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25ème dimanche du temps ordinaire (Année C)

La Sagesse-astuce pour l’avenir
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., Secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

25ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE C)

Am 8,4-7; Ps 112; 1Tm 2,1-8; Lc 16,1-13

Louez le nom du Seigneur : de la poussière il relève le faible.

La Sagesse-astuce pour l’avenir

Le récit parabolique de l’Évangile d’aujourd’hui ne se trouve que dans Luc et représente la plus controversée des paraboles de Jésus. Un fleuve d’encre a été versé pour résoudre sa prétendue contradiction : pourquoi l’action moralement inacceptable du gérant est mise en lumière pour éclairer tous ceux qui sont dans la maison de Dieu ! Il est donc nécessaire de mener une réflexion plus approfondie, en partant d’une nécessaire clarification : la perspective principale de la parabole en question se situe plus au niveau de la sagesse qu’au niveau de la morale.

  1. Une leçon de vie : clarification de la perspective judéo-sapientielle de la parabole

Le pivot de l’histoire, sur lequel tournent tous les éléments narratifs, est l’évaluation finale du propriétaire qui « fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté » (Lc 16,8a). Ainsi le mot clé grec fronimos est mis en évidence, qui signifie littéralement « avec sagesse », traduit ici par l’expression « avec habileté / astuce ». Avant même tout jugement moral, un point est clair : la parabole en question veut véhiculer un enseignement sur l’usage de la sagesse dans la vie. Cette inclinaison sapientielle est encore plus forte dans l’évaluation complète de Lc 16.8b, qui répète le concept clé « habile »: « les fils de ce monde sont plus habiles (litéralement « plus sages ») entre eux que les fils de la lumière ».

En quoi consiste alors cette « sagesse » parabolique qui, pour des raisons morales, est souvent traduite par ruse ou astuce ? Tout d’abord, il convient de souligner qu’il n’y a rien de mal à traduire l’adverbe grec original par « avec ruse / habileté / astuce », tout comme il n’est pas trompeur d’utiliser le terme qui exprime son sens fondamental : « avec sagesse ». La sagesse biblique et juive comprend aussi des aspects de ruse et d’astuce ou mieux encore de perspicacitédans la vie. C’est la nuance du concept de l’exhortation à être sage/prudent comme le serpent, que Jésus a laissée aux apôtres lorsqu’il les a envoyés en mission (cf. Mt 10,16). Il convient également de noter l’utilisation similaire des images du serpent et de la colombe dans la tradition rabbinique, dans un dicton de Jehuda ben Simon : « Dieu dit aux Israélites :  » envers moi, ils sont simples comme des colombes, mais envers les peuples du monde ils sont aussi rusés que des serpents  » » (Cant.Rab. 2,12).

Ainsi, l’action sage du gérant est une action rusée / astucieuse. L’une, dans la mentalité biblique-juive, n’exclut pas l’autre et quand l’une est recommandée, cela signifie l’autre et vice versa. En d’autres termes, la sagesse de la parabole est celle d’une origine juive et celui qui la met en lumière s’inscrit dans cette tradition multiséculaire. Loin de tout moralisme, l’intention première de l’histoire de Jésus est celle de la sagesse. C’est une leçon de sagesse, d’art de savoir-vivre, certainement pas un traité sur le commandement de ne pas voler du Décalogue !

  1. Savoir agir pour garantir la vie dans le futur

Une fois approfondie la perspective centrale de la parabole, il n’est pas difficile de voir que la sagesse du gérant consiste dans la ruse de se procurer un avenir avec ce dont il dispose dans le présent, même si ce « ça » n’est pas le sien mais son maître. Il accumule du capital avec l’argent des autres. A cet égard, il convient de souligner que, dans la parabole de Jésus, le gérant est dénoncé comme « malhonnête ». Cette cette disqualification morale ne fait pas de doute. Cependant, les projecteurs se braquent exclusivement sur l’action « sage » ou « rusée » du gérant pour sauver sa propre « peau ».

A la lumière de ce qui vient d’être évoqué, cette ruse du protagoniste est tout à fait acceptable et même justifiable dans une tradition qui a transmis positivement des actions comme l’agir des enfants d’Israël envers les Égyptiens, leurs oppresseurs pendant l’Exode : « Ainsi [empruntant la richesse de leurs voisins égyptiens avant de quitter l’Égypte] les fils d’Israël dépouillèrent-ils les Égyptiens » (Ex 12,35-36 ; cf. Ex 3,21-22 ; 11,2-3 ; et aussi Gen 15,14). En effet, comme en témoigne la réflexion de la tradition juive ultérieure, c’est la Sagesse même de Dieu qui a guidé toutes les opérations, y compris celle de donner aux Israélites les trésors de l’Égypte : « La Sagesse a délivré d’une nation d’oppresseurs le peuple saint. (…) La Sagesse a récompensé les saints de leurs peines (…) Elle leur fit traverser la mer Rouge (…) Alors les justes ont dépouillé les impies » (Sg 10,15.17.18.20).

  1. Suivez Jésus, la Sagesse incarnée de Dieu, pour servir Dieu seul

Le Jésus de la parabole du gérant rusé apparaît plus que jamais comme un sage du peuple juif. Son concept de sagesse n’exclut pas les éléments d’astuce et de ruse. C’est l’art de vivre au présent pour assurer un avenir sûr, et pour cela il est parfois nécessaire, surtout dans les moments critiques, d’utiliser toute l’intelligence possible pour impliquer toutes les ressources disponibles. Et le commentaire amer, figurant à la fin, de l’auteur du récit sur la sage action des enfants de lumière à l’égard de ceux du monde, résonne comme une invitation sur les lèvres de la Sagesse elle-même, adressée à ses propres enfants (cf. Lc 7, 35) pour les diriger encore plus sur Son chemin.

On sait que les enfants de ce monde se donnent souvent beaucoup de mal pour s’assurer un avenir meilleur. Alors la question est celle-ci : les enfants de lumière, les disciples de Jésus, que font-ils pour leur avenir avec Dieu ? Savent-ils s’engager sagement dans leur vie avec Dieu de « tout leur cœur », de « tout leur esprit », de « toute leur force » ? Ou restent-ils plutôt inertes, paresseux, résignés à toutes les difficultés de la vie ?

Il faut donc prendre au sérieux encore une fois les conseils directs de Jésus à la fin du passage évangélique entendu, comme s’ils étaient une sorte d’application de la parabole racontée. Il est la Sagesse incarnée de Dieu, indiquant les voies de la vraie sagesse : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles » (Lc 16,9). Autrement dit, il faut savoir se servir de la richesse (qui est toujours potentiellement « malhonnête » dans la vision théologique de saint Luc ) pour l’avenir avec Dieu, et si on ne le fait pas, on risquerait de finir par servir la richesse comme si c’était le « maître », selon ce que le Pape François a enseigné récemment : « Se servir de l’argent, oui; servir l’argent non:  c’est de l’idolâtrie, c’est une offense à Dieu » (ANGÉLUS, Place Saint-Pierre,31 juillet 2022). Par conséquent, le dernier avertissement de Jésus est plus qu’approprié : « Aucun domestique ne peut servir deux maîtres. (…) Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent » (Lc 16,13).

Demandons humblement la grâce de l’Esprit Saint, Esprit de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force, afin que nous sachions toujours agir sagement dans la vie, en suivant l’enseignement et l’exemple de Jésus, Sagesse incarnée de Dieu !

Pape François, Angélus, Place Saint-Pierre, Dimanche, 31 juillet 2022

Jésus nous avertit avec des paroles fortes. Il dit qu’on ne peut pas servir deux maîtres, et — soyons attentifs — il ne dit pas Dieu et le diable, non, ni même le bien et le mal, mais Dieu et l’argent (cf. Lc 16, 13). On s’attendrait à ce qu’il dise qu’on ne peut pas servir deux maîtres, Dieu et le diable. Mais il dit: Dieu et l’argent. se servir de l’argent, oui; servir l’argent non:  c’est de l’idolâtrie, c’est une offense à Dieu.

Pape François, Angélus, Place Saint-Pierre, Dimanche, 22 septembre 2019

Jésus ne présente certainement pas cet exemple [de l’administrateur malhonnête] pour exhorter à la malhonnêteté, mais pour inciter à être avisés. […]La clé de lecture de cette histoire réside dans l’invitation de Jésus: «Faites-vous des amis avec le malhonnête Argent, afin qu’au jour où il viendra à manquer, ceux-ci vous accueillent dans les tentes éternelles» (v. 9). Cela semble un peu confus mais cela ne l’est pas: «Le malhonnête Argent», c’est l’argent — aussi appelé «crotte du diable» — et les biens matériels en général.

La richesse peut pousser à dresser des murs, à créer des divisions et des discriminations. Jésus, au contraire, invite ses disciples à changer de route: «Faites-vous des amis avec l’argent». C’est une invitation à savoir transformer les biens et les richesses en relations, car les personnes valent plus que les choses et comptent plus que les richesses possédées. Dans la vie, ce n’est pas celui qui a tant de richesses qui porte du fruit, mais celui qui crée et entretient de nombreux liens, de nombreuses relations, de nombreuses amitiés à travers les différentes «richesses», c’est-à-dire les différents dons dont Dieu l’a doté.

Mais Jésus indique également le but ultime de son exhortation: «Faites-vous des amis avec le malhonnête Argent, afin que ceux-ci vous accueillent dans les tentes éternelles». Pour nous accueillir au paradis, si nous sommes capables de transformer les richesses en instruments de fraternité et de solidarité, il n’y aura pas que Dieu, mais aussi ceux avec qui nous avons partagé, en l’administrant bien, ce que le Seigneur a mis entre n

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