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La perfection de la loi divine

La perfection de la loi divine
7e dimanche du temps ordinaire (Année A)
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

7ÉME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A)

Lv 19,1-2.17-18; Ps 102; 1Co 3,16-23; Mt 5,38-48

Le Seigneur est tendresse et pitié

La perfection de la loi divine

Le passage de l’évangile d’aujourd’hui continue et conclut le passage sur l’enseignement de Jésus de dimanche dernier et pour cette raison, la référence faite alors peut être encore valable pour mieux comprendre les recommandations du Seigneur. Pour ne pas tomber dans l’habituelle interprétation moraliste, légaliste-casuistique des paroles de Jésus, il faut garder à l’esprit tout l’enseignement de Dieu et du Christ dans les Écritures, et surtout demander à l’Esprit Saint de nous aider dans notre réflexion afin que nous puissions percevoir dans le discours de Jésus son véritable esprit qui donne la vie abondante en Dieu.

  1. Le langage sapientiel et non légaliste de l’enseignement

Nous devons garder à l’esprit que l’enseignement de Jésus dans cette antithèse a un langage sapientiel et non légaliste. Ce que nous avons souligné dans le commentaire de dimanche dernier doit donc être réaffirmé avec force : le parfait accomplissement des préceptes ne sera que dans l’esprit du Précepteur et du Législateur, et non selon la lettre et les explications humaines. […]

[…] même dans les paroles de Jésus, il ne faut pas suivre « les lettres mortes », mais l’esprit de l’enseignement qu’Il a souvent transmis de manière pittoresque et hyperbolique, typique des maîtres-sages d’Israël. Ainsi, lorsque Jésus enseigne que « si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi » et « si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi », il ne préconise certainement pas une automutilation automatique, mais plutôt la volonté de ne faire aucun compromis avec l’occasion du scandale de l’adultère. Les paroles drastiques de Jésus servent de provocation efficace pour secouer l’esprit et faire réfléchir sur la véritable observance des commandements divins. Et dans tous les cas, il faut l’intelligence et l’illumination pour comprendre et observer l’esprit de l’enseignement de Dieu en Christ, c’est-à-dire qu’il faut demander humblement : « Montre-moi comment garder ta loi, que je l’observe de tout cœur ». (Ps 118 )

De cette façon, on évite un malentendu et même une déformation de l’enseignement de Jésus d’aujourd’hui. Ainsi, à propos de la recommandation de Jésus « si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre » (contrairement à la mentalité de “Œil pour œil, et dent pour dent”), un lecteur attentif des Évangiles pourrait se demander avec perplexité : “Mais comment Jésus lui-même a-t-il réagi lorsque, lors du procès devant le Sanhédrin, un serviteur du Grand prêtre l’a frappé sur la joue ?” Il n’a pas aussi tendu l’autre, mais répond avec dignité : « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal ? Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18,23). La recommandation de tendre l’autre joue n’est donc pas donné pour imposer une norme juridique rigide à appliquer de manière automatique, mais pour provoquer une réflexion et un discernement sage à la lumière de l’ensemble des paroles et des actions de Jésus lui-même dans les Évangiles. Face à quelqu’un qui te gifle, pour reprendre le langage du bibliste Qohelet, il y a un temps pour tendre l’autre joue, et il y a un temps pour répondre dignement et lui faire comprendre l’absurdité d’une telle violence gratuite. Le fait est que, pour rappeler un aphorisme d’un auteur moderne, de même que l’eau ne peut être séchée avec de l’eau, et le feu ne peut être éteint avec le feu, la violence ne peut être éliminée par la violence, même au nom de la justice du tribunal “Œil pour œil, et dent pour dent” (qui prévoit et permet une juste/proportionnée vengeance du mal subi). Les disciples de Jésus sont appelés à aller plus loin.

  1. « Aimez vos ennemis » – La loi de l’amour divin

Nous arrivons au sommet de la Loi instruite par Jésus sur le Mont des béatitudes : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent ». Il s’agit d’un trait révolutionnaire caractéristique qui a distingué les chrétiens dès les premiers instants. Et sur cet amour paradoxal, difficile, humainement presque impossible, Jésus insistera encore au cours de son ministère public, tant en paroles (par exemple, la parabole du bon Samaritain) qu’en exemples lors de sa Passion et de sa mort sur la croix. Ainsi, il devient Lui-même pour ses disciples la vraie mesure de l’amour qui est l’amour sans mesure, pour reprendre l’aphorisme de Saint Augustin, repris également par le Pape François dans son explication de cet enseignement de Jésus.

À propos de l’amour des ennemis, le passage parallèle de l’évangile de Luc nous aide à mieux comprendre la recommandation du Christ : « Mais je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient » (Lc 6,27-28). Il ne s’agit pas ici d’avoir on ne sait quels sentiments psychologiques (comme on devrait aimer les ennemis comme nos parents ou les proches), mais plutôt des actes concrets d’un amour tel qu’il n’est pas entièrement “humain/naturel”, mais surnaturel” ! En d’autres termes, aimer les ennemis signifie faire du bien à ceux qui nous haїsent, bénir ceux qui nous maudissent et prier pour ceux qui nous maltraitent. En résumé, nous sommes exhortés à faire du bien, bénir,  dire du bien, et à prier, ou bien demander à Dieu du bien pour ceux qui nous font du mal. C’est le principe chrétien que l’Apôtre Paul a recommandé : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12,21). Ainsi, la chaîne du mal se rompera, avec la générosité qui n’a sa source qu’en Dieu seul, généreux, miséricordieux et patient pour offrir les dons quotidiens nécessaires à la vie, même à ses enfants mauvais, ingrats, impies, parce qu’ils sont ses enfants malgré tout. La mission du Christ et de ses disciples sera de transmettre cette bonté divine même à nos ennemis pour leur rappeler leur dignité filiale devant Dieu et devenir nous-mêmes de plus en plus “enfants du Père céleste”: « afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux » (Mt 5,45).

  1. La véritable perfection chrétienne

Dans cette perspective, l’invitation finale du Christ à ses disciples est naturelle : « vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48). L’exhortation reflète celle de la Torah : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint » (Lv 19, 2), reprise plus tard par saint Pierre dans sa lettre (1Pt 1,16). La perfection est précisément celle de la sainteté que Dieu veut pour les membres de son peuple.

D’autre part, le passage parallèle dans l’évangile de Luc nous éclaire ultérieurement sur le vrai sens de la perfection/sainteté désormais recommandée aux chrétiens. Jésus dit : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6,36). La vraie perfection à laquelle Jésus exhorte ses disciples sera la miséricorde de Dieu qui est effectivement l’essence de l’être divin. En d’autres termes, plus tu es miséricordieux, plus tu es parfait ! Le chemin de la perfection chrétienne est d’atteindre la miséricorde de Dieu. Et la mission chrétienne dans le monde sera celle de la miséricorde divine.

Prions donc pour que chaque chrétien sache toujours suivre, avec la grâce de Dieu, le chemin de la perfection divine pour devenir toujours davantage porteur de la miséricorde de Dieu dans le monde, précisément sur les traces du Christ Maître et Seigneur.

Catéchisme de l’Église catholique                                      

2262 Dans le Sermon sur la Montagne, le Seigneur rappelle le précepte : “ Tu ne tueras pas ” (Mt 5, 21), il y ajoute la proscription de la colère, de la haine et de la vengeance. Davantage encore, le Christ demande à son disciple de tendre l’autre joue (cf. Mt 5, 22-39), d’aimer ses ennemis (cf. Mt 5, 44). Lui-même ne s’est pas défendu et a dit à Pierre de laisser l’épée au fourreau (cf. Mt 26, 57).

2303 La haine volontaire est contraire à la charité. La haine du prochain est un péché quand l’homme lui veut délibérément du mal. La haine du prochain est un péché grave quand on lui souhaite délibérément un tort grave. “Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis, priez pour vos persécuteurs ; ainsi vous serez fils de votre Père qui est aux cieux… ” (Mt 5, 44-45).

Pape François, Angélus, place Saint-Pierre, dimanche, 20 février 2022

Pourquoi aimer ses ennemis ? Si l’on ne réagit pas aux personnes autoritaires, tout abus a le champ libre, et ce n’est pas juste. Mais est-ce vraiment le cas ? Le Seigneur nous demande-t-il vraiment des choses impossibles et même injustes ? Est-ce vraiment le cas ?

Considérons tout d’abord ce sentiment d’injustice que nous ressentons en « tendant l’autre joue ». Et pensons à Jésus. Au cours de sa passion, lors de son procès injuste devant le grand prêtre, à un moment donné, il reçoit une gifle d’un des gardes. Et lui, comment se comporte-t-il ? Il ne l’insulte pas, non, il dit au garde : « Si j’ai mal parlé, témoigne de ce qui est mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18, 23). Il demande des comptes sur le mal reçu. Tendre l’autre joue ne signifie pas souffrir en silence, céder à l’injustice. Par sa question, Jésus dénonce ce qui est injuste. Mais il le fait sans colère, sans violence, plutôt avec gentillesse. Il ne veut pas déclencher une dispute, mais désamorcer la rancœur, cela est important : éteindre ensemble la haine et l’injustice, en essayant de récupérer le frère coupable. Ce n’est pas facile, mais Jésus l’a fait et nous dit de le faire nous aussi. C’est cela tendre l’autre joue : la douceur de Jésus est une réponse plus forte que les coups qu’il a reçus. Tendre l’autre joue n’est pas le repli du perdant, mais l’action de celui qui a une plus grande force intérieure. Tendre l’autre joue signifie vaincre le mal par le bien, qui ouvre une brèche dans le cœur de l’ennemi, démasquant l’absurdité de sa haine. Et cette attitude, tendre l’autre joue, n’est pas dictée par le calcul ou par la haine, mais par l’amour. Chers frères et sœurs, c’est l’amour gratuit et immérité que nous recevons de Jésus qui engendre dans nos cœurs une façon de faire semblable à la sienne, qui rejette toute vengeance. […]

Venons-en à l’autre objection : est-il possible qu’une personne en vienne à aimer ses ennemis ? Si cela ne dépendait que de nous, ce serait impossible. Mais rappelons-nous que lorsque le Seigneur demande une chose, il veut la donner. Le Seigneur ne nous demande jamais quelque chose qu’Il ne nous donne pas en premier. Quand il me dit d’aimer mes ennemis, il veut me donner la capacité de le faire. Sans cette capacité, nous ne pourrions pas, mais Lui te dit : « Aime ton ennemi », et il te donne la capacité d’aimer. […] Qu’est-ce que Dieu est heureux de nous donner ? La force d’aimer, qui n’est pas une chose, mais qui est l’Esprit Saint. La force d’aimer est l’Esprit Saint, et avec l’Esprit de Jésus, nous pouvons répondre au mal par le bien, nous pouvons aimer celui qui nous fait du mal. C’est ce que font les chrétiens.

Pape François, Angélus, dimanche, 19 février 2017

Dans l’évangile de ce dimanche (Mt 5, 38-48) — l’une des pages qui expriment le mieux la « révolution » chrétienne —, Jésus montre le chemin de la vraie justice à travers la loi de l’amour qui dépasse celle du talion, c’est-à-dire « œil pour œil, dent pour dent ». Cette antique règle imposait d’infliger aux transgresseurs des peines équivalentes aux dommages infligés: la mort à qui avait tué, l’amputation à qui avait blessé quelqu’un, et ainsi de suite. Jésus ne demande pas à ses disciples de subir le mal, au contraire, il demande de réagir, toutefois, non pas par un autre mal, mais par le bien. Ce n’est qu’ainsi que l’on brise la chaîne du mal: un mal apporte un autre mal, un autre apporte un autre mal… On brise cette chaîne du mal et les choses changent vraiment. En effet, le mal est un « vide », un vide de bien, et on ne peut pas remplir un vide par un autre vide, mais seulement par un « plein » c’est-à-dire par le bien.

[…] Ce que Jésus veut nous enseigner, est la distinction nette que nous devons faire entre la justice et la vengeance. Distinguer entre la justice et la vengeance. La vengeance n’est jamais juste. Il nous est permis de demander justice; il est de notre devoir de pratiquer la justice. En revanche, il nous est interdit de nous venger ou de fomenter la vengeance, de quelque façon que ce soit, car il s’agit d’une expression de la haine et de la violence.

Jésus ne veut pas proposer un nouvel ordre civil, mais plutôt le commandement de l’amour du prochain, qui comprend également l’amour des ennemis : « Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs » (v. 44). Et ce n’est pas facile. Cette parole ne doit pas être comprise comme une approbation du mal accompli par l’ennemi, mais comme une invitation à une perspective supérieure, une perspective magnanime, semblable à celle du Père céleste qui — dit Jésus — « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (v. 45). En effet, même l’ennemi est une personne humaine, créée en tant que telle à l’image de Dieu, bien qu’à présent, cette image soit obscurcie par une conduite indigne.

 

(Photo: Pexels.com / Vlada Karpovich)

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