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8e dimanche du temps ordinaire (Année C)

Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv.,
Secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

8ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE C)

Si 27,4-7; Ps 91; 1Co 15,54-58; Lc 6,39-45

Il est bon, Seigneur, de te rendre grâce

La sagesse du cœur

L’enseignement de Jésus dans l’Évangile d’aujourd’hui suit celui de dimanche dernier (Discours sur la plaine). Ce que nous avons dit sur la nature sapientielle et non légaliste du message de Jésus revient encore plus à la surface. Comme le Siracide, le sage de la tradition juive (première lecture), le maître Jésus laisse à ses disciples diverses instructions/phrases basées sur des observations quotidiennes, pour les guider sur le chemin de la sagesse avec Dieu.

Ces instructions concrètes et pittoresques de la tradition biblique-juive sont appelées les meshalim, un terme traduit plusieurs fois en grec par « paraboles ». C’est précisément la parole par laquelle l’évangéliste Luc introduit l’enseignement de Jésus, invitant ainsi à une réflexion constante sur les vérités rappelées pour une sage application dans la vie de chaque disciple. Tels sont les principes universels qui s’avèrent également utiles dans une perspective missionnaire, c’est-à-dire pour la sagesse chrétienne dans la mission d’annoncer le Christ.

1. L’importance du Maître

L’image de l’aveugle qui veut conduire un autre aveugle est belle et en même temps immédiate. Aucune autre explication n’est nécessaire pour convaincre l’auditeur de l’importance d’avoir un guide non aveugle dans la vie. La question se pose spontanément : qui est maintenant l’enseignant à qui je me confie sur le chemin de la vie ? Cette question est plus qu’appropriée dans le contexte de l’enseignement de Jésus sur l’amour presque impossible pour les ennemis et sur la miséricorde. Vais-je suivre Jésus, l’enseignant divin, ou cet enseignant terrestre qui offre peut-être les choses plus « faciles », plus « abordables » pour « recruter » plus d’adeptes?

Dans ce contexte de l’enseignant divin, nous comprenons l’observation sur la relation entre le disciple et l’enseignant : « Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître ». De plus, le principe reflète celui de la tradition juive sur la relation entre l’envoyé et celui qui l’envoie porter un message. Si bien que la même parole de Jésus, mais dans la forme la plus longue, revient parmi les recommandations à ses disciples lorsqu’il les envoya en mission au milieu des persécutions, dans le discours dit missionnaire de l’Évangile de Matthieu : « Le disciple n’est pas au-dessus de son maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur » (Mt 10,24). Ainsi, on le retrouve également dans Jn 15,20, toujours dans le contexte de la persécution à laquelle les disciples sont confrontés dans le monde : « un serviteur n’est pas plus grand que son maître. Si l’on m’a persécuté, on vous persécutera, vous aussi. Si l’on a gardé ma parole, on gardera aussi la vôtre ». À la lumière de tout cela, l’enseignement de Jésus (…) concerne la situation existentielle de la « suite » et de la mission du disciple qui est ainsi appelé à se mesurer toujours à l’exemple et aux paroles du Maître qui l’envoie.

2. La paille et la poutre

Ici, nous avons une autre « parabole » avec une immédiateté égale. L’image proposée est encore plus efficace avec l’image exagérée (hyperbolique) de la poutre dans l’œil. On saisit immédiatement le message qui sert à faire réfléchir ceux qui sont toujours prêts à « corriger » les autres ou, pire encore, à bavarder sur les défauts/lacunes des autres. C’est une sorte de commentaire illustratif de la recommandation de ne pas juger et de ne pas condamner, précédemment exposée dans le Discours sur la plaine de Jésus et également reprise par saint Jacques dans sa lettre aux premiers chrétiens aux paroles tranchantes. (Jc 4,11-12: « Frères, cessez de dire du mal les uns des autres ; dire du mal de son frère ou juger son frère, c’est dire du mal de la Loi et juger la Loi. Or, si tu juges la Loi, tu ne la pratiques pas, mais tu en es le juge. Un seul est à la fois législateur et juge, celui qui a le pouvoir de sauver et de perdre. Pour qui te prends-tu donc, toi qui juges ton prochain? »).

Revenant à l’enseignement de Jésus, au-delà de sa dimension éthique, celui-ci s’avère fondamental pour toute communauté de disciples dans le témoignage de leur Maître. Ce n’est pas un hasard si le texte insiste ici sur la figure du « frère » (le mot revient quatre fois dans deux versets), pour souligner précisément la relation « fraternelle » entre les disciples d’un même maître. L’émouvante recommandation que Jésus laisse à ses disciples intimes avant la Passion vient spontanément à l’esprit : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13,34-35). Oui, c’est « de cela [l’amour mutuel] tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples » et non d’autres choses.

3. La bouche parle de la plénitude du cœur

Le Siracide dit : « C’est le fruit qui manifeste la qualité de l’arbre ; / ainsi la parole fait connaître les sentiments ». Jésus, le sage, suit la même ligne pour enseigner à ses disciples la sagesse du discernement entre le bon et le mauvais arbre : « Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit ». Et il en est ainsi aussi pour l’homme dont le cœur se reconnaît aux mots qui sortent de sa bouche. Un dicton similaire dans la tradition folklorique vietnamienne mérite d’être noté avec curiosité : “Chim khôn thử tiếng, người ngoan thử lời” (L’oiseau sage est éprouvé par la voix, le juste est éprouvé par la parole). Certes, de tels proverbes peuvent être trouvés dans les traditions de nombreux autres peuples. Il s’agit de la vérité universelle, fruit de l’intelligence humaine illuminée par l’Esprit de Dieu dans le cœur de l’homme. Or, dans son enseignement, Jésus applique cette vérité non pas pour réaffirmer une fatale prédestination des méchants qui le resteront toujours (et donc condamnés), mais dans la perspective du discernement de la sagesse et de l’invitation à une auto-vérification de la vie de ses disciples : « Vous qui suivez le Seigneur et son enseignement, quels sont vos fruits? »

Dans cette perspective, la dernière observation proverbiale « car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur » ou « de l’abondance du cœur la bouche parle » s’applique aussi très bien pour témoigner de Jésus. La difficulté de parler de Jésus peut venir d’un cœur « préoccupé » par bien d’autres choses que Jésus et son Évangile. À cet égard, il vaut la peine d’écouter l’observation de Sainte Thérèse d’Avila : « Jetons les yeux sur le glorieux saint Paul, dont les lèvres ne pouvaient se lasser de répéter : Jésus, tant il le possédait au plus intime de son cœur ». « J’ai considéré avec soin, depuis que j’ai compris cette vérité, la conduite de quelques saints, grands contemplatifs, et ils n’allaient pas par un autre chemin. Saint François nous en donne la preuve par les stigmates ; saint Antoine de Padoue, par son amour pour l’enfant Jésus ; saint Bernard trouvait ses délices dans la sainte Humanité ; sainte Catherine de Sienne et beaucoup d’autres, que vous connaîtrez mieux que moi, en faisaient autant ». (Le livre de la Vie, chap. 22, 6-7, 14).

Reprenons alors le chemin d’une amitié toujours plus profonde avec Jésus, notre Maître et Seigneur, afin de pouvoir le communiquer et le partager avec joie et spontanéité avec ceux que nous rencontrons chaque jour. Peut-être que ce sera aussi une bonne résolution de chacun de nous pour une conversion missionnaire pendant le carême de cette année.

A. Pape François, Message pour la Journée Mondiale des Missions 2022:

L’essence de la mission est de rendre témoignage au Christ, c’est-à-dire à sa vie, sa passion, sa mort et sa résurrection par amour du Père et de l’humanité. Ce n’est pas un hasard si les Apôtres ont cherché à remplacer Judas parmi ceux qui, comme eux, avaient été « témoins de sa résurrection » (Ac 1, 22). C’est du Christ, et du Christ ressuscité dont nous devons témoigner et dont nous devons partager la vie. Les missionnaires du Christ ne sont pas envoyés pour se communiquer eux-mêmes, pour montrer leurs qualités et leurs capacités de persuasion ou leurs compétences en matière de gestion. Ils ont, au contraire, le grand honneur d’offrir le Christ, en paroles et en actes, en annonçant à tous la Bonne Nouvelle du salut avec joie et franchise, comme les premiers apôtres.

B. Pape François, Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, no. 7-9 :

7. (…) Je ne me lasserai jamais de répéter ces paroles de Benoît XVI qui nous conduisent au cœur de l’Évangile : « À l’origine du fait d’être chrétien il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive ».

8. C’est seulement grâce à cette rencontre – ou nouvelle rencontre – avec l’amour de Dieu, qui se convertit en heureuse amitié, que nous sommes délivrés de notre conscience isolée et de l’auto-référence. Nous parvenons à être pleinement humains quand nous sommes plus qu’humains, quand nous permettons à Dieu de nous conduire au-delà de nous-mêmes pour que nous parvenions à notre être le plus vrai. Là se trouve la source de l’action évangélisatrice. Parce que, si quelqu’un a accueilli cet amour qui lui redonne le sens de la vie, comment peut-il retenir le désir de le communiquer aux autres ?

9. Le bien tend toujours à se communiquer. Chaque expérience authentique de vérité et de beauté cherche par elle-même son expansion, et chaque personne qui vit une profonde libération acquiert une plus grande sensibilité devant les besoins des autres. Lorsqu’on le communique, le bien s’enracine et se développe. C’est pourquoi, celui qui désire vivre avec dignité et plénitude n’a pas d’autre voie que de reconnaître l’autre et chercher son bien. Certaines expressions de saint Paul ne devraient pas alors nous étonner : « L’amour du Christ nous presse » (2 Co 5, 14) ; « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1 Co 9, 16).

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