< Retour aux ressources

Annoncer l’Évangile du pardon: pour un témoignage évangélique du pardon

Annoncer l’Évangile du pardon: pour un témoignage évangélique du pardon
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

24ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A)

Si 27 ,30-28, 7; Ps 102; Rm 14, 7-9; Mt 18, 21-35

Annoncer l’Évangile du pardon – Pour un témoignage évangélique du pardon

Après l’enseignement sur la correction fraternelle, l’évangile de Matthieu poursuit avec l’enseignement de Jésus sur le pardon, à partir de la demande de l’apôtre Pierre sur « combien de fois » il devra pardonner le frère qui « commet des fautes » contre lui. Ainsi, parmi les disciples du Christ, la correction fraternelle va de pair avec le pardon entre frères, avec un accent particulier sur ce dernier point, comme le souligne l’enseignement de Jésus par une déclaration et une parabole. Il faut donc scruter chaque parole de Jésus, pour accueillir son message pour nous, ses disciples, dans un monde toujours plus marqué par les guerres, les conflits et la haine. 

  1. « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois sept fois ». Le principe évangélique du pardon permanent.

La question de l’apôtre Pierre est une provocation en soi : « combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? ». Elle nous fait ainsi entrevoir que Pierre a bien perçu le fondement de l’enseignement de Jésus sur la correction fraternelle, qui devra toujours avoir comme objectif le pardon et la réconciliation entre frères. D’autre part, une telle question exprime aussi la perplexité de Pierre sur la manière de régler le cas de la répétition des fautes commises. Etant donné que nous savons que dans la tradition hébraïque et rabbinique est prévue la recommandation de pardonner son frère jusqu’à trois fois, on peut comprendre la « générosité » de Pierre qui augmente le « tarif » jusqu’à sept fois. Rappelons-nous que dans la Bible le chiffre sept symbolise l’intégralité et la perfection puisqu’il correspond au nombre de jours de la création de tout par Dieu. Ainsi, Pierre demande, avec un certain étonnement, s’il faut vraiment pardonner quasiment pour toujours.

La réponse de Jésus joue exactement sur la valeur symbolique du chiffre sept : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois sept fois ». Ce qui veut dire toujours multiplié par dix fois toujours ! C’est le pardon fraternel, constant, permanent, pour toujours que Jésus recommande à ses disciples. En d’autres termes, chaque disciple est appelé à pardonner à son frère pour toujours, et la raison d’une telle « générosité » est exactement le pardon généreux de Dieu à l’égard de chacun dans la vie, comme Jésus a voulu l’enseigner juste après la parabole.

  1. Une belle parabole, avec un petit détail à approfondir

La parabole que Jésus rapporte pour illuster la nécessité de pardonner est appelée communément la « parabole du serviteur mauvais ». Le message du récit apparaît clairement dans le contraste entre les réactions du roi et ensuite celle du serviteur face à la même supplique émouvante de la part du débiteur. « Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout ». Alors que le roi, le maître de ce serviteur, « saisi de compassion, […] le laissa partir et lui remit sa dette » de dix mille talents, le serviteur, de son côté, ne veut pas remettre à son compagnon la dette de cent pièces d’argent. Le montant des dettes des personnages semble choisi volontairement pour mettre encore plus en avant l’écart entre la somme énorme que le serviteur devait au roi et celle beaucoup plus petite que lui devait son compagnon. On perçoit encore mieux l’action absurde du serviteur mauvais et ingrat.

À ce stade, si on prête davantage attention à un détail de la parabole, on peut saisir un message plus profond sur le pardon demandé. Il s’agit particulièrement de la somme de cent pièces d’argent que le serviteur ne veut pas remettre. C’est une petite somme en regard des dix mille talents, mais elle n’est pas si petite objectivement, parce qu’elle correspond à cent jours de travail (presqu’un tiers du salaire annuel). Il est significatif que Jésus ne présente pas une somme plus petite comme, par exemple, dix pièces d’argent pour souligner ensuite le contraste. Il a conservé cette somme moyenne-petite. Cette somme pouvait être considérable pour le serviteur à ce moment-là, et ainsi, pas « pardonnable ». Parfois dans la vie nous avons subi des offenses qui paraissaient très grandes. En effet, certaines « dettes », que les autres ont à notre égard, sont objectivement trop grandes pour être remises, sur le plan humain. Le Seigneur le sait et n’en doute pas. Ce qu’il nous demande c’est de penser à notre offense, beaucoup plus grande, vis-à-vis du Père du Ciel, lui qui l’a remise. Ainsi nous aurons plus de force et de motivation pour pardonner généreusement notre frère, comme nous avons été pardonnés généreusement par Dieu. En fin de compte, il s’agit de l’unique invocation de la prière du Notre Père, dans laquelle notre demande à Dieu le Père est portée par la promesse de pardonner à ceux qui nous ont offensé. Dans un tel contexte, lorsque nous prions au début « que ton règne vienne » notre pardon sera aussi un signe concret de la venue du Royaume parmi nous. Cette parabole de Jésus sur la nécessité du pardon est aussi la parabole du Royaume, comme Jésus lui-même l’a dit au début du récit.

  1. « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13,35). Le principe de l’unité de l’amour entre les disciples pour la crédibilité de la mission du Christ.

À ce stade, il sera important de reprendre ici ce qui a été souligné dimanche dernier. En effet, à la lumière de ce qui a été relevé, nous comprenons encore mieux le sens « missionnaire » de chaque action de correction et de réconciliation fraternelle, basée fondamentalement sur le pardon réciproque entre frères. Il s’agit d’être unis dans l’amour pour la crédibilité de la mission d’évangélisation et de réconciliation du Christ et de l’église-communauté de ses disciples missionnaires. C’est pour ça que Jésus a tellement insisté sur l’amour mutuel parmi les siens, en le définissant comme son commandement nouveau et en soulignant son importance comme témoignage de l’adhésion à lui devant tous les hommes : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples ». C’est Lui qui a prié le Père pour tous les siens, dans le présent et dans le futur : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17,21). Que chacun de nous, ses disciples, ressente le cœur du Christ pour l’unité de l’amour et ait toujours à l’esprit ce désir du Maître dans chaque action ! Tout ça vaut particulièrement pour notre geste de pardon « à notre frère du fond du cœur », comme le Père du Ciel nous a pardonné.

Nous concluons avec les paroles de saint Paul aux fidèles de Thessalonique. Elle sont comme l’augure du Seigneur pour nous tous ses disciples-missionnaires d’aujourd’hui, même au milieu des différentes corrections nécessaires du fait de la faiblesse humaine. « Que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous. Et qu’ainsi il affermisse vos cœurs, les rendant irréprochables en sainteté devant Dieu notre Père, lors de la venue de notre Seigneur Jésus avec tous les saints ».(1Th 3, 12-13).

Pape François, Audience générale, mercredi 24 avril 2019

[…] Nous avons vu que c’est le propre de l’homme d’être débiteur devant Dieu: nous avons tout reçu de lui, en termes de nature et de grâce. Notre vie a non seulement été voulue, mais elle a été aimée de Dieu. […]

La relation de bienveillance verticale de la part de Dieu se reflète et est appelée à se traduire dans une relation nouvelle que nous vivons avec nos frères: une relation horizontale. […]

Tout chrétien sait qu’il existe pour lui le pardon des péchés, cela, nous le savons tous: Dieu pardonne tout et il pardonne toujours. Quand Jésus raconte à ses disciples le visage de Dieu, il le décrit par des expressions de tendre miséricorde. Il dit qu’il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui se repent que pour une foule de justes qui n’ont pas besoin de conversion (cf. Lc 15, 7.10). Rien dans les Evangiles ne laisse penser que Dieu ne pardonne pas les péchés de ceux qui sont bien disposés et demandent à être ré-embrassés. […]

Nous trouvons ici la soudure entre l’amour pour Dieu et l’amour du prochain. L’amour appelle l’amour, le pardon appelle le pardon. Toujours dans Matthieu, nous trouvons une parabole très intense consacrée au pardon fraternel (cf. 18, 21-35). Écoutons-la.

Il y avait un serviteur qui avait contracté une énorme dette envers son roi: dix mille talents! Une somme impossible à rembourser; je ne sais pas combien cela serait aujourd’hui, mais des centaines de millions. Cependant, le miracle se produit et ce serviteur reçoit non pas un délai de paiement, mais une amnistie complète. Une grâce inespérée! Or voici que ce même serviteur, immédiatement après, s’acharne contre son frère qui lui doit cent deniers — peu de chose — et, bien que ce soit une somme accessible, il n’accepte ni excuses, ni supplications. C’est pourquoi, à la fin, le maître le rappelle et le fait condamner. Parce que si tu ne t’efforces pas de pardonner, tu ne seras pas pardonné; si tu n’essayes pas d’aimer, tu ne seras pas aimé non plus.

Jésus insère la force du pardon dans les relations humaines. Dans la vie, tout ne se résout pas avec la justice. Non. Surtout là où il faut mettre une limite au mal, il faut que quelqu’un aime au-delà de ce qui est dû pour recommencer une histoire de grâce. […]

Dieu donne à chaque chrétien la grâce d’écrire une histoire de bien dans la vie de ses frères, en particulier de ceux qui lui ont fait quelque chose de désagréable et de mal. Par une parole, une accolade, un sourire, nous pouvons transmettre aux autres ce que nous avons reçu de plus précieux. Quelle est la chose précieuse que nous ayons reçue? Le pardon, que nous devons être capables de donner aussi aux autres.

Pape François, Angélus, dimanche 13 septembre 2020

[…] Le cœur de la parabole, c’est l’indulgence que le maître montre au serviteur le plus endetté. L’évangéliste souligne que «le maître a eu de la compassion – ne jamais oublier cette parole qui est propre à Jésus: «Il a eu de la compassion», Jésus a toujours eu de la compassion – [a eu de la compassion] pour ce serviteur, il l’a laissé partir et il lui a remis sa dette» (v. 27). Une dette énorme, donc une remise énorme! Mais aussitôt après, ce serviteur se montre impitoyable envers son compagnon, qui lui doit une somme modique. […]

Dans la parabole, on trouve deux attitudes différentes: celle de Dieu – représentée par le roi – qui pardonne beaucoup, parce que Dieu pardonne toujours, et celle de l’homme. Dans l’attitude divine, la justice est imprégnée de miséricorde, alors que l’attitude humaine se limite à la justice. Jésus nous exhorte à nous ouvrir avec courage à la force du pardon, car, on le sait, dans la vie tout ne se résout pas par la justice. Il y a besoin de cet amour miséricordieux, qui est également à base de la réponse du Seigneur à la question de Pierre qui précède la parabole. La question de Pierre dit ceci: «Seigneur, si mon frère commet des péchés contre moi, combien de fois devrai-je lui pardonner?» (v. 21). Et Jésus lui a répondu: «Je ne te dis pas jusqu’à sept, mais jusqu’à soixante-dix fois sept » (v. 22). Dans le langage symbolique de la Bible, cela signifie que nous sommes appelés à toujours pardonner! […]

 

(Photo: Pexels.com / Darry Lin)

 

Partager sur les médias sociaux:

Trouvez une ressources

Effectuez une recherche par mot(s) clé(s)

Partager sur les médias sociaux:

Infolettre

Abonnez-vous à notre infolettre pour recevoir les toutes dernières nouvelles de nos oeuvres! Billets de blogue, nouvelles, vidéos et contenus exclusifs vous attendent à chaque mois!

Le Pape compte sur votre engagement

Contribuez au développement de l'Église en terre de mission, et apportez l'espoir du Christ.

Faire un don