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Avec le Christ pour marcher de nouveau sur l’eau

Avec le Christ pour marcher de nouveau sur l’eau
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

19ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A)

1R 19, 9a.11-13a; Ps 84; Rm 9, 1-5; Mt 14, 22-33

Avec le Christ pour marcher de nouveau sur l’eau

En suivant Jésus dans sa mission, comme nous le rapporte l’évangéliste saint Matthieu, nous arrivons à un épisode particulier de l’évangile : Jésus marche sur l’eau. Au-delà du caractère miraculeux de l’évènement en soi, le récit évangélique veut nous transmettre des messages importants pour la vie des disciples missionnaires du Christ aujourd’hui. Nous devons prendre en compte au moins trois détails significatifs.

  1. Le contexte temporel dans la perspective pascale : la marche sur l’eau après la multiplication des pains

Considérons le contexte temporel de l’évangile de ce jour, souligné par: « Aussitôt après avoir nourri la foule… », donc rapporté immédiatement après la multiplication des pains. Cette succession d’évènements est rapportée non seulement dans les évangiles synoptiques (Matthieu et Marc) mais aussi dans celui de Jean. Et c’est ce dernier qui a souligné la perspective pascale de la multiplication des pains avec l’explicitation du contexte temporel de l’évènement : « la Pâques, la fête des Juifs, était proche… » (Jn 6,4). Ainsi nous sommes amenés à nous plonger dans ce temps qui célèbre la sortie d’Egypte du peuple de Dieu au milieu de signes et prodiges comme le don de la manne au désert et le passage mémorable de la mer Rouge, chanté ensuite par le psalmiste : « Les eaux, en te voyant, Seigneur, + les eaux, en te voyant, tremblèrent, l’abîme lui-même a frémi (…) Par la mer passait ton chemin, + tes sentiers, par les eaux profondes … » (Sal 77,17.20). Il faut ajouter que selon la tradition hébraïque, seul Dieu peut dominer la mer et marcher sur l’eau (cf. Gb 9,8).

Dans cette perspective, la marche de Jésus sur le lac de Génésareth également appelé mer [de Galilée] du fait de sa taille, comme dans l’évangile de ce jour [cf. Mt 4,18; 15,29] est vue comme l’actualisation de la manifestation de Dieu tout-puissant sur les eaux de la mer durant l’Exode du peuple choisi. Preuve en est lorsque Jésus rassure ses disciples effrayés avec la phrase « Confiance ! c’est moi ; n’ayez plus peur ! » dans laquelle l’affirmation littérale « C’est moi » (ego eimi, en grec) semble non seulement affirmer l’identité de son auteur, mais aussi calquer volontairement le nom même du Dieu de l’Exode (cf. Ex 3,14). Même les gestes de Jésus semblent indiquer un mouvement divin descendant de haut en bas ; Il était d’abord à l’écart sur le mont pour prier (donc il était avec Dieu) et puis, de là, Il alla vers les disciples sur la mer agitée. Tout cela veut marquer qu’aujourd’hui, avec Jésus, Fils de Dieu, et en sa personne se réalise le nouveau chemin de l’Exode sur l’eau, pour le Peuple de Dieu.

  1. « Jésus obligea… ». L’action significative de Jésus pour les disciples

En relavant le contexte temporel de l’épisode dans la perspective globale de la mission de Jésus, nous comprenons mieux une action apparemment étrange de Jésus face à ses disciples, au début du récit, après la multiplication des pains : « Jésus obligea les disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules ». A partir du verbe « obliger », nous pouvons imaginer que ses disciples voulaient encore rester sur le lieu « glorieux » de la multiplication des pains, lorsque, à la fin du miracle, la foule voulait proclamer Jésus comme son Roi (Jn 6, 14-15). Le comportement de Jésus est donc très significatif à ce moment-là pour les disciples appelés à la même mission que le Maître. D’un côté, Jésus semblait vouloir enseigner aux siens et bien définir l’objet de la mission qui n’est pas de recueillir la gloire des hommes sur terre, mais d’accomplir simplement et fidèlement le plan divin pour sauver le monde. En effet, Jésus lui-même, après s’être retiré seul pour prier, a loué Dieu et l’a consulté, source et origine de la mission. D’un autre côté, les disciples ont été obligés de s’éloigner de nouveau en barque et « à le précéder sur l’autre rive ». Ainsi nous pouvons entrevoir un message spirituel dans une perspective missionnaire ; il est demandé aux disciples de Jésus de ne pas s’arrêter aux premiers « succès » missionnaires, mais d’aller toujours de l’avant, de toujours continuer courageusement la mission jusqu’à l’accomplissement final du salut pour toute l’Humanité dans le mystère pascal du Seigneur.

En résumé : Ne pas se satisfaire de ce que l’on a réussi à faire mais œuvrer toujours en avant pour la Mission, même parfois avec des vents contraires, pour réaliser finalement le projet de Dieu en Christ. Sur la mer de Galilée, le Seigneur reste proche d’eux pour leur venir en aide sans délai lorsqu’ils en ont besoin.

  1. Un « premier plan » sur Jésus et Pierre sur l’eau et un enseignement de la foi au milieu de la tempête

Dans ce contexte théologique s’insère le « premier plan » sur Jésus et Pierre, pour utiliser une expression de cinéma. C’est une insertion originale de l’évangéliste Matthieu qui veut ainsi laisser un enseignement sur la foi au milieu de la tempête. Pierre pouvait marcher sur l’eau par la volonté de Jésus, mais curieusement, « voyant la force du vent, il eut peur » et il commença à couler. Tant que Pierre ne s’occupait pas du vent autour de lui et continuait à regarder fixement Jésus, vers qui il se dirigeait, il ne se passait rien. Pierre commença à couler quand il prêta trop d’attention au vent autour de lui et qu’il ne regarda plus son Maître. C’est la leçon de foi pour chaque disciple-missionnaire du Christ au milieu des tempêtes ; il suffit de fixer le regard de Jésus pour continuer à cheminer avec Lui sur les eaux agitées autour de nous. C’est dans cette logique que s’inscrit la recommandation de la Lettre aux Hébreux pour les premiers chrétiens, qui vivaient alors un temps de crise.

Ainsi donc, nous aussi, entourés de cette immense nuée de témoins, et débarrassés de tout ce qui nous alourdit – en particulier du péché qui nous entrave si bien –, courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi. Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré la croix en méprisant la honte de ce supplice, et il siège à la droite du trône de Dieu.

Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement. (Heb 12, 1-3)

La fin de ce « premier plan » de l’épisode de l’évangile souligne la nécessité de regarder Jésus, surtout pour celui qui se trouve en danger de mort. En commençant à couler, Pierre s’écrie ; « Seigneur sauve-moi !» et donc il tourne de nouveau son regard vers son Maître et Sauveur.

Alors, comme le souligne l’évangéliste,  « Aussitôt, Jésus étendit la main, le saisit ». Ainsi dans l’acte de Jésus se reflète le geste puissant de Dieu qui étend la main pour sauver les nécessiteux qui se tournent vers Lui dans des situations désespérées. Et le reproche de Jésus à Pierre à cet instant confirme la perspective de la foi sur laquelle l’évangéliste insiste : « [Jésus] lui dit: “ Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?” ».

Prions, pour que ces paroles de Jésus soient un guide et un enseignement pour nous tous, disciples actuels du Christ, dans notre vie de foi et sur le chemin de la mission dans le monde actuel, dans lequel les vents contraires semblent souffler de plus en plus fort. Gardons à l’esprit ce que le pape François a affirmé dans le Message pour la Journée mondiale des missions 2023 :

Aujourd’hui, comme autrefois, le Seigneur ressuscité est proche de ses disciples missionnaires, et il marche à leurs côtés, surtout lorsqu’ils se sentent perdus, découragés, effrayés face au mystère d’iniquité qui les entoure et qui veut les étouffer. C’est pourquoi « ne nous laissons pas voler l’espérance » (exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 86). Le Seigneur est plus grand que nos problèmes, surtout lorsque nous les rencontrons dans l’annonce de l’Évangile au monde, car cette mission, après tout, est la sienne et nous ne sommes que ses humbles collaborateurs (cf. Lc 17, 10).

Pape François, voyage au Portugal à l’occasion des 37e JMJ, vêpres avec les évêques, les prêtres, les diacres, les personnes consacrées, les séminaristes et les agents pastoraux, 2 août 2023

[…] Comme les jeunes qui viennent ici du monde entier pour défier les vagues géantes, nous avançons au large sans peur. Ne craignons pas d’affronter la haute mer car, au milieu de la tempête et face aux vents contraires, Jésus vient et il vient à notre rencontre et nous dit : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez plus peur ! » (Mt 14, 27). Combien de fois avons-nous fait cette expérience ? Que chacun réponde en son for intérieur. Et si nous ne l’avons pas fait, c’est que quelque chose n’a pas fonctionné pendant la tempête. […]

Pape François, Message pour la 57e Journée mondiale de prière pour les vocations, (3 mai 2020)

[…] j’avais choisi quatre paroles-clés – souffrance – gratitude – courage et louange – pour remercier les prêtres et soutenir leur ministère. […]

La première parole de la vocation, alors, est gratitude. Naviguer vers le juste cap n’est pas une tâche qui relève de nos seuls efforts, et ne dépend pas seulement des parcours que nous choisissons de faire. La réalisation de nous-mêmes et de nos projets de vie n’est pas le résultat mathématique de ce que nous décidons dans un “moi” isolé ; au contraire, elle est avant tout la réponse à un appel qui vient d’En-Haut. C’est le Seigneur qui nous indique le rivage vers lequel aller et qui, bien avant, nous donne le courage de monter sur la barque ; alors qu’il nous appelle, c’est lui qui se fait aussi notre timonier pour nous accompagner, nous montrer la direction, nous empêcher de nous échouer dans les écueils de l’indécision et nous rendre même capables de marcher sur les eaux agitées. […]

Quand les disciples voient Jésus s’approcher en marchant sur les eaux, ils pensent d’abord qu’il s’agit d’un fantôme et ils ont peur. Mais aussitôt Jésus les rassure par une parole qui doit toujours accompagner notre vie et notre chemin vocationnel : « Courage, c’est moi, n’ayez pas peur ! » (v.27). Justement c’est la seconde parole que je voudrais vous confier : courage. Ce qui souvent nous empêche de marcher, de grandir, de choisir la voie que le Seigneur trace pour nous, ce sont les fantômes qui s’agitent dans notre cœur. […]

Le Seigneur sait qu’un choix fondamental de vie – comme celui de se marier ou de se consacrer de façon spéciale à son service – nécessite du courage. Il connaît les interrogations, les doutes et les difficultés qui agitent la barque de notre cœur, et c’est pourquoi il nous rassure : “N’aie pas peur, je suis avec toi !”. […]

[…] j’ai parlé aussi de la souffrance, mais ici je voudrais traduire autrement ce mot et me référer à la fatigue. Toute vocation comporte un engagement. Le Seigneur nous appelle parce qu’il veut nous rendre comme Pierre, capables de “marcher sur les eaux”, c’est-à-dire de prendre en main notre vie pour la mettre au service de l’Evangile, dans les modes concrets et quotidiens qu’il nous indique, et spécialement dans les diverses formes de vocation laïque, presbytérale et de vie consacrée. Mais nous ressemblons à l’Apôtre : nous avons le désir et l’élan, cependant, au même moment, nous sommes marqués par des faiblesses et des craintes.

Si nous nous laissons emporter par la pensée des responsabilités qui nous attendent […] ou par les épreuves qui se présenteront, alors nous détournerons vite notre regard de Jésus et, comme Pierre, nous risquerons de couler. Au contraire, même dans nos fragilités et nos pauvretés, la foi nous permet de marcher à la rencontre du Seigneur Ressuscité et de vaincre même les tempêtes. […]

Enfin, quand Jésus monte sur la barque, le vent cesse et les vagues s’apaisent. C’est une belle image de ce que le Seigneur opère dans notre vie et dans les tumultes de l’histoire, spécialement quand nous sommes dans la tempête : Il commande aux vents contraires de se calmer, et les forces du mal, de la peur, de la résignation n’ont plus pouvoir sur nous. […]

Et alors, même au milieu des vagues, notre vie s’ouvre à la louange. C’est elle la dernière parole de la vocation, et elle veut être aussi l’invitation à cultiver le comportement intérieur de la Vierge Marie : reconnaissante pour le regard de Dieu qui s’est posé sur elle, confiant dans la foi ses peurs et ses troubles, embrassant avec courage l’appel, elle a fait de sa vie un chant de louange au Seigneur.

Pape François, Angélus, dimanche, 13 août 2017

[…] Ce récit de l’Evangile contient un riche symbolisme et nous fait réfléchir sur notre foi, tant comme individus que comme communauté ecclésiale […] La barque est la vie de chacun de nous, mais elle est aussi la vie de l’Eglise; le vent contraire représente les difficultés et les épreuves. L’invocation de Pierre : «Seigneur, donne-moi l’ordre de venir à toi!» et son cri: «Sauve-moi!» ressemblent tellement à notre désir de sentir la proximité du Seigneur, mais aussi à la peur et à l’angoisse qui accompagnent les moments les plus durs de notre vie et de nos communautés, marquée par des fragilités intérieures et par des difficultés extérieures.

À Pierre, à ce moment-là, n’a pas suffi la parole sûre de Jésus, qui était comme la corde tendue à laquelle s’agripper pour affronter les eaux hostiles et turbulentes. C’est ce qui peut nous arriver à nous aussi. Quand on ne s’agrippe pas à la Parole du Seigneur […]. Cela veut dire que la foi n’est pas très forte. L’Evangile d’aujourd’hui nous rappelle que la foi dans le Seigneur et dans sa parole ne nous ouvre pas un chemin où tout est facile et tranquille, elle ne nous soustrait pas aux tempêtes de la vie. La foi nous donne la sécurité d’une Présence, la présence de Jésus, qui nous pousse à surmonter les tempêtes existentielles, la certitude d’une main qui nous saisit pour nous aider à affronter les difficultés, en nous indiquant la route même quand il fait noir. La foi, en somme, n’est pas une échappatoire aux problèmes de la vie, mais elle soutient sur le chemin et lui donne un sens. […]

Pape François, Angélus, dimanche, 10 août 2014

[…] La scène finale aussi est très importante. «Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba. Ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui, en disant : “Vraiment, tu es Fils de Dieu !”» (vv. 32-33). Sur la barque, il y a tous les disciples, réunis par l’expérience de la faiblesse, du doute, de la peur, du «peu de foi». Mais lorsque Jésus remonte sur cette barque, le climat change immédiatement : tous se sentent unis dans la foi en Lui. Tous reconnaissent dans leur maître le Fils de Dieu. Combien de fois nous arrive-t-il à nous aussi la même chose ! Sans Jésus, loin de Jésus, nous avons peur et nous nous sentons inadéquats au point de penser ne pas réussir. Il manque la foi! Mais Jésus est toujours avec nous, sans doute caché, mais présent et prêt à nous soutenir.

Voilà une image concrète de l’Église : une barque qui doit affronter les tempêtes et qui semble parfois sur le point d’être renversée. Ce qui la sauve ne sont pas les qualités et le courage de ses hommes, mais la foi, qui permet de marcher également dans l’obscurité, dans les difficultés. La foi nous donne la certitude de la présence de Jésus toujours à nos côtés, de sa main qui nous prend pour nous soustraire au danger. Nous sommes tous sur cette barque, et là, nous nous sentons en sécurité en dépit de nos limites et de nos faiblesses. […]

 

(Photo: Pexels.com / Bella White)

 

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