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La mission du généreux maître de la vigne

La mission du généreux maître de la vigne
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

25ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A)

Is 55, 6-9; Ps 144; Ph 1, 20c-24.27a; Mt 20, 1-16

La mission du généreux maître de la vigne

Dans l’évangile d’aujourd’hui, le Seigneur Jésus continue d’enseigner à ses disciples la réalité naissante du royaume des Cieux. Et il le fait dans un langage parabolique, à travers la formule d’introduction fixe « Le royaume des Cieux est comparable au… », comme nous l’avons déjà vu dimanche dernier. La générosité de Dieu qui accorde son prix, l’image du salut, à tous ceux qui ont accepté de travailler dans sa vigne, même et surtout ceux des dernières heures, est maintenant mise en évidence. Ce récit parabolique se révèle donc être avant tout une annonce de caractère christologique : avec et en Jésus, le temps final du salut divin pour l’Humanité est arrivé. Cette vérité de la générosité de Dieu dans le Christ est également scandaleuse pour ceux qui sont enfermés dans l’étroitesse de leur logique humaine. La richesse de la parabole entendue est à approfondir, mais il est nécessaire de commencer par une remarque sur la manière correcte d’interpréter les détails de l’histoire.

  1. Une “mise en garde” nécessaire sur l’interprétation de la parabole

Il faut se rappeler que les paraboles ne sont pas des allégories dont chaque détail doit correspondre à un message. Il s’agit plutôt de récits dans lesquels l’auteur veut transmettre un message principal qui devient ainsi le levier sur lequel repose toute l’intrigue avec des détails fictifs et parfois même exagérés, “un levier sur lequel on veut faire de la force”, pour citer le cardinal Carlo Maria Martini.

Cette note introductive sert donc à clarifier le point central de notre parabole qui, avec ses nombreux détails, a connu diverses interprétations au cours des siècles. Certains voient dans les multiples sorties du maître de la vigne l’action de Dieu dans l’histoire humaine depuis le début du monde jusqu’à aujourd’hui, depuis l’époque d’Adam jusqu’à celle de Jésus. Certains, en revanche, y voient l’image de l’appel de Dieu dans les différentes étapes de la vie de l’homme : enfance, adolescence, jeunesse, âge adulte, vieillesse (saint Grégoire le Grand), ou encore dans les différentes situations de l’esprit humain (saint Jean Chrysostome) ! Toutes ces interprétations ne doivent pas détourner notre attention du point central de la parabole que Jésus veut transmettre : la générosité “scandaleuse” du salut, offert par Dieu dans le Christ aux “derniers arrivés”, et qui a provoqué des murmures de la part de ceux qui se considèrent comme des justes et des défenseurs de la justice divine.

  1. La double générosité du Maître de la vigne

Vis-à-vis des ouvriers, le Maître est généreux à deux égards. Tout d’abord, sa générosité consiste à sortir inlassablement, tôt le matin, pour offrir du travail aux intéressés. On peut imaginer qu’à chaque heure, du matin au soir, le Maître invitait et accueillait dans sa vigne tous ceux qui le désiraient. Il était généreux dans sa patience et son dévouement à trouver des ouvriers. Nous avons ici une belle représentation du Dieu qui est grand dans l’amour et qui ne se lasse pas de sortir à divers moments et de diverses manières (cf. He 1,1) pour rassembler ses enfants pour le royaume des Cieux.

En second lieu, la générosité du Maître se révèle particulièrement à l’égard des derniers ouvriers auxquels il a décidé de donner le salaire de toute la journée. En d’autres termes, même si ceux de la dernière heure ont travaillé moins d’heures, ils ont reçu la même somme d’argent que les autres qui avaient travaillé depuis le matin. Ce détail a dérangé pas mal de défenseurs d’un Dieu forcément juste dans ses actions. Quelques-uns ont donc tenté de justifier la décision étrange et “injuste” du Maître en supposant que ces premiers ouvriers n’avaient probablement pas bien travaillé et avaient même été paresseux, gaspillant le temps du travail assigné! Une telle explication “logique” semble très suggestive, mais ne reflète pas du tout toute la force provocatrice de la parabole que Jésus veut transmettre. Il ne s’agit plus ici de la logique de la justice distributive humaine, mais seulement de la magnanimité divine, qui reste toujours un mystère insondable pour l’esprit humain. Dieu lui-même nous le rappelle par l’intermédiaire du prophète Isaïe (première lecture) : « Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins. […] Autant le ciel est élevé au-dessus de la Terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées » (Is 55,8-9).

  1. « Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? » Le vice de l’envie humaine à tenir à distance dans la vie et la mission

La fin de la parabole relie la proclamation principale du salut généreux de Dieu pour les plus petits à une leçon morale non moins importante : nous devons nous méfier du “vice” qui consiste à murmurer contre la bonne œuvre de Dieu pour les autres à cause de l’envie qui couve dans nos cœurs. La phrase clé est la question du maître à l’un des murmureurs : « Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? », ou littéralement, « as-tu de mauvais yeux parce que moi, je suis bon ?» Outre la polémique possible contre les chefs religieux d’Israël qui murmuraient devant l’action de Jésus, cette question est aussi un éternel avertissement à tous les “premiers” bénéficiaires du salut divin face à possible “fortune” des derniers “employés”.

Nous devons nous réjouir de la générosité gratuite de Dieu pour tous, plutôt que d’être attristés par le prétendu manque d’appréciation de Dieu pour nos efforts. Il s’agit toujours de la gratuité de Dieu pour chacun d’entre nous qui, malgré nos “mérites” supposés ou réels, sommes toujours et en tout cas indignes de son don. Même Israël a été choisi par Dieu sans aucun mérite comme son peuple élu. Ainsi, Dieu offre toujours gratuitement à tout homme l’abondance de sa rédemption. Et nous ne pouvons que nous réjouir ensemble, comme l’invitation du père au fils aîné dans la parabole du fils prodigue.

Enfin, il convient de rappeler l’enseignement concis du Catéchisme de l’Église catholique sur l’envie, qui commence par une observation forte :

2538 […] L’envie peut conduire aux pires méfaits (cf. Gn 4, 3-7 ; 1 R 21, 1-29). C’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde (cf. Sg 2, 24-25) : « Nous nous combattons mutuellement, et c’est l’envie qui nous arme les uns contre les autres … Si tous s’acharnent ainsi à ébranler le corps du Christ, où en arriverons-nous ? Nous sommes en train d’énerver le corps du Christ … Nous nous déclarons les membres d’un même organisme et nous nous dévorons comme le feraient des fauves » (S. Jean Chrysostome, hom. in 2 Cor. 28, 3-4 : PL 61, 594-595).

Et encore:

2539 L’envie est un vice capital. Elle désigne la tristesse éprouvée devant le bien d’autrui et le désir immodéré de se l’approprier, fût-ce indûment. Quand elle souhaite un mal grave au prochain, elle est un péché mortel : Saint Augustin voyait dans l’envie “ le péché diabolique par excellence ” (Catech. 4, 8). “ De l’envie naissent la haine, la médisance, la calomnie, la joie causée par le malheur du prochain et le déplaisir causé par sa prospérité ” (S. Grégoire le Grand, mor. 31, 45 : PL 76, 621).

Et donc,

2540 L’envie représente une des formes de la tristesse et donc un refus de la charité ; le baptisé luttera contre elle par la bienveillance. L’envie vient souvent de l’orgueil ; le baptisé s’entraînera à vivre dans l’humilité : « C’est par vous que vous voudriez voir Dieu glorifié ? Eh bien, réjouissez-vous des progrès de votre frère, et, du coup, c’est par vous que Dieu sera glorifié. Dieu sera loué, dira-t-on, de ce que son serviteur a su vaincre l’envie en mettant sa joie dans les mérites des autres » (S. Jean Chrysostome, hom. in Rom. 7, 3 : PG 60, 445).

Qu’il soit ainsi dans la vie des disciples – missionnaires du Christ, et surtout dans leurs activités missionnaires.

Pape François, Angélus, dimanche, 24 septembre 2017

Dans la page évangélique d’aujourd’hui (Mt 20, 16-16), nous trouvons la parabole des ouvriers journaliers, que Jésus raconte pour communiquer deux aspects du Royaume de Dieu : le premier, que Dieu veut appeler tout le monde à travailler pour son Royaume ; le deuxième, qu’à la fin il veut donner à tous la même récompense, c’est-à-dire le salut, la vie éternelle. […]

Le message est le suivant : dans le Royaume de Dieu, il n’y a pas de chômeur, tous sont appelés à travailler ; et pour tous, à la fin, il y aura la récompense qui vient de la justice divine — pas humaine, heureusement pour nous ! — c’est-à-dire le salut que Jésus Christ a acquis pour nous par sa mort et sa résurrection. Un salut qui n’est pas mérité, mais donné — le salut est gratuit —, de sorte que «les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers» (Mt 20, 16). […]

Jésus veut nous faire contempler le regard de ce maître : le regard avec lequel il voit chacun des travailleurs qui attendent du travail, et il les appelle à aller dans sa vigne. C’est un regard plein d’attention, de bienveillance ; c’est un regard qui appelle, qui invite à se lever, à se mettre en marche, parce qu’il veut la vie pour chacun de nous, il veut une vie pleine, engagée, sauvée du vide et de l’inertie. Dieu qui n’exclut personne et veut que chacun atteigne sa plénitude. Voilà l’amour de notre Dieu, de notre Dieu qui est Père.

Pape François, Angélus, place Saint Pierre, 20 septembre 2020

[…] Dieu agit comme cela : il ne regarde pas le temps et les résultats, mais la disponibilité, il regarde la générosité avec lesquelles nous nous mettons à son service. Sa façon d’agir est plus que juste, dans le sens où elle va au-delà de la justice et se manifeste dans la Grâce. Tout est Grâce. Notre salut est Grâce. Notre sainteté est Grâce. En nous donnant la Grâce, il nous accorde toujours plus que ce nous méritons. Alors, celui qui raisonne avec la logique humaine, c’est-à-dire celle des mérites acquis par ses propres talents, se retrouve de premier à dernier. « Mais j’ai tellement travaillé, j’ai tellement fait dans l’Eglise, j’ai tellement aidé, et on me paie la même chose que celui qui est arrivé en dernier ».  Souvenons-nous qui a été le premier saint canonisé dans l’Eglise : le Bon Larron. Il a « volé » le Ciel au dernier moment de sa vie : c’est la Grâce, Dieu est comme cela. Avec nous tous aussi. Au contraire, celui qui pense à ses propres mérites échoue ; celui qui se confie avec humilité à la miséricorde du Père, se retrouve de dernier – comme le Bon Larron – à premier (cf. v. 16).

 

(Photo: Pexels.com / Mark Stebnicki)

 

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