristique la plus dangereuse de la cupidité est celle d’être « un instrument de l’idolâtrie : parce qu’elle emprunte la voie contraire » à celle tracée par Dieu pour les hommes. Et à cet égard, le Saint-Père a cité saint Paul, qui rappelle « que Jésus Christ, qui était riche, s’est fait pauvre pour nous enrichir ». Il y a donc une « voie de Dieu », celle « de l’humilité, de l’abaissement pour servir », et un parcours qui va dans la direction opposée, où conduisent la cupidité et l’idolâtrie : « Toi qui es un pauvre homme, tu te fais dieu par vanité ».

Pape François, Angélus, Dimanche 4 août 2013

Aujourd’hui, dans la liturgie, retentit la parole provocante de Quoèlet : « Vanité des vanités… tout est vanité » (1, 2). Les jeunes sont particulièrement sensibles au vide de signification et de valeurs qui les entoure souvent. Et malheureusement, ils en paient les conséquences. En revanche, la rencontre avec Jésus vivant, dans sa grande famille qui est l’Église, remplit le cœur de joie, car elle le remplit de joie véritable, d’un bien profond, qui ne passe pas et qui ne se gâte pas ; nous l’avons vu sur le visage des jeunes à Rio. Mais cette expérience doit affronter la vanité quotidienne, ce venin du vide qui s’insinue dans nos sociétés fondées sur le profit et sur la possession, qui trompent les jeunes avec la consommation. L’Évangile de ce dimanche nous rappelle précisément l’absurdité de fonder son propre bonheur sur la possession. Le riche se dit à lui-même : Mon âme, tu as à disposition de nombreux biens… Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence ! Mais Dieu lui dit : tu es fou, cette nuit même, on te redemandera ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? (cf. Lc 12, 19-20).

La véritable richesse est l’amour de Dieu partagé avec les frères. Cet amour qui vient de Dieu et qui fait que nous le partageons entre nous et que nous nous aidons entre nous. Celui qui en fait l’expérience ne craint pas la mort, et reçoit la paix du cœur.

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