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Les mystères du Royaume de Dieu en paraboles

Les mystères du Royaume de Dieu en paraboles
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

16ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A)

Sg 12,13.16-19; Ps 85; Rm 8,26-27; Mt 13,24-43

Les mystères du Royaume de Dieu en paraboles

Poursuivant l’écoute de l’enseignement de Jésus en paraboles, nous méditons aujourd’hui la parabole de la semence et de l’ivraie. Il s’agit d’un récit parabolique très particulier qui a dans l’Évangile même une explication du sens allégorique de chaque détail. Il a pour but d’introduire chaque disciple aux trois mystères fondamentaux du Royaume de Dieu qui se réalise dans le Christ Jésus : le mystère de l’iniquité, de la patience divine et de la croissance du Royaume jusqu’à la fin. Pour bien comprendre tout cela, il nous faut des oreilles pour écouter non seulement avec attention, mais aussi avec sagesse, avec la disposition des “petits “ devant Dieu, pour nous laisser surprendre encore par son message pour notre vie concrète de disciples-missionnaires du Christ.

 

  1. «C’est un ennemi qui a fait cela».   Le mystère de l’iniquité dans le champ de Dieu

L’image de l’ennemi semeur d’ivraie dans la parabole de Jésus est admirable. Elle est belle dans sa simplicité et profonde dans ses significations théologiques et spirituelles : « Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla ». Contrairement au semeur de bonne semence, son ennemi agit, « pendant que les gens dormaient », c’est-à-dire la nuit, dans l’obscurité. De plus, cet antagoniste est celui qui, pour reprendre une expression vietnamienne, “jette la pierre et cache ses mains”. En effet, « il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla ». Les travailleurs du camp sont donc dans l’ignorance, mais le propriétaire le sait et le démasque avec l’autorité de celui qui sait juger en connaissance de cause : « C’est un ennemi qui a fait cela ».

Tout cela laisse entrevoir la réalité du mal qui s’oppose à l’action du “Fils de l’homme”, Jésus-Christ, qui sème la bonne semence de l’Évangile dans le champ du monde. Cette réalité du mal est le plus souvent mystérieuse, incompréhensible du point de vue humain : comment ceci et cela sont-ils arrivés ? Pourquoi tant de mal gratuit que nous entendons de plus en plus dans les nouvelles chaque jour ? Il y a des tragédies qui ne peuvent pas être expliquées par les seules faiblesses humaines ou les tendances au péché. Il s’agit du “mystère de l’iniquité”, de la réalité du Malin qui s’oppose systématiquement à l’œuvre de Dieu dans le Christ pour l’humanité, et qui lui fait même la guerre. C’est pourquoi saint Paul a exhorté les fidèles avec les paroles inspirées par l’Esprit Saint : « Revêtez l’équipement de combat donné par Dieu, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du diable. Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes » (Eph 6,11-12).

 

  1. «Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson».    Le mystère de la patience divine.

Face à une telle situation “dans son champ”, nous sommes surpris par la recommandation du “maître de maison” : « Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ». C’est le mystère de la patience de Dieu et suscite tant de perplexité pour les “bonnes graines” elles-mêmes, les “enfants du Royaume”, qui souffrent, bon gré mal gré, de l’ivraie qui les entoure. Même si les bonnes graines restent silencieuses dans l’histoire, nous pouvons entendre leur cri dans le cri émouvant des premiers martyrs chrétiens dans la vision inspirée de l’auteur sacré du livre de l’Apocalypse : « Jusques à quand, Maître saint et vrai, resteras-tu sans juger […] ?» (Ap 6,10).

Cela fait écho au cri des justes de tous les temps et de tous les lieux face au mystère du “silence” de Dieu : « Comment peux-tu voir cela, Seigneur ? * Tire ma vie de ce désastre, délivre-moi de ces fauves » (Ps 34,17). Et la réponse explicite de Dieu dans le livre de l’Apocalypse, qui fait écho à la pensée de la parabole analysée, devrait nous faire réfléchir : « Et il fut donné à chacun une robe blanche, et il leur fut dit de patienter encore quelque temps, jusqu’à ce que soient au complet leurs compagnons de service, leurs frères, qui allaient être tués comme eux » (Ap 6,11), c’est-à-dire jusqu’à l’accomplissement de l’histoire, qui se produira de toute façon. « Fut dit de patienter », tout comme et ensemble avec Dieu et le Christ Seigneur.

Il ne s’agit cependant pas d’une patience passive, mais de la patience active d’un agriculteur agile et avisé. Littéralement et métaphoriquement, Dieu continue à travailler avec la terre, comme l’exprime le Psalmiste : « tu arroses les sillons ; tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies…» (Ps 64, 11). Tout cela sert avant tout à soigner les bonnes semences, mais aussi à une transformation miraculeuse, due à Dieu seul, de l’ivraie en bonne plante ! Voilà le mystère de la patience de Dieu qui « a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3,16). Il se révèle à cause de sa nature patiente et parce qu’il est miséricordieux envers toute l’humanité. Il n’est jamais pressé de détruire, mais cherche toujours à avoir «soin de toutes choses», à les faire vivre et revivre : « Mais toi qui disposes de la force, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement » (Sg 12,18 ; première lecture).

Et les serviteurs de Dieu, les travailleurs de terrain, sont tous invités à apprendre et à suivre cette patience divine dans la vie de foi et dans la mission d’évangélisation divine dans le monde à laquelle nous sommes tous appelés. C’est pourquoi saint Jacques exhorte : « Frères, en attendant la venue du Seigneur, prenez patience. Voyez le cultivateur : il attend les fruits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche » (Jc 5,7-8).

 

  1. Le mystère de la croissance du Royaume jusqu’à la fin

La raison de la patience est que Dieu voit davantage la croissance silencieuse des bonnes graines que la multiplication arrogante des mauvaises herbes : c’est le regard du Maître, de Celui qui tient toute l’histoire entre ses mains. Et la croissance même du Royaume, malgré toutes les oppositions qui veulent l’étouffer, représente le plus grand mystère de l’histoire humaine. Ce n’est pas par hasard que le Christ a affirmé avec autorité : « la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle » (Mt 16,18) à propos de son Église, qui est le commencement et le germe du Royaume de Dieu. Il sera donc certain, à la fin des temps, que triomphera l’amour fidèle de Dieu qui réalise avec le Christ et ses disciples-collaborateurs son Royaume sur le terrain du monde.

 

Pape François, Evangelii Gaudium

  1. L’Église “en sortie” est la communauté des disciples missionnaires qui prennent l’initiative, qui s’impliquent, qui accompagnent, qui fructifient et qui fêtent. […] Pour avoir expérimenté la miséricorde du Père et sa force de diffusion, elle vit un désir inépuisable d’offrir la miséricorde. […] L’évangélisation a beaucoup de patience, et elle évite de ne pas tenir compte des limites. Fidèle au don du Seigneur, elle sait aussi “fructifier”. La communauté évangélisatrice est toujours attentive aux fruits, parce que le Seigneur la veut féconde. Il prend soin du grain et ne perd pas la paix à cause de l’ivraie. Le semeur, quand il voit poindre l’ivraie parmi le grain n’a pas de réactions plaintives ni alarmistes. Il trouve le moyen pour faire en sorte que la Parole s’incarne dans une situation concrète et donne des fruits de vie nouvelle, bien qu’apparemment ceux-ci soient imparfaits et inachevés. Le disciple sait offrir sa vie entière et la jouer jusqu’au martyre comme témoignage de Jésus-Christ ; son rêve n’est pas d’avoir beaucoup d’ennemis, mais plutôt que la Parole soit accueillie et manifeste sa puissance libératrice et rénovatrice. […]

 

  1. […] Le Seigneur lui-même en sa vie terrestre a fait comprendre de nombreuses fois à ses disciples qu’il y avait des choses qu’ils ne pouvaient pas comprendre maintenant, et qu’il était nécessaire d’attendre l’Esprit Saint (cf. Jn 16, 12-13). La parabole du grain et de l’ivraie (cf. Mt 13, 24-30) décrit un aspect important de l’évangélisation qui consiste à montrer comment l’ennemi peut occuper l’espace du Royaume et endommager avec l’ivraie, mais il est vaincu par la bonté du grain qui se manifeste en son temps.

 

  1. La foi signifie aussi croire en lui, croire qu’il nous aime vraiment, qu’il est vivant, qu’il est capable d’intervenir mystérieusement, qu’il ne nous abandonne pas, qu’il tire le bien du mal par sa puissance et sa créativité infinie. […]Nous croyons à l’Évangile qui dit que le Règne de Dieu est déjà présent dans le monde, et qu’il se développe çà et là, de diverses manières : comme une petite semence qui peut grandir jusqu’à devenir un grand arbre (cf. Mt 13, 31-32), comme une poignée de levain, qui fait fermenter une grande quantité de farine (cf. Mt 13, 33), et comme le bon grain qui grandit au milieu de l’ivraie (cf. Mt 13, 24-30), et peut toujours nous surprendre agréablement. Il est présent, il vient de nouveau, il combat pour refleurir. La résurrection du Christ produit partout les germes de ce monde nouveau ; et même s’ils venaient à être taillés, ils poussent de nouveau, car la résurrection du Seigneur a déjà pénétré la trame cachée de cette histoire, car Jésus n’est pas ressuscité pour rien. […]

 

Pape François, Angélus, Place Saint-Pierre, 19 juillet 2020

Dans l’Evangile d’aujourd’hui (cf. Mt 13, 24-43) nous rencontrons encore Jésus qui parle en paraboles du Royaume des cieux à la foule. Je m’arrête uniquement sur la première, celle de l’ivraie, à travers laquelle Jésus nous fait connaître la patience de Dieu, en ouvrant notre cœur à l’espérance.

Jésus raconte que, dans le champ où le bon grain a été semé, pousse aussi l’ivraie, un terme qui résume toutes les herbes nocives, qui infestent le terrain. […]. Les serviteurs vont alors voir le maître pour savoir d’où vient l’ivraie et lui répond: «C’est quelque ennemi qui a fait cela» (v. 28). […]

L’intention des serviteurs est d’éliminer immédiatement le mal, c’est-à-dire les personnes malfaisantes, mais le maître est plus sage, il voit plus loin: ils doivent savoir attendre, car endurer des persécutions et des hostilités fait partie de la vocation chrétienne. Le mal doit certainement être rejeté, mais les mauvais sont des personnes avec lesquelles il faut user de patience. Il ne s’agit pas de la tolérance hypocrite qui cache de l’ambiguïté, mais de la justice adoucie par la miséricorde. Si Jésus est venu chercher les pécheurs plus que les justes, soigner les malades avant les bien-portants (cf. Mt 9, 12-13), notre action de disciples doit elle aussi viser non pas à éliminer les mauvais, mais à les sauver. Et là, il faut de la patience. L’Evangile d’aujourd’hui présente deux façons d’agir et d’habiter l’histoire : d’un côté, le regard du maître, qui voit loin; de l’autre, le regard des serviteurs, qui voient le problème. Les serviteurs ont à cœur un champ sans mauvaise herbe, le patron a à cœur le bon grain. Le Seigneur nous invite à adopter son regard, celui qui se fixe sur le bon grain, qui sait le protéger également parmi les mauvaises herbes. Ce n’est pas celui qui se met à la chasse des limites et des défauts des autres qui collabore bien avec Dieu, mais plutôt celui qui sait reconnaître le bien qui croît silencieusement dans le champ de l’Eglise et de l’histoire, en le cultivant jusqu’à maturation. Et alors ce sera Dieu, et Lui seul, qui récompensera les bons et punira les méchants. […]

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