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Cœurs brûlants, pieds en marche!

Cœurs brûlants, pieds en marche!
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

3ÈME DIMANCHE DE PÂQUES (ANNÉE A)

At 2, 14.22-33; Sal 15; 1Pt 1,17-21; Lc 24,13-35

Cœurs brûlants, pieds en marche!

Le troisième dimanche de Pâques (année A) nous invite à réfléchir sur l’épisode de l’apparition du Seigneur ressuscité aux deux disciples sur la route d’Emmaüs. Par la providence divine, le message du pape François pour la Journée mondiale des missions offre cette année une méditation approfondie et autorisée, sur ce récit évangélique dans une perspective missionnaire. Puisque ubi maior minor cessat (là où il y a le plus grand, le plus petit cesse [de parler]), nous ne ferons rien d’autre que de proposer à nouveau certains passages du Pape sur le sujet, en invitant chacun à lire le texte intégral du Message, déjà disponible en plusieurs langues sur le site officiel du Vatican.

Dans le récit évangélique, nous saisissons la transformation des disciples à partir de quelques images suggestives : des cœurs brûlants pour les Écritures expliquées par Jésus, des yeux ouverts afin de le reconnaître et, comme point culminant, des pieds en marche. En méditant sur ces trois aspects qui dessinent l’itinéraire des disciples missionnaires, nous pouvons renouveler notre zèle pour l’évangélisation dans le monde d’aujourd’hui.

  1. Des cœurs brûlants “tandis qu’il nous expliquait les Écritures”. La Parole de Dieu éclaire et transforme le cœur dans la Mission.

 

Sur le chemin de Jérusalem à Emmaüs, les cœurs des deux disciples étaient tristes à cause de la mort de Jésus, en qui ils avaient cru (cf. v. 17). Face à l’échec du Maître crucifié, leur espérance qu’il soit le Messie s’était effondrée (cf. v. 21).

Et, « tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux » (v. 15). Comme au début de la vocation des disciples, encore maintenant au moment de leur égarement, le Seigneur prend l’initiative de s’approcher des siens et de marcher à leurs côtés. Dans sa grande miséricorde, Il ne se lasse pas de rester avec nous, malgré nos défauts, nos doutes, les faiblesses, malgré la tristesse et le pessimisme qui nous rendent « sans intelligence et lents à croire » (v. 25), des hommes et femmes de peu de foi.

Aujourd’hui, comme autrefois, le Seigneur ressuscité est proche de ses disciples missionnaires, et il marche à leurs côtés, surtout lorsqu’ils se sentent perdus, découragés, effrayés face au mystère d’iniquité qui les entoure et qui veut les étouffer. C’est pourquoi « ne nous laissons pas voler l’espérance » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 86). Le Seigneur est plus grand que nos problèmes, surtout lorsque nous les rencontrons dans l’annonce de l’Évangile au monde, car cette mission est la sienne et nous ne sommes que ses humbles collaborateurs, des “serviteurs inutiles” (cf. Lc 17, 10).

[…]

Après avoir écouté les deux disciples sur la route d’Emmaüs, Jésus ressuscité « partant de Moïse et de tous les Prophètes, leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait » (Lc 24, 27). Et les cœurs des disciples se réchauffèrent, comme ils finiront par se l’avouer l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » (v. 32). En effet, Jésus est la Parole vivante, qui seule peut enflammer, éclairer et transformer le cœur.

Ainsi, nous comprenons mieux l’affirmation de saint Jérôme : « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ » (In Is., Prologue). « Si le Seigneur ne nous y introduit pas, il est impossible de comprendre en profondeur l’Écriture Sainte. Pourtant le contraire est tout aussi vrai : sans l’Écriture Sainte, les événements de la mission de Jésus et de son Église dans le monde restent indéchiffrables » (Lett. ap. M.P. Aperuit illis, n. 1). C’est pourquoi la connaissance de l’Écriture est importante pour la vie du chrétien, et plus encore pour l’annonce du Christ et de son Évangile. Sinon, que transmet-on aux autres si ce n’est ses propres idées et projets ? Et un cœur froid, pourra-t-il jamais faire brûler celui des autres ?

Laissons-nous donc toujours accompagner par le Seigneur ressuscité qui nous explique le sens des Écritures. Laissons-le brûler nos cœurs, nous éclairer et nous transformer, afin que nous puissions annoncer au monde son mystère de salut avec la puissance et la sagesse qui viennent de son Esprit.

  1. Des yeux qui “s’ouvrirent, et le reconnurent” à la fraction du pain. Jésus dans l’Eucharistie est le sommet et la source de la Mission.

 

Les cœurs brûlants pour la Parole de Dieu ont poussé les disciples d’Emmaüs à demander au mystérieux voyageur, le soir tombant, de rester avec eux. Et, autour de la table, leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent quand Il rompit le pain. L’élément décisif qui ouvre les yeux des disciples est la séquence des actions réalisées par Jésus : prendre le pain, le bénir, le rompre et le leur donner. Ce sont des gestes ordinaires d’un maître de maison juif, mais, accomplis par Jésus-Christ avec la grâce de l’Esprit Saint, ils renouvellent pour les deux convives le signe de la multiplication des pains et surtout celui de l’Eucharistie, sacrement du Sacrifice de la croix. Mais au moment même où ils reconnaissent Jésus dans Celui-qui-rompt-le-pain, « il disparut à leurs regards » (Lc 24, 31). Ce fait nous permet de comprendre une réalité essentielle de notre foi : le Christ qui rompt le pain devient maintenant le Pain rompu, partagé avec les disciples et donc consommé par eux. Il est devenu invisible, parce qu’il est maintenant entré dans le cœur des disciples pour les faire brûler encore davantage, les incitant à reprendre la route sans tarder pour communiquer à tous l’expérience unique de la rencontre avec le Ressuscité ! Ainsi, le Christ ressuscité est Celui-qui-rompt-le-pain et, en même temps, il est le Pain-rompu-pour-nous. Et donc, tout disciple missionnaire est appelé à devenir, comme Jésus et en Lui, grâce à l’action de l’Esprit Saint, celui-qui-rompt-le pain et celui-qui-est-pain-rompu pour le monde.

À cet effet, il faut rappeler qu’une simple fraction de pain matériel avec les affamés au nom du Christ est déjà un acte missionnaire chrétien. À plus forte raison, la fraction du Pain eucharistique qui est le Christ Lui-même est l’action missionnaire par excellence, car l’Eucharistie est la source et le sommet de la vie et de la mission de l’Église.

[…]

Pour porter du fruit, nous devons rester unis à Lui (cf. Jn 15, 4-9). Et cette union se réalise par la prière quotidienne, surtout dans l’adoration, en restant en silence en présence du Seigneur qui reste avec nous dans l’Eucharistie. En cultivant avec amour cette communion avec le Christ, le disciple missionnaire peut devenir un mystique en action. Que notre cœur aspire toujours à la compagnie de Jésus, en murmurant la demande ardente des deux hommes d’Emmaüs, surtout quand vient le soir : “Reste avec nous, Seigneur !” (cf. Lc 24, 29).

  1. Les pieds en marche, avec la joie de raconter le Christ ressuscité. La jeunesse éternelle d’une Église toujours en sortie.

 

Après avoir ouvert les yeux, en reconnaissant Jésus dans la « fraction du pain », les disciples, « à l’instant même, se levèrent et retournèrent à Jérusalem » (cf. Lc 24, 33). Ce départ en toute hâte, pour partager avec les autres la joie de la rencontre avec le Seigneur, montre que « la joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par Lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus-Christ la joie naît et renaît toujours » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 1). On ne peut vraiment rencontrer Jésus ressuscité sans être enflammé par le désir de le dire à tout le monde. Par conséquent, ceux qui ont reconnu le Christ ressuscité dans les Écritures et dans l’Eucharistie, et qui portent son feu dans le cœur et sa lumière dans les yeux, sont la première et la principale ressource de la Mission. Ils peuvent témoigner de la vie qui ne meurt jamais, même dans les situations les plus difficiles et les moments les plus sombres.

L’image des “pieds en marche” nous rappelle une fois encore la validité permanente de la missio ad gentes, la mission, donnée à l’Église par le Seigneur ressuscité, d’évangéliser toute personne et tout peuple jusqu’aux extrémités de la terre. Aujourd’hui plus que jamais, l’humanité blessée par tant d’injustices, de divisions et de guerres, a besoin de la Bonne Nouvelle de la paix et du salut dans le Christ.

[…]

Comme l’affirme l’apôtre Paul, l’amour du Christ nous interpelle et nous pousse (cf. 2 Co 5, 14). Il s’agit ici du double amour : celui du Christ pour nous qui rappelle, inspire et suscite notre amour pour Lui. Et c’est cet amour qui rend toujours jeune l’Église en sortie, avec tous ses membres en mission pour annoncer l’Évangile du Christ, convaincus qu’ « Il est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux » (v. 15). Chacun peut contribuer à ce mouvement missionnaire : par la prière et l’action, par des offrandes d’argent et de souffrances, par son témoignage. Les Œuvres pontificales missionnaires sont l’instrument privilégié pour favoriser cette coopération missionnaire sur le plan spirituel et matériel. C’est pourquoi la collecte des offrandes de la Journée mondiale des missions est dédiée à l’Œuvre pontificale de la propagation de la foi.

L’urgence de l’action missionnaire de l’Église implique naturellement une coopération missionnaire toujours plus étroite de tous ses membres à tous les niveaux. C’est un objectif essentiel du parcours synodal que l’Église est en train d’accomplir avec les mots-clés communion, participation, mission. Ce parcours n’est certes pas un repli de l’Église sur elle-même ; il n’est pas un sondage du peuple pour décider, comme dans un parlement, ce qu’il faut croire et pratiquer ou non selon les préférences humaines. Il s’agit plutôt d’une marche comme les disciples d’Emmaüs, en écoutant le Seigneur ressuscité qui vient toujours parmi nous pour nous expliquer le sens des Écritures et rompre le pain pour nous, afin que nous puissions poursuivre, avec la force de l’Esprit Saint, sa mission dans le monde.

De même que ces deux disciples racontèrent aux autres ce qui s’était passé sur la route (Cf. Lc 24, 35), de même notre annonce sera un joyeux récit du Christ Seigneur, de sa vie, de sa passion, de sa mort et de sa résurrection, des merveilles que son amour a accomplies dans notre vie. Repartons donc nous aussi, éclairés par la rencontre avec le Ressuscité et animés par son Esprit. Repartons avec des cœurs brûlants, les yeux ouverts, les pieds en marche, pour enflammer d’autres cœurs avec la Parole de Dieu, ouvrir d’autres yeux à Jésus-Eucharistie, et inviter tout le monde à marcher ensemble sur le chemin de la paix et du salut que Dieu, dans le Christ, a donnés à l’Humanité.

Sainte Marie de la route, Mère des disciples missionnaires du Christ et Reine des Missions, priez pour nous !

Pape François, Regina Caeli, bibliothèque du Palais apostolique, dimanche 26 avril 2020

L’Évangile d’aujourd’hui, qui a lieu le jour de Pâques, raconte l’épisode des deux disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24,13-35). C’est une histoire qui commence et qui finit en chemin. Il y a en effet le voyage d’aller des disciples qui, tristes à cause de l’épilogue de l’histoire de Jésus, quittent Jérusalem et retournent chez eux, à Emmaüs, en marchant environ onze kilomètres. C’est un voyage qui a lieu le jour et dont une bonne partie du trajet est en descente. Et il y a le voyage de retour: onze autres kilomètres, mais faits à la tombée de la nuit, avec une partie du chemin qui monte, après la fatigue du parcours de l’aller et de toute la journée. Deux voyages: l’un facile de jour et l’autre pénible de nuit. Pourtant le premier a lieu dans la tristesse, le second dans la joie. Au cours du premier, le Seigneur marche à leurs côtés, mais ils ne le reconnaissent pas; pendant le second, ils ne le voient plus, mais ils le sentent proche. Lors du premier, ils sont découragés et sans espérance; au cours du deuxième ils courent apporter aux autres la bonne nouvelle de la rencontre avec Jésus-Ressuscité.

Les deux chemins différents de ces premiers disciples nous disent, à nous disciples de Jésus aujourd’hui, que dans la vie nous avons deux directions opposées devant nous: il y a le chemin de celui qui, comme ces deux personnes à l’aller, se laisse paralyser par les déceptions de la vie et avance tristement; et il y a le chemin de celui qui ne se met pas lui-même et ses problèmes à la première place, mais qui y met Jésus qui nous rend visite et les frères qui attendent sa visite, c’est-à-dire nos frère qui attendent que nous prenions soin d’eux. Voilà le changement : arrêter de tourner autour de notre moi, autour des déceptions du passé, des idéaux non réalisés, de toutes les mauvaises choses arrivées dans ma vie. Très souvent nous sommes amenés à graviter, graviter… Il faut laisser tout cela et avancer en regardant la réalité la plus grande et la plus vraie de la vie: Jésus est vivant, Jésus m’aime. Voilà qu’elle est la réalité la plus grande. Et je peux faire quelque chose pour les autres.

Pape François, Audience générale, mercredi 24 mai 2017

La rencontre de Jésus avec ces deux disciples semble être entièrement fortuite: elle ressemble à l’une des innombrables croisées de chemins qui se présentent dans la vie. Les deux disciples marchent, pensifs, et un inconnu marche à côté d’eux d’eux. C’est Jésus; mais leurs yeux ne sont pas en mesure de le reconnaître. Et alors, Jésus commence sa «thérapie de l’espérance». Ce qui a lieu sur cette route est une thérapie de l’espérance. […]

Avant tout, il demande et écoute: notre Dieu n’est pas un Dieu envahissant. Même s’il connaît déjà le motif de la déception de ces deux hommes, il leur laisse le temps de pouvoir sonder en profondeur l’amertume qui les a gagnés. […] Combien de tristesses, combien d’échecs y a-t-il dans la vie de toute personne! Au fond, nous sommes tous un peu comme ces deux disciples. Combien de fois dans la vie avons-nous espéré, combien de fois nous sommes-nous retrouvés à terre, déçus. Mais Jésus marche avec toutes les personnes découragées qui avancent tête basse. Et en marchant avec elles, de manière discrète, il réussit à redonner espoir.

Jésus leur parle avant tout à travers les Écritures. Celui qui prend en main le livre de Dieu ne trouvera pas des récits d’héroïsme facile, de foudroyantes campagnes de conquête. La véritable espérance n’est jamais à bas prix: elle passe toujours à travers des échecs. L’espérance de celui qui ne souffre pas n’est sans doute pas une espérance. Dieu n’aime pas être aimé comme on aimerait un conquérant qui entraîne son peuple vers la victoire en anéantissant ses ennemis dans le sang. Notre Dieu est une faible lueur qui brille un jour de froid et de vent, et pour autant que sa présence puisse sembler fragile dans ce monde, Il a choisi la place que nous dédaignons tous.

Puis Jésus répète pour les deux disciples le geste central de toute Eucharistie: il prend le pain, le bénit, le rompt, et le donne. N’y a-t-il pas dans cette série de gestes toute l’histoire de Jésus? Et n’y a-t-il pas dans toute Eucharistie également le signe de ce que doit être l’Eglise? Jésus nous prend, nous bénit, «rompt» notre vie — parce qu’il n’y a pas d’amour sans sacrifice — et l’offre aux autres, l’offre à tous.

C’est une rencontre rapide que celle de Jésus avec les deux disciples d’Emmaüs. Mais elle renferme tout le destin de l’Église. Elle nous raconte que la communauté chrétienne n’a pas été enfermée dans une citadelle fortifiée, mais qu’elle marche sur son élément le plus vital, c’est-à-dire la route. Et là, elle rencontre les personnes, avec leurs espérances et leurs déceptions, parfois lourdes. L’Église écoute les histoires de tous, pour ensuite offrir la Parole de vie, le témoignage de l’amour de Dieu, amour fidèle jusqu’au bout. Et alors, le cœur des personnes recommence à brûler d’espérance.

 

(Photo: Pexels.com / Mary Taylor)

 

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