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Sage prévoyance pour le temps de la fin

Sage prévoyance pour le temps de la fin
- Par le père Dinh Anh Nhue Nguyen, o.f.m. Conv., secrétaire général de l'Union pontificale missionnaire

33ÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A)

Pr 31,10-13.19-20.30-31 ; Ps 127 ; 1 Tes 5,1-6 ; Mt 25,14-30

Sage prévoyance pour le temps de la fin

Nous voici arrivés à l’avant-dernier dimanche de l’année liturgique. Le Seigneur, dans l’évangile, nous invite à réfléchir à nouveau sur la sagesse de la vie au temps de la fin, et il le fait au moyen d’une autre parabole, aussi belle et profonde que celle des dix vierges: la parabole des talents.

  1. Toujours l’approche eschatologique-sapientielle

Notre parabole fait suite à la parabole des vierges sages/stupides et se situe au milieu des instructions sur la fin des temps : il y a d’abord le discours eschatologique dans Matthieu 24, et ensuite la parabole du Jugement dernier, qui parle du même thème de la rétribution finale lors du retour du Christ (Mt 25,31-46). Ainsi, la perspective eschatologique-sapientielle de l’enseignement de Jésus dans la parabole proposée est claire, qui insiste sur la sagesse de la vie que tout serviteur doit avoir pour le temps de la fin, lorsque le “maître” reviendra.

À cet égard, dans la tradition biblico-judaïque, la sagesse consiste aussi dans la sagacité et dans l’habileté pratique à gérer les biens et à s’enrichir, comme nous l’avons vu dans le beau poème de la “femme vaillante” et donc sage (cf. Pr 31, 10-31 ; première lecture), en particulier : « En elle se confie le cœur de son mari / et il ne manque pas d’en tirer profit » (Pr 31, 11). Ainsi, le maître de l’histoire réprimande le dernier serviteur qui n’a pas su trouver le moyen de faire fructifier le “talent” qui lui a été confié : « tu aurais dû confier mon argent aux banquiers, et ainsi, à mon retour, j’aurais retiré le mien avec l’intérêt » (Mt 25,27).

  1. « Bon et fidèle serviteur» contre «mauvais et paresseux serviteur ».

Dans cette perspective sapientielle, nous pouvons mieux comprendre les “mérites” ou les “démérites” des serviteurs auxquels le maître a confié une partie de ses biens, avec générosité et sagesse, «selon les capacités de chacun». Ces “talents” remis sont un grand don gratuit (chaque talent vaut 10 000 deniers, soit environ un demi-million d’euros), mais ils exigent pour cela un traitement responsable et sage de la part de chaque serviteur. C’est l’engagement qui naît presque naturellement de la gratitude pour la confiance que le maître a placée en chacun de ses serviteurs.

Les deux premiers serviteurs, qui ont reçu respectivement cinq et deux talents et gagné autant d’argent, ont été loués par leur maître comme étant “bons et fidèles” et ont donc été autorisés à entrer dans la joie de leur maître. Le dernier serviteur, en revanche, est réprimandé comme un “serviteur mauvais et paresseux”. Son drame consiste à ne pas croire en la bonté de son maître. C’est l’attitude qui engendre le doute, la méfiance, la peur et, finalement, une vision complètement tordue de la personne du maître, comme l’explicitent les propres paroles du serviteur : « Seigneur, je sais que tu es un homme dur, qui moissonne là où tu n’as pas semé et qui ramasse là où tu n’as pas dispersé ». Cette vision a paralysé le serviteur et l’a conduit à ne pas s’engager librement pour faire fructifier le don qu’il a reçu. En effet, si l’on ne croit pas cela, toutes les excuses seront bonnes pour ne rien faire, pour rester paresseux en tout.

Par ailleurs, il convient de souligner que le paresseux est souvent dénoncé dans la tradition de sagesse biblico-judaïque par des textes ironiques très “colorés” tels que :

Pr 19, 24 : Le paresseux plonge sa main dans le plat, / mais ne peut pas la ramener à sa bouche.

Pr 22, 13 : Le paresseux dit : « Il y a un lion dehors : / je pourrais être tué au milieu de la route ». (C’est pourquoi il ne sortira jamais de la maison !).

Pr 10, 26 : Comme le vinaigre aux dents et la fumée aux yeux, / ainsi est le paresseux pour celui qui lui confie une mission. Et c’est ainsi qu’il est recommandé à ce type :

Pr 6,6 : Va vers la fourmi, paresseux ! / observe ses habitudes et deviens sage.

À la lumière de ces textes, la paresse est une expression particulière de la bêtise humaine. Ainsi, le dernier serviteur de la parabole, dénoncé par le maître comme “mauvais et paresseux”, devient  l’image de l’homme insensé qui ne sait pas valoriser et donc apprécier les dons qu’il a reçus afin de pouvoir les utiliser de manière sage et responsable pour un décompte final lors de la rencontre avec le maître.

  1. La dimension eschatologique de la mission de tout disciple du Christ

La parabole analysée offre un avertissement clair à tous les disciples du Christ. Ils sont appelés à vivre la période d’attente du retour en toute sécurité de leur Seigneur, et chacun d’entre eux se voit confier les différents dons parmi lesquels se distinguent la grâce de la foi et la connaissance de Dieu. Il est donc demandé à chacun de vivre l’attente non pas de manière sotte et paresseuse, mais avec sagesse et initiative, pour faire croître et fructifier le don de la foi reçu, en particulier en soi-même et ensuite chez les autres : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8b). Telle est la mission principale de tout disciple du Christ dans l’attente de sa venue. Il ne s’agit pas de savoir quel sera le rendement du capital obtenu, mais de reconnaître les dons que le Seigneur a accordés aux siens, pour ensuite les mettre en œuvre selon ses capacités et avec le soutien constant du même Seigneur qui a promis, lorsqu’il a envoyé les siens en mission auprès de tous les peuples : « Voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20b).

Pape François, Vêpres pour le commencement du Mois missionnaire, homélie, basilique Vaticane, mardi, 1er octobre 2019

Dans la parabole que nous avons écoutée, le Seigneur se présente comme un homme qui, avant de partir en voyage, appelle ses serviteurs pour leur confier ses biens (cf. Mt 25, 14). Dieu nous a confié ses plus grands biens : notre vie, celle des autres, tant de dons différents à chacun. Et ces biens, ces talents ne sont pas quelque chose à garder dans le coffre-fort, elle représente un appel : le Seigneur nous appelle à faire fructifier nos talents avec audace et créativité. Dieu nous demandera si nous nous sommes engagés, en prenant des risques, même en perdant la face. Ce mois missionnaire extraordinaire se veut comme une secousse pour nous inciter à être actifs dans le bien, non des notaires de la foi ni des gardiens de la grâce, mais des missionnaires.

On devient missionnaire en vivant comme des témoins : en témoignant par la vie qu’on connaît Jésus. C’est la vie qui parle. Témoin, c’est le mot-clef, un mot ayant, par sa racine, le même sens que martyre. Or les martyrs sont les premiers témoins de la foi : non par des paroles, mais par la vie. Ils savent que la foi n’est ni de la propagande ni du prosélytisme, c’est un don respectueux de la vie. Ils vivent en diffusant la paix et la joie, en aimant tout le monde, même leurs ennemis par amour pour Jésus. Ainsi, nous qui avons découvert que nous sommes enfants du Père céleste, comment pouvons-nous taire la joie d’être aimés, la certitude d’être toujours précieux aux yeux de Dieu ? C’est l’annonce que beaucoup de personnes attendent. Et c’est notre responsabilité. Demandons-nous en ce mois : comment je vis mon témoignage ?

À la fin de la parabole, le Seigneur déclare ‘‘bon et fidèle’’ celui qui a été entreprenant, mais ‘‘mauvais et paresseux’’ le serviteur qui a été sur la défensive (cf. 21.23.26). Pourquoi Dieu est-il si sévère avec ce serviteur qui a eu peur ? Quel mal a-t-il fait ? Le mal qu’il a commis, c’est de n’avoir pas fait du bien, il a péché par omission. Saint Alberto Hutardo disait : « il est bon de ne pas faire du mal. Mais c’est mauvais de ne pas faire du bien ». C’est le péché d’omission. Et ce peut être le péché de toute une vie, car nous avons reçu la vie non pas pour l’enfouir en terre, mais pour la mettre en valeur ; non pas pour la thésauriser, mais pour la donner. Celui qui est avec Jésus sait qu’on a ce qu’on donne, qu’on possède ce qu’on donne ; et le secret pour posséder la vie, c’est de la donner. Vivre d’omissions, c’est renier notre vocation : l’omission, c’est le contraire de la mission.

Nous péchons par omission, c’est-à-dire contre la mission, quand au lieu de faire rayonner la joie, nous nous enfermons dans une victimisation triste, en pensant que personne ne nous aime et ne nous comprend. Nous péchons contre la mission quand nous cédons à la résignation : « Je n’y arrive pas, je ne suis pas capable ». Mais comment ? Dieu t’a donné des talents et tu te crois pauvre au point de ne pouvoir enrichir personne ? Nous péchons contre la mission quand, en nous lamentant, nous continuons à dire que tout va mal dans le monde comme l’Église. Nous péchons contre la mission quand nous sommes esclaves des peurs qui immobilisent et nous nous laissons paralyser par le ‘‘on a toujours fait comme ça’’. Puis nous péchons contre la mission quand nous vivons notre vie comme on porte un poids et non comme un don, quand nous nous mettons au centre avec nos peines, à la place de nos frères et sœurs qui attendent d’être aimés. […]

Sainte Thérèse de Jésus nous montre le chemin, elle qui a fait de la prière le carburant de l’action missionnaire dans le monde. […] Il y a ensuite saint François Xavier, un des grands missionnaires de l’Église. Lui aussi nous secoue : sortons de nos coquilles ! Sommes-nous capables de nous départir de notre confort pour l’Évangile ? Et il y a la vénérable Pauline Jaricot, une ouvrière qui a soutenu les missions par son travail quotidien : par les offrandes qu’elle prélevait de son salaire, elle a été à l’origine des Œuvres Pontificales Missionnaires. […]

Une religieuse, un prêtre et une laïque nous accompagnent. Ils nous disent que personne n’est exclu de la mission de l’Église. […] Le Seigneur te demande d’être un don là où tu es, comme tu es, pour celui qui est à côté de toi ; de ne pas subir la vie, mais de la donner, de ne pas te lamenter, mais de te laisser toucher par les larmes de celui qui souffre. Courage, le Seigneur attend beaucoup de toi ! Il attend aussi que quelqu’un ait le courage de partir, d’aller là où manquent le plus l’espérance et la dignité, là où trop de personnes vivent encore sans la joie de l’Évangile.

 

(Photo: Pexels.com / Rūdolfs Klintsons)

 

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