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Eucharistie – « source et sommet de la vie et de la mission de l’Église »

Eucharistie - « source et sommet de la vie et de la mission de l’Église »
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

SOLENNITÉ DU SAINT SACREMENT OU SOLENNITÉ DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST (ANNÉE B)

Ex 24,3-8; Ps 115; He 9,11-15; Mc 14,12-16.22-26           


Eucharistie – “source et sommet de la vie et de la mission de l’Église”

« La fête du Corpus Domini nous invite à renouveler l’émerveillement et la joie pour ce don merveilleux du Seigneur, qu’est l’Eucharistie », a rappelé le pape François lors de l’Angélus, sur la place Saint-Pierre, dimanche 23 juin 2019. Célébrons donc avec joie cette solennité du très Saint Corps et Sang du Christ, qui est fêtée après le dimanche de la Sainte Trinité. D’une telle succession émerge l’Eucharistie comme « don gratuit de la Sainte Trinité », comme l’écrit le pape Benoît XVI dans son exhortation apostolique Sacramentum Caritatis précisément « sur l’Eucharistie source et sommet de la vie et de la mission de l’Église ». Nous pourrions nous arrêter sur les trois aspects intéressants dans une perspective missionnaire.

  1. Le zèle missionnaire de Jésus dans le mystère de l’Eucharistie

L’Évangile de saint Marc nous rappelle le contexte de l’institution de l’Eucharistie. C’est la dernière Cène pascale que Jésus a voulu célébrer avec les siens d’une manière peut-être très spéciale, en leur indiquant les différents détails d’un lieu déjà prévu et appelé par Lui comme “ma chambre” (cf. Mc 14,12-16). Dans cette perspective, saint Luc explique le sentiment particulier de Jésus à cette occasion. Il dit à ses disciples : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! Car je vous le déclare : jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle soit pleinement accomplie dans le royaume de Dieu » (Lc 22,15-16).

La phrase de Jésus, dans son style, fait écho à la déclaration qu’il a lui-même faite au cours de son ministère public : « Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! » (Lc 12,50). Ici aussi, nous voyons l’esprit et le cœur de Jésus tous orientés vers sa passion et sa mort comme point culminant de sa mission, cette « heure » où il sera baptisé / immergé dans le sang et boira la coupe du Père. Ce désir ardent de Jésus de « manger » la Pâque avec ses disciples vient de son grand zèle à accomplir fidèlement la mission que Dieu lui a confiée. D’autre part, ce désir contient toute l’importance de l’événement, qui est intrinsèquement lié au moment de la Croix, parce que dans ce repas, Jésus établira une fois pour toutes l’Eucharistie, le rite de la Nouvelle Alliance dans son sang (cf. 1 Co 11, 26). C’est donc aussi son grand désir que ses « apôtres » participent à sa mission et à sa passion.

Tout est plongé dans la perspective de la réalisation du royaume de Dieu. Jésus déclare solennellement : « jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle soit pleinement accomplie dans le royaume de Dieu » (Lc 22,16) et ensuite : « jamais plus je ne boirai du fruit de la vigne jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu » (Lc 22,18), phrase qui fait écho à celle de l’Évangile de Marc que Jésus prononça après la formule sur le sang : « Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu ». Ces déclarations sont mystérieuses à certains égards, mais elles sonnent comme un serment solennel d’une personne consacrée à Dieu faisant vœu d’accomplir une action sacrée (cf. Nb 6,2-4). Jésus, le consacré de Dieu, fera tout, ou plutôt, il fera l’acte suprême, se sacrifiant, pour l’avènement du royaume de Dieu.

Les disciples avaient-ils compris ou perçu ce sentiment fort de leur Maître ainsi que son zèle ? Et nous, ses disciples modernes, aujourd’hui comme à chaque fois que nous sommes à l’Eucharistie, ressentons-nous ce désir ardent de Jésus de manger cette Pâque avec nous ? Il veut encore, mystiquement mais toujours ardemment, faire ce repas de Pâques avec ses disciples afin de partager à nouveau avec chacun d’eux tout de lui-même, corps, sang, vie, passion, mission. Ressentir ce désir de Jésus sera certainement fondamental pour que chacun de ses disciples continue sa même mission avec le même zèle que le sien pour accomplir malgré tout la volonté du Père. « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1Cor 11, 26).

  1. Le pain de Jésus et la mission de la communauté des fidèles

Comme lors de la multiplication des pains, Jésus a également impliqué ses disciples dans le Mystère eucharistique. Cela se voit non seulement dans la collaboration des disciples à la préparation de « sa chambre » pour la dernière Cène, mais aussi dans le commandement explicite qui leur est donné : « Faites cela en mémoire de moi ». Cette recommandation est répétée deux fois dans le récit de saint Paul sur l’institution de l’Eucharistie, à la fois après les paroles sur le pain et après celles sur le vin. Dans cette perspective, saint Paul conclut son récit concis par une observation précieuse sur la dimension de l’annonce du Christ qui va de pair avec la participation à l’Eucharistie : « chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11,26).

Voici une réflexion de Benoît XVI concernant l’Eucharistie et la mission de la communauté des fidèles :

En effet, nous ne pouvons garder pour nous l’amour que nous célébrons dans ce Sacrement [de l’Eucharistie]. Il demande de par sa nature d’être communiqué à tous. Ce dont le monde a besoin, c’est de l’amour de Dieu, c’est de rencontrer le Christ et de croire en lui. C’est pourquoi l’Eucharistie n’est pas seulement source et sommet de la vie de l’Église ; elle est aussi source et sommet de sa mission : « Une Église authentiquement eucharistique est une Église missionnaire ». Nous aussi, nous devons pouvoir dire à nos frères avec conviction : « Ce que nous avons contemplé, ce que nous avons entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous » (1 Jn 1,3). En réalité, il n’y a rien de plus beau que de rencontrer le Christ et de le communiquer à tous. L’institution même de l’Eucharistie, du reste, anticipe ce qui constitue le cœur de la mission de Jésus : Il est l’Envoyé du Père pour la rédemption du monde (cf. Jn 3,16-17; Rm 8,32). Au cours de la dernière Cène, Jésus confie à ses disciples le Sacrement qui actualise le sacrifice qu’il a fait de lui-même par obéissance au Père pour notre salut à tous. Nous ne pouvons nous approcher de la Table eucharistique sans nous laisser entraîner dans le mouvement de la mission qui, prenant naissance dans le Cœur même de Dieu, veut rejoindre tous les hommes. La tension missionnaire est donc constitutive de la forme eucharistique de l’existence chrétienne. (Sacramentum Caritatis 84).

  1. « Ite, missa est ». Allez porter le Christ à tous !

Dans la perspective de la déclaration de saint Paul aux Corinthiens, il convient de rappeler l’importante clarification du Pape sur la nature de la proclamation chrétienne qui part de la participation au Mystère eucharistique :

Souligner le rapport intrinsèque entre Eucharistie et mission nous fait aussi redécouvrir le contenu ultime de notre annonce. Plus l’amour pour l’Eucharistie sera vivant dans le cœur du peuple chrétien, plus le devoir de la mission sera clair pour lui : porter le Christ. Ce n’est ni une idée ni un commandement moral inspiré par lui, mais c’est le don de sa propre Personne. Celui qui ne communique pas la vérité de l’Amour à son frère n’a pas encore donné assez. En tant que sacrement de notre salut, l’Eucharistie nous renvoie ainsi inévitablement au caractère unique du Christ et du salut qu’il a accompli au prix de son sang. Par conséquent, du Mystère eucharistique, auquel on croit et que l’on célèbre, naît l’exigence d’éduquer constamment tout le monde au travail missionnaire dont le centre est l’annonce de Jésus, unique Sauveur. (238) Cela évitera de réduire à un aspect purement sociologique l’œuvre déterminante de promotion humaine, qui est toujours impliquée dans tout processus authentique d’évangélisation. (Sacramentum Caritatis 86).

Une autre réflexion sur la salutation d’adieu à la fin de la célébration eucharistique, nous sera utile :

Après la bénédiction, le diacre ou le prêtre renvoie le peuple avec les paroles : Ite, missa est. Dans ce salut, il nous est donné de comprendre le rapport entre la Messe célébrée et la mission chrétienne dans le monde. Dans l’Antiquité, « missa » signifiait tout simplement « envoi » (dimissio). Dans l’usage chrétien, ce mot a trouvé une signification bien plus profonde. En réalité, l’expression « envoi » se transforme en « mission ». Ce salut exprime de manière synthétique la nature missionnaire de l’Église. (Sacramentum Caritatis 51)

Prions donc pour que, « Par l’intercession de la bienheureuse Vierge Marie, que l’Esprit Saint allume en nous la même ardeur dont les disciples d’Emmaüs firent l’expérience (cf. Lc 24,13-35) et qu’il renouvelle dans notre vie l’émerveillement eucharistique pour la splendeur et la beauté qui resplendissent dans le rite liturgique, signe efficace de la beauté infinie elle-même du saint mystère de Dieu » (Sacramentum Caritatis 97).

Prions pour que nous puissions tous accueillir toujours avec joie et gratitude le don du Pain « complet » que Jésus nous offre dans chaque célébration eucharistique, le Pain de sa Parole et de son Corps et de son Sang, afin de le partager avec les autres dans notre vie, en proclamant la mort et la résurrection du Seigneur, « jusqu’à ce qu’il vienne ».

Pape François, Message pour la 98ème Journée mondiale des missions 2024, 20 octobre 2024

Allez et invitez tout le monde à la noce (cf. Mt 22, 9)

  1. Au banquet. La perspective eschatologique et eucharistique de la mission du Christ et de l’Église

Nous savons que le zèle missionnaire des premiers chrétiens avait une forte dimension eschatologique. Ils ressentaient l’urgence de proclamer l’Évangile. Aujourd’hui encore, il est important de garder à l’esprit cette perspective, car elle nous aide à évangéliser dans la joie de celui qui sait que « le Seigneur est proche », et dans l’espérance de celui qui est tendu vers le but, lorsque nous serons tous avec le Christ à ses noces dans le royaume de Dieu. Alors que le monde propose les “banquets” variés de la consommation, du bien-être égoïste, de l’accumulation, de l’individualisme, l’Évangile appelle chacun au banquet divin où règnent la joie, le partage, la justice, la fraternité, dans la communion avec Dieu et avec les autres.

Cette plénitude de vie, don du Christ, est anticipée dans le banquet de l’Eucharistie que l’Église célèbre à la demande du Seigneur, en mémoire de Lui. Ainsi, l’invitation au banquet eschatologique que nous apportons à chacun dans la mission évangélisatrice est intrinsèquement liée à l’invitation à la table eucharistique où le Seigneur nous nourrit de sa Parole, de son Corps et de son Sang. Comme l’a enseigné Benoît XVI, « en toute célébration eucharistique se réalise sacramentellement le rassemblement eschatologique du Peuple de Dieu. Le banquet eucharistique est pour nous une réelle anticipation au banquet final, annoncé par les prophètes (cf. Is 25, 6-9) et décrit dans le Nouveau Testament comme “les noces de l’Agneau” (Ap 19, 7-9) qui doivent être célébrées dans la joie de la communion des saints » (Sacramentum Caritatis, n. 31).

Par conséquent, nous sommes tous appelés à vivre plus intensément chaque Eucharistie dans toutes ses dimensions, en particulier dans ses dimensions eschatologique et missionnaire. Je répète à ce propos que « nous ne pouvons pas nous approcher de la Table eucharistique sans nous laisser entraîner dans le mouvement de la mission qui, prenant naissance dans le Cœur même de Dieu, veut rejoindre tous les hommes » (ibid., n. 84). Le renouveau eucharistique, que de nombreuses Églises locales encouragent de manière louable dans la période post-Covid, sera fondamental pour réveiller l’esprit missionnaire en chaque fidèle. Avec combien plus de foi et d’élan du cœur, dans chaque Messe, devrions-nous prononcer l’acclamation : « Nous annonçons ta mort, Seigneur Jésus, nous proclamons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire » !

Dans cette perspective, en cette année consacrée à la prière pour la préparation du Jubilé de 2025, je voudrais inviter chacun à intensifier, aussi et surtout, la participation à la Messe et la prière pour la mission évangélisatrice de l’Église. Celle-ci, obéissant à la parole du Sauveur, ne cesse d’élever vers Dieu, dans chaque célébration eucharistique et liturgique, la prière du Notre Père avec l’invocation « Que ton règne vienne ». Ainsi, la prière quotidienne, et en particulier l’Eucharistie, fait de nous des pèlerins-missionnaires de l’espérance, en marche vers la vie sans fin en Dieu, vers le banquet nuptial préparé par Dieu pour tous ses enfants.

Pape François, Message pour la 97ème Journée mondiale des missions 2023, 22 octobre 2023

Des cœurs brûlants, des pieds en marche (cf. Lc 24, 13-35)

  1. Des yeux qui “s’ouvrirent, et le reconnurent” à la fraction du pain. Jésus dans l’Eucharistie est le sommet et la source de la Mission.

Les cœurs brûlants pour la Parole de Dieu ont poussé les disciples d’Emmaüs à demander au mystérieux Voyageur, le soir tombant, de rester avec eux. Et, autour de la table, leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent quand Il rompit le pain. L’élément décisif qui ouvre les yeux des disciples est la séquence des actions réalisées par Jésus : prendre le pain, le bénir, le rompre et le leur donner. Ce sont des gestes ordinaires d’un maître de maison juif, mais, accomplis par Jésus-Christ avec la grâce de l’Esprit Saint, ils renouvellent pour les deux convives le signe de la multiplication des pains et surtout celui de l’Eucharistie, sacrement du Sacrifice de la croix. Mais au moment même où ils reconnaissent Jésus dans Celui-qui-rompt-le-pain, « il disparut à leurs regards » (Lc 24, 31). Ce fait nous permet de comprendre une réalité essentielle de notre foi : le Christ qui rompt le pain devient maintenant le Pain rompu, partagé avec les disciples et donc consommé par eux. Il est devenu invisible, parce qu’il est maintenant entré dans le cœur des disciples pour les faire brûler encore davantage, les incitant à reprendre la route sans tarder pour communiquer à tous l’expérience unique de la rencontre avec le Ressuscité ! Ainsi, le Christ ressuscité est Celui-qui-rompt-le-pain et, en même temps, il est le Pain-rompu-pour-nous. Et donc, tout disciple missionnaire est appelé à devenir, comme Jésus et en lui, grâce à l’action de l’Esprit Saint, celui-qui-rompt-le pain et celui-qui-est-pain-rompu pour le monde.

À cet effet, il faut rappeler qu’une simple fraction de pain matériel avec les affamés au nom du Christ est déjà un acte missionnaire chrétien. À plus forte raison, la fraction du Pain eucharistique qui est le Christ Lui-même est l’action missionnaire par excellence, car l’Eucharistie est la source et le sommet de la vie et de la mission de l’Église.

[…]

Pour porter du fruit, nous devons rester unis à lui (cf. Jn 15, 4-9). Et cette union se réalise par la prière quotidienne, surtout dans l’adoration, en restant en silence en présence du Seigneur qui reste avec nous dans l’Eucharistie. En cultivant avec amour cette communion avec le Christ, le disciple missionnaire peut devenir un mystique en action. Que notre cœur aspire toujours à la compagnie de Jésus, en murmurant la demande ardente des deux hommes d’Emmaüs, surtout quand vient le soir : “Reste avec nous, Seigneur !” (cf. Lc 24, 29).

 

 

(Photo: Pexels.com / Oğuz Kandemir)

 

 

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