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La mission compatissante du Christ, la Miséricorde incarnée

La mission compatissante du Christ, la Miséricorde incarnée
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

6e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE B)

Lv 13,1-2.45-46 ; Ps 31 ; 1Co 10,31-11,1 ; Mc 1,40-45

La mission compatissante du Christ, la Miséricorde incarnée

L’évangile de ce dimanche représente l’un des épisodes évangéliques les plus émouvants racontés par saint Marc et offre l’occasion de contempler l’image de Jésus, la miséricorde de Dieu en mission. Il convient de rappeler que l’évangile de Marc est probablement le plus ancien des quatre Évangiles. Par conséquent, il est fort probable que nous ayons dans cet ouvrage les premiers récits du Christ miséricordieux, qui sont aussi intéressants du point de vue historique qu’importants du point de vue théologique. En suivant les récurrences des termes de miséricorde mentionnés en référence à Jésus, nous découvrons la présence d’un intérêt particulier de Mc à transmettre l’image du Jésus miséricordieux. L’évangéliste le fait par l’utilisation fréquente de verbes clés dans des épisodes à caractère hautement symbolique, comme dans notre passage d’aujourd’hui, qu’il convient de méditer dans les détails les plus significatifs pour comprendre les caractéristiques de la mission de Jésus.

  1. La première explication de la compassion de Jésus en action

Il nous semble pertinent que l’évangéliste fasse allusion à la compassion de Jésus dans la guérison des malades dès les premiers récits de guérison, en particulier dans la guérison d’un lépreux qui vient d’être racontée en Mc 1, 40-45, qui est la première racontée après que Jésus “a parcouru toute la Galilée” (Mc 1, 39). Dans la chronologie des guérisons de Marc, notre récit est le troisième après l’exorcisme pratiqué dans la synagogue de Capharnaüm (1,21-28) et la guérison de la belle-mère de Simon Pierre (1,29-31).

Dans notre passage, pour décrire le sentiment intime de Jésus devant la supplication touchante du malade “à genoux”, l’évangéliste Marc utilise le verbe spécifique “pris de compassion/pitié” : « Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : “ Je le veux, sois purifié ” » (Mc 1,41). L’action de Jésus apparaît très solennelle dans la manière de raconter de Mc, et cela s’accorde bien avec la solennité de la déclaration de Jésus sur la guérison. L’ensemble tend à offrir une image christologique hautement symbolique. L’expérience de la compassion de Jésus aura également une valeur théologique emblématique en tant qu’expression de son cœur profondément compatissant qui sous-tend son action de miséricorde ou l’utilisation de la miséricorde envers ceux qui la réclament. C’est précisément cette compassion sous-jacente pour les nécessiteux qui va au-delà de toute considération légaliste, comme on peut le voir dans l’acte de Jésus, “choquant” pour beaucoup, de tendre la main et de toucher le lépreux qui, pour la Loi juive, est un objet d’impureté et un transmetteur de la même maladie et qui, par conséquent, doit être isolé/exclu de tous (cf. Lv 13,45-46 ; première lecture).

  1. Le “toucher” humano-divin de Jésus

En soi, Jésus pouvait guérir par la parole seule et à distance, comme on le voit dans d’autres guérisons. Dans l’épisode en question, saint Marc semble vouloir souligner le toucher mémorable de Jésus par la double description de l’action (tendre la main et toucher). Ainsi, solennel et majestueux tel qu’il est décrit, le geste rappelle le “toucher purificateur” de Dieu lui-même dans l’AT (cf. Jr 1,9 ; Is 6,7 ; Dn 10,16.18) et donne un aperçu de la conscience qu’a Jésus d’être “le saint de Dieu”, doté du pouvoir divin qui établit la pureté. Cependant, ce geste exprime également une certaine tendresse de la part de Jésus et symbolise ainsi sa miséricorde en action. Il rappelle l’acte similaire de Jésus dans l’épisode de la veuve de Naïm (Lc 7, 11-17), lorsqu’il “toucha le cercueil” et ressuscita l’enfant par miséricorde, sans craindre le contact avec les morts, une autre catégorie d’impureté.

À cet égard, il faut noter l’utilisation du même verbe (pris de compassion, pitié) , comme en Mc 1,41, pour le sentiment de compassion de Jésus face à la douleur de la veuve pour la mort de son fils unique (cf. Lc 7,13). De plus, si l’on considère que, pour la tradition juive, le lépreux est déjà considéré comme mort et que sa guérison, que seul Dieu peut accomplir, est jugée équivalente à la résurrection (car le malade aura une vie nouvelle), le parallélisme entre Mc 1,40-45 et Lc 7,11-17 apparaît encore plus frappant. Outre les aspects communs relevés ci-dessus, le point le plus important est le commandement de Jésus au lépreux et au mort. Dans les deux cas, il apparaît que Jésus commande et agit avec autorité, parlant avec emphase à la première personne et se référant non pas tant à la puissance de Dieu qu’à la sienne propre ! Ainsi, les aspects humains et divins sont mélangés en Jésus, qui peut littéralement avoir pitié du fond de son cœur d’homme et exercer la miséricorde avec la puissance de Dieu. Théologiquement, ces deux aspects se confondent en Jésus car la puissance divine se révèle dans son action et donc aussi le sentiment divin de la miséricorde dans son sentiment.

  1. Jésus et sa mission de compassion universelle et “permanente”

L’image commune de Jésus en Mc 1,40-45 et Lc 7,11-17 nous incite à une réflexion sur le fait que Jésus est miséricordieux et qu’il est ému par la supplication du lépreux, les pleurs de la veuve et, en général, par la tristesse et la misère de l’Homme. Même si la note descriptive sur la compassion de Jésus est de la main des évangélistes (qui essayaient de décrire sous l’inspiration de l’Esprit Saint l’état d’esprit indescriptible de Jésus à ce moment-là), elle est probablement l’image “historique” de Jésus, puisqu’elle correspond à sa manière d’agir en faveur des affligés, des malheureux et des pauvres. Dans tous les cas, la compassion de Jésus le pousse à agir en faveur de ceux dont la situation existentielle a suscité de tels sentiments. En d’autres termes, outre la mention de la compassion miséricordieuse de Jésus, l’accent est toujours mis sur le fait qu’il démontre sa miséricorde envers les nécessiteux dans les actions concrètes de guérison, d’enseignement, de provision de pain, d’envoi de disciples pour proclamer la bonne nouvelle.

Enfin, il faut rappeler que, dans l’évangile de Marc, la pensée selon laquelle la guérison ou plus généralement le miracle représente une action de la miséricorde de Dieu en Jésus, trouve une confirmation immédiate dans l’épisode du possédé de Gérasa (Mc 5,1-20). Il est à noter que ces deux péricopes semblent se renvoyer l’une à l’autre, compte tenu de certains éléments parallèles et complémentaires. L’une se déroule sur le territoire des juifs, l’autre sur celui des païens. Dans les deux épilogues, il y a une recommandation de Jésus à l’ancien malade, et ce dernier ne la suivra pas, faisant quelque chose de contraire ou de différent. En outre, il convient de noter le caractère complémentaire des deux recommandations de Jésus : en Mc 1, 40-45, Jésus interdit à l’ancien lépreux de rapporter l’événement, tandis qu’en Mc 5, 1-20, il permet à l’ancien possédé d’ “annoncer” l’événement, bien que seulement à sa propre famille. Enfin, les situations finales des récits sont les mêmes : la renommée de Jésus se répand malgré sa réticence. Dans les deux cas, nous avons un Jésus transcendant et divin qui accorde la miséricorde divine en tant que Dieu et à la manière de Dieu. Ainsi, pour Jésus, chaque action miraculeuse qui rétablit la santé corporelle ou spirituelle est en fait une démonstration de la miséricorde qu’il ressent dans son cœur et qu’il met en œuvre avec la puissance de Dieu. En un mot, Jésus est la miséricorde de Dieu en action en faveur des malades et des personnes souffrant dans leur corps et/ou dans leur âme.

De manière significative, ce dimanche marque également la Journée mondiale du malade (fixée le jour de la mémoire liturgique de Notre-Dame de Lourdes). Prions donc pour tous les malades du monde, afin qu’ils puissent expérimenter aujourd’hui et toujours le “toucher” de Jésus compatissant qui continue à “tendre la main” et à travailler dans ses saints et ses disciples, envoyés à tous les peuples. Prions aussi pour nous tous, chrétiens, disciples-missionnaires du Christ, afin que nous nous engagions de plus en plus à “sortir” inlassablement avec notre Seigneur et Maître pour rejoindre chaque homme et chaque femme d’aujourd’hui, comme le Pape l’a demandé dans son Message pour la Journée mondiale des missions 2024 : « Nous tous, baptisés, disposons-nous à partir de nouveau, chacun selon sa condition de vie, pour lancer un nouveau mouvement missionnaire, comme à l’aube du christianisme ! ».

Pape François, Message pour la 98e Journée mondiale des missions 2024 (20 octobre 2024)

Allez et invitez tout le monde à la noce (cf. Mt 22, 9)

1) ”Allez et invitez”. La mission comme le fait d’aller et d’inviter inlassablement à la fête du Seigneur

Au début du commandement du roi à ses serviteurs, il y a les deux verbes qui expriment le cœur de la mission : “allez” et “appelez” dans le sens d’”invitez”.

Concernant le premier verbe, il faut rappeler que les serviteurs avaient déjà été envoyés auparavant pour transmettre le message du roi aux invités (cf. vv. 3-4). Cela nous fait comprendre que la mission est une sortie inlassable vers toute l’humanité pour l’inviter à la rencontre et à la communion avec Dieu. Inlassable ! Dieu, grand en amour et riche en miséricorde, est toujours en sortie vers tout homme pour l’appeler au bonheur de son Royaume, malgré l’indifférence ou le refus. De la même façon, Jésus-Christ, le bon pasteur et l’envoyé du Père, allait à la recherche des brebis perdues du peuple d’Israël et voulait aller plus loin pour rejoindre les brebis les plus éloignées (cf. Jn 10, 16). Il dit aux disciples “Allez !”, aussi bien avant qu’après sa résurrection, les impliquant dans sa mission (cf. Lc 10, 3 ; Mc 16, 15). C’est pourquoi l’Église continuera à se rendre au-delà de toutes frontières, à sortir sans cesse, sans ne se fatiguer ni se décourager face aux difficultés et aux obstacles, pour accomplir fidèlement la mission reçue du Seigneur.

Je saisis cette occasion pour remercier les missionnaires, hommes et femmes, qui, répondant à l’appel du Christ, ont tout quitté pour partir loin de leur patrie et apporter la Bonne Nouvelle là où les gens ne l’ont pas encore reçue ou ne l’ont accueillie que récemment. Chers amis, votre généreux dévouement est une expression tangible de l’engagement pour la mission ad gentes que Jésus a confiée à ses disciples : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19). Continuons donc à prier et à remercier Dieu pour les nouvelles et nombreuses vocations missionnaires, pour l’œuvre d’évangélisation qui se poursuit jusqu’aux extrémités de la Terre.

Et n’oublions pas que chaque chrétien est appelé à prendre part à cette mission universelle par son propre témoignage évangélique dans tous les milieux, afin que l’Église tout entière ne cesse de sortir avec son Seigneur et Maître vers les “carrefours des routes” du monde d’aujourd’hui. Oui, « aujourd’hui, le drame de l’Église est que Jésus continue à frapper à la porte, mais de l’intérieur, pour que nous le laissions sortir ! Très souvent, on finit par être une Église […] qui ne laisse pas le Seigneur sortir, qui le tient comme sa “chose propre” alors qu’Il est venu pour la mission et nous veut missionnaires » (Discours aux participants au congrès organisé par le Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, 18 février 2023). Nous tous, baptisés, disposons-nous à partir de nouveau, chacun selon sa condition de vie, pour lancer un nouveau mouvement missionnaire, comme à l’aube du christianisme !

 

 

(Photo: Pexels.com / Yura Forrat)

 

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